Comment parler du harcèlement scolaire aux enfants ? « Il faut prendre au sérieux sans créer des angoisses »
ENFANTS - Les années collège, vraiment les pires ? Elles sont souvent citées comme étant les plus difficiles à vivre pour les victimes de harcèlement scolaire. Mais ce phénomène est aussi très présent chez les autres tranches d’âges.
« À l’école élémentaire, les enfants sont au moins autant touchés qu’au collège », avance Elsa Maudet, journaliste et autrice du livre illustré Dis, c’est quoi… le harcèlement scolaire ? – avec l’illustratrice Laure Lacour – dans lequel elle explique aux enfants qui ont entre 6 et 11 ans le harcèlement scolaire.
À chaque page, une question, une illustration et une réponse. L’ouvrage, paru le 15 septembre 2023 aux éditions Lacour des Loulous, fait le tour du sujet et s’adresse à tous les élèves, peu importe leur position : victime, témoin ou harceleur.
Elsa Maudet leur donne ainsi des clefs pour comprendre ce phénomène, reconnaître les situations problématiques et savoir comment réagir. Pour préparer son livre, l’autrice s’est rendue dans les écoles pour discuter avec les élèves. Elle y retourne aujourd’hui dans le cadre d’ateliers de sensibilisation. Pour Le HuffPost, elle nous explique quelle est la meilleure manière de parler de harcèlement scolaire à des enfants de cet âge.
Le HuffPost. Pourquoi avez-vous écrit ce livre pour cette tranche d’âge ?
Elsa Maudet. On parle souvent du harcèlement scolaire à l’adolescence. Mais on oublie l’école primaire. Pour ces enfants, on évoque souvent des chamailleries, on dit qu’ils sont durs les uns envers les autres… Ce qui occulte la question du harcèlement scolaire. Plus on parle aux plus jeunes, plus j’ai l’espoir que les enfants pourront se rendre compte par eux-mêmes de certaines situations problématiques. Car si on n’enraye pas les cas de harcèlement dès l’école, la situation risque d’empirer au collège.
Que savent-ils du harcèlement scolaire à cet âge-là ?
Ils connaissent le mot, mais ont du mal à cerner ce qu’il veut dire et à identifier ce qu’il représente dans leur vie. Ils ont tendance à mélanger les choses. Dans mes ateliers, certains me disent s’être fait embêter une seule fois par exemple : ce n’est pas bien, mais ce n’est pas du harcèlement. Je voulais faire ce livre pour leur expliquer ces choses, pour qu’ils aient un outil.
Quelles sont les choses que les enfants doivent absolument savoir ?
Dans le livre, il y a une partie qui montre comment reconnaître le harcèlement scolaire : si un enfant subit fréquemment des moqueries, s’il est souvent mis à l’écart… C’est dans ces situations qu’il y a un problème. Et l’enfant harcelé ne doit surtout pas garder son secret. Le fait d’en parler à un adulte de confiance est très important. Cela peut être l’enseignant, les parents, les animateurs, l’éducateur sportif… Si l’adulte en question ne réagit pas de la bonne manière, ou s’il ne croit pas l’élève, il faut en parler à un autre. Il y aura toujours un adulte qui aidera et écoutera l’enfant.
Quelle est la meilleure manière d’aborder le sujet avec eux ?
Il faut prendre les enfants au sérieux et leur expliquer clairement les choses. La priorité est d’éduquer : si des générations d’enfants apprennent à prendre soin les uns des autres, les problèmes de harcèlement scolaire deviendront marginaux. Il faut aussi développer leur capacité d’empathie : qu’un enfant puisse se demander ce qu’il ressentirait si on lui faisait la même chose, et comprendre que se moquer n’est pas une bonne solution. Mais il ne faut pas leur créer des angoisses. Mieux vaut leur proposer des solutions.
Quelles sont les différentes solutions en fonction de la position de l’enfant, s’il est harcelé lui-même, témoin, ou même harceleur ?
Un enfant harcelé a des fragilités : il faut lui faire prendre conscience de sa valeur et lui donner un peu de pouvoir sur lui-même. On peut essayer de le rassurer en lui disant que le harcèlement s’arrête toujours à un moment donné.
Dans la position de témoin, un enfant peut se sentir protéger, car il n’est pas la cible des moqueries. Dans ce cas de figure, il faut d’abord lui dire de ne pas rire et de ne pas encourager le harceleur. Ensuite, si l’enfant en a le courage, il peut s’interposer et dire au harceleur que ce qu’il fait n’est pas bien. Le mieux est de lui dire à plusieurs. Et dans tous les cas, il faut prévenir un adulte. Car ce n’est pas aux enfants de régler ces problèmes entre eux.
En ce qui concerne l’élève harceleur, il faut dans un premier temps lui expliquer que ce qu’il fait n’est pas bien et qu’il a le pouvoir d’arrêter les choses. On peut essayer d’inverser la relation, en lui proposant d’aider l’enfant victime, de jouer ensemble, plutôt que de s’en prendre à lui. Le harcèlement peut aussi être un mode de défense. Il faut donc demander à cet enfant s’il n’a pas de soucis ailleurs dans sa vie.
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