Paris va négocier le rythme de baisse du déficit

La France va discuter avec ses partenaires européens du rythme de la réduction de ses déficits, a déclaré jeudi sur France Inter le nouveau ministre des Finances, Michel Sapin, au lendemain de sa nomination. /Photo d'archives/REUTERS/Dado Ruvic

PARIS (Reuters) - La France va discuter avec ses partenaires européens du rythme de la réduction de ses déficits publics, a déclaré jeudi le nouveau ministre des Finances et des Comptes publics Michel Sapin, au lendemain de sa nomination. Avec un déficit équivalent à 4,3% du produit intérieur brut en 2013, supérieur aux prévisions, la possibilité de passer sous la limite européenne de 3% fin 2015, comme la France s'est engagée à le faire, s'est éloignée. François Hollande a lui-même laissé entendre que la France pourrait négocier un nouveau délai, alors que le pays a déjà obtenu deux ans de plus l'an dernier, avec un calendrier fixé à fin 2015. "Les objectifs sont des objectifs que nous tiendrons, ça fait partie du cap, il n'est pas question de changer ce cap", a dit Michel Sapin sur France Inter. "C'est le chemin, c'est le rythme lui-même qui sera discuté dans un intérêt commun." "C'est pas la France qui arrive à genoux, en demandant, en implorant. (...) C'est l'intérêt commun de l'Europe de trouver le bon rythme, le rythme adapté à la situation", a-t-il ajouté. François Hollande a ouvert cette piste en assignant lundi au nouveau gouvernement la tâche de "convaincre l'Europe que cette contribution de la France à la compétitivité, à la croissance, doit être prise en compte dans le respect de nos engagements". Le ministre sortant de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, a expliqué que des contacts étaient déjà en cours avec les partenaires européens de la France pour trouver un équilibre entre consolidation budgétaire et croissance. MOSCOVICI OPTIMISTE "Ça fait deux ans que nous nous battons pour qu'il y ait un équilibre entre la croissance et la consolidation budgétaire, c'est dans ce sens que j'avais obtenu l'an dernier un délai de deux ans pour revenir en deçà de 3% et les discussions continueront avec le nouveau gouvernement", a-t-il déclaré à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre Manuel Valls. "Je suis persuadé que la Commission européenne continuera à soutenir les efforts que fait la France à la fois pour le redressement de ses comptes publics et pour la croissance", a ajouté celui qui est promis à un poste de commissaire européen. La réponse de Bruxelles au président français ne s'est pas fait attendre. "La France est consciente de ses engagements, elle a déjà obtenu du temps et doit fournir davantage d'efforts", a déclaré mardi le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a abondé dans le même sens jeudi lors d'une conférence de presse. "Il est important que la France procède aux ajustements structurels nécessaires", a estimé de son côté Olli Rehn, le commissaire aux Affaires économiques et monétaires. Mais à Berlin, Norbert Barthle, expert budgétaire du parti d'Angela Merkel, tout en rappelant que la France avait déjà obtenu deux extensions, n'a pas exclu un nouveau délai. "Si de nouvelles concessions devaient être faites, alors, selon nous, elles devraient être accordées à des conditions très strictes", a-t-il dit à Reuters. "Il doit être évident que la France prend vraiment des mesures qui lui permettront de parvenir à son objectif en matière de déficit." Jusque-là, le gouvernement prévoyait de ramener le déficit public, qui agrège les soldes des comptes de l'Etat, des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale, à 3,6% du PIB fin 2014 et 2,8% fin 2015. Interrogé sur le duo qu'il compose à Bercy avec Arnaud Montebourg, le nouveau ministre de l'Economie, Michel Sapin a déclaré : "ce qui compte, c'est que ça marche, que ça soit cohérent". Quant à la baisse des prélèvements sur les ménages promise par François Hollande dans le cadre d'un futur "pacte de solidarité" accompagnant le "pacte de responsabilité" qui baissera le coût du travail, "il faut que les Français retrouvent du pouvoir d'achat", a dit Michel Sapin. Ceci permettra de soutenir la consommation des ménages et donc l'activité économique, a-t-il ajouté, "donc oui, il y aura des gestes forts en faveur du pouvoir d'achat des plus faibles". (Jean-Baptiste Vey, avec Julien Ponthus, Noah Barkin à Berlin, édité par Yves Clarisse)