Parties en vacances en solo, 3 femmes nous racontent
Maskot / Getty Images/Maskot
Cette année encore, nombre de vacancières sont parties en solo pour s’aérer l’esprit et changer de décor.
VOYAGE - « Grâce au voyage et à la solitude qu’il offre, les femmes se réapproprient non seulement le dehors, mais aussi le dedans, car il crée un aller-retour de l’un vers l’autre, et lie ces deux espaces jusqu’à les confondre et ne former plus qu’un : le territoire intime de la voyageuse », poétise Lucie Azema dans son excellent essai Les femmes aussi sont du voyage.
Dans cette cartographie féministe, l’autrice rappelle la manière dont le voyage divise les genres, profitant plus volontiers au masculin, plus présent dans la culture populaire (les livres, les films narrant des road trips), mais également moins risqué lorsqu’il se conjugue ainsi.
Effectivement, une femme qui part seule ne sera-t-elle pas pétrie d’avertissements en tout genre et plus ou moins légitimes ? Et pourtant, bien des globe-trotteuses rappellent que l’escale n’est pas une exclusivité masculine.
Cette année encore, nombre de vacancières sont parties en solo pour s’aérer l’esprit et changer de décor. Le regard qu’elles accordent à cette expérience en dit long sur les vertus du voyage et de la solitude. Une forme d’émancipation dans une société où injonctions et craintes empêchent parfois d’aller de l’avant, de s’alléger des contraintes du quotidien et de la charge mentale.
Pour Terrafemina, elles sont revenues sur ces escapades en solitaire.
Amélie, 33 ans : « Je voulais me lancer un défi »
« Cet été, je suis partie en festival solo, en France, au Festival du bout du monde sur la presqu’île de Crozon, dans le Finistère et après ce festival, j’ai poursuivi mon séjour deux semaines, en solo toujours - j’ai profité de pouvoir découvrir la Bretagne en faisant des randos. Quatre ans plus tôt, je vivais mon tout premier voyage en solitaire, à Malte, durant deux semaines.
À l’époque, je voulais me lancer un défi après un enchaînement de périodes compliquées : j’avais quitté mon mec, déménagé à Paris pour un boulot où la directrice était problématique, puis j’ai été au chômage…
Je me suis donc retrouvée toute seule dans un pays où il faut parler anglais (alors que je ne le pratique pas du tout) ! Dans mon entourage, on avait peur : une femme, seule, dans un pays étranger… Et quand tu voyages, il y a toujours des appréhensions. En tant que femme, tu as toujours la vigilance liée à une peur de l’agression. Quand tu fais une rando solo, tu te dis : « hum, il faut vraiment que je fasse attention car personne ne me sauvera ».
Tu éprouves aussi ça lors de ta première soirée dans une ville que tu ne connais pas, le temps que tu comprennes l’atmosphère et quel doit être ton niveau de vigilance. Cet été encore, la veille du festival, je me suis demandé : est-ce que c’est vraiment une bonne idée avec le délire des piqûres, etc. ?’
Et puis finalement, la première journée se passe bien et tu te dis : ’ça va aller’ ! À Malte, j’ai adoré mes vacances. J’ai rencontré des personnes formidables et j’ai découvert que quand on voyage seule, on ne l’est pas vraiment. C’est avec ces personnes que j’ai vécu des moments agréables et fait le tour de l’île pour voir un coucher de soleil différent chaque soir, passé les moments les plus mémorables… Et le plus souvent à l’eau !)
J’en retiens des souvenirs très forts en émotions. J’ai aussi découvert que je pouvais parler de périodes compliquées de ma vie à des inconnus. Ce sont aussi des moments de réflexion, sans jugement de telle ou telle personne. Voyager seule me permet de me centrer sur moi et mes envies. Et lorsque j’en ai envie, je sais que je peux rencontrer des personnes authentiques. »
Fleur, 31 ans : « J’ai décidé de partir seule en Colombie »
« La première fois que j’ai voulu voyager seule j’avais 21 ans. Je faisais un stage de 3 mois à New York et je me suis dit ’c’est l’occasion rêvée pour partir en Amérique du Sud !’ . Mais finalement, ma meilleure amie m’a accompagnée.
Alors quelques années plus tard, pour mes 25 ans, je suis partie en Colombie trois semaines en solo. Je connaissais déjà la Bolivie, le Pérou, je connaissais déjà la langue. Je sentais que j’avais besoin de ce voyage, car à l’époque j’habitais Londres et j’étais assez triste, je n’allais pas très bien, je venais de vivre une rupture assez compliquée...
Donc ce voyage me permettait de me recentrer sur moi. Certains prendraient un billet de cinéma, moi, j’ai décidé de partir seule en Colombie ! (rires) Mais pas seulement. Je voulais un projet où je puisse me surpasser, avoir quelque chose qui soit à moi. C’était un challenge, mais j’avais peut-être aussi une vision romancée du voyage en solo - on a tous grandi avec certains films.
Et puis j’avais déjà vu des filles voyager sans personne. Je m’imaginais, comme elles, être plus libre, vivre au jour le jour...
Très vite, je me suis dit : ’Si je fais attention, je m’en sortirai’. Je me renseignais par rapport aux endroits où une femme seule pouvait se rendre sans être en danger. Quand tu te lances là-dedans tu fais gaffe à des trucs auxquels les mecs ne doivent pas faire gaffe : ce n’est pas un voyage de mec. Il y a aussi, malheureusement, un gros facteur chance qui rentre en jeu.
Je me souviens aussi que la veille, je me suis dit : Mais pourquoi tu t’infliges ça ? ! Pourquoi tu as besoin de venir vivre dans d’autres pays toute seule au lieu de simplement passer des vacances avec tes copines ?’
Un autre jour, j’ai voulu faire Bogota-Carthagène en bus de nuit. Cela représente 22 heures de route. Seulement, à 19/20h, on a fait une pause sur une aire d’autoroute. Et à ce moment-là j’ai vraiment pris conscience que j’étais seule, à attendre que les gens finissent de manger, que le chauffeur reparte. Là, tu le ressens : tu es so-lo. Je me suis dit : si un jour j’ai des enfants et qu’ils décident de faire ça, l’horreur ! Si mes parents imaginaient ça... (rires).
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