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Paris: Le studio DreamWorks livre ses secrets dans une exposition célébrant ses 25 ans

Un croquis préparatoire des
Un croquis préparatoire des

Moins célébré que Pixar ou Ghibli, le studio DreamWorks reste une référence du cinéma d’animation mondial avec des œuvres potaches comme Shrek ou émouvantes comme Dragons. Le musée Art Ludique à Paris rend hommage au studio américain à l’occasion de ses 25 ans à travers une grande exposition qui se tient jusqu’au 8 novembre. L’occasion de découvrir 200 œuvres graphiques rares racontant les coulisses et les secrets de Shrek, Dragons, Kung Fu Panda ou encore Les Trolls 2 et Les Croods 2.

Le Prince d’Egypte, l’ambition épique

Président de Walt Disney Studios entre 1984 et 1994, Jeffrey Katzenberg est l’homme qui a remis sur pied la société avec des films comme La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladdin ou Le Roi lion. Couronné de succès commerciaux, il souffre cependant chez Disney du manque de reconnaissance et quitte le studio avec perte et fracas en 1994. Il fonde dans la foulée avec le réalisateur Steven Spielberg et le producteur David Geffen DreamWorks SKG.

Avec leurs premiers projets, Fourmiz et surtout Le Prince d’Egypte, sortis tous les deux en 1998, ils veulent se distinguer de Disney. Le Prince d’Egypte est tout ce que le studio du grand Walt refuse de produire: "Jeffrey Katzenberg voulait faire un film sur Moïse depuis longtemps. On le lui avait toujours refusé chez Disney", explique Jean-Jacques Launier, fondateur du musée Art Ludique. "Il avait envie de faire de la production à grand spectacle et lance le projet en parallèle de l’émergence de la 3D."

Sorti à Noël 1998, le film n’obtient pas le succès escompté, mais demeure une référence: "C’est un film culte", commente Jean-Jacques Launier. "Quand on parle avec les équipes de DreamWorks, on se rend compte à quel point Le Prince d’Egypte compte pour eux. Ils ont fait beaucoup de films depuis, mais ils restent toujours très attachés à celui-ci. Même s’ils sont connus pour leur impertinence et leur côté caustique, que l’on retrouve dans Shrek ou Les Trolls, Le Prince d’Egypte reste une lettre de noblesse chez eux."

Shrek, les contes revisités

Shrek, qui a décroché le premier Oscar du film d’animation en 2002, est un film très important pour DreamWorks. Immense succès au box-office mondial, cette parodie de contes de fées à l’humour gras impose le studio dans le paysage audiovisuel. Cet univers est né au fur et à mesure de la production.

L’exposition présente divers documents de travail de Shrek (croquis, storyboards) qui permettent de comprendre comment a été imaginé ce qui reste comme un film d’animation les plus marquants de l’histoire. Une peinture signée par le Français Luc Desmarchelier avec les trois héros du film - Shrek, l’âne et Fiona - au milieu d’un superbe paysage, comme dans un Disney, permet de comprendre comment DreamWorks imagine ses farces.

"Effectivement, ce n'est pas la vision traditionnelle de Shrek", indique Jean-Jacques Launier. "C’est quasiment une vision champêtre. Avec cette vallée verdoyante et ces beaux nuages, ce pourrait être une peinture poétique. Ce qu’on connaît de Shrek, c’est l’impertinence et les flatulences, mais aussi le détournement d’un conte de fées. Ils s’inspirent des contes de fées pour ensuite les réinterpréter en comédie barrée. Cet art du détournement est une des signatures de DreamWorks."

Il ajoute: "Lorsqu’ils réalisent un film, il y a toujours une première phase qui est le chaos. Ils sont toute une équipe qui dessine pour voir à quoi pourrait ressembler le personnage et le film. C’est lors de cette étape qu’une telle image est produite. Puis ça se recentre avec le réalisateur et les équipes, qui décident de s’orienter vers tel ou tel univers. Avec cette exposition, on peut découvrir ce qu’on ne voit jamais: les dessins préparatoires des films, et des visions inédites de ces œuvres cultes."

Kung Fu Panda, le renouvellement

Sorti en 2008, le premier volet de Kung Fu Panda a permis de montrer que DreamWorks était capable, au-delà du succès de Shrek, d’imaginer de nouveaux personnages iconiques. Pari réussi avec Po, ce panda maladroit qui devient un grand maître des arts martiaux:

"C’est vrai que quand on parle de DreamWorks, on parle souvent de Shrek, parce qu’il a été tellement important dans ce qu’il a apporté comme nouvelles valeurs. À l’époque c’était très fort, mais Kung Fu Panda à sa sortie a été une vraie bouffée d'oxygène pour le studio", se souvient Jean-Jacques Launier.

Un des secrets de DreamWorks est son absence de style et sa capacité à s’adapter à tous les genres, de Bee Movie à Turbo en passant par Megamind. Le studio a cependant une arme secrète: une délégation française pleine de talent, responsable de la création de certains des personnages les plus mémorables du studio.

Un de ces talents cachés est Nico Marlet, "character designer" (créateur de personnages) de génie qui travaille chez DreamWorks depuis 22 ans et créateur des personnages de Kung Fu Panda, Dragons ou Abominable. "C’est une figure importante dans le monde de l’animation. Il est très secret. Il parle très peu. Il dessine toujours au crayon. Il refuse le numérique", raconte Jean-Jacques Launier, avant d’ajouter: "Ce qui est génial, c’est qu’il arrive à motiver les réalisateurs. Ils ont des idées bien sûr, mais la façon qu'il a de dessiner les personnages leur en donne d’autres. Il permet aux réalisateurs d’aller plus loin."

"La délégation française chez DreamWorks est colossale", complète encore le spécialiste. "Dean DeBlois, le réalisateur de Dragons, ne s’en cache pas. Nico Marlet a fait le character design de tous les personnages, tandis que Pierre-Olivier Vincent, le directeur artistique à l’origine de tous les décors et Kristof Serrand, supervise l'animation. Quand on va chez DreamWorks, c’est assez marrant. Il y a un campus très beau. Il y a un restaurant avec une cascade. On voit tous les Français qui sont ensemble. Ils mangent toujours dehors, quand les Américains préfèrent manger en intérieur, avec la climatisation. Il y a une dimension vraiment cosmopolite chez Dreamworks: il y a seulement entre 30 et 40% d’Américains parmi les équipes."

Les Trolls 2, la folie débridée

Connu pour leur humour impertinent, les productions DreamWorks ont rarement osé reproduire l’humour décalé et parfois potache de Shrek. Avec Les Croods, et surtout Les Trolls 2, sorti le 14 octobre, le studio semble avoir franchi une nouvelle fois le pas. Film d’animation psychédélique, Trolls 2 déploie une imagination très étonnante, dans la lignée des épisodes les plus fous de Bob l’éponge.

"On se demande comment ils ont fait certaines scènes", s’enthousiasme Jean-Jacques Launier. "J’ai été extrêmement surpris par le film, dans le bon sens. Je ne pensais pas que le film serait aussi fort que ça. On peut se dire que je le dis parce que le film vient de sortir, mais non. Le film est réellement complètement barré, son message est vraiment intéressant sur la diversité et la différence et en même temps graphiquement et technologiquement, c’est complètement fou. C’est presque une installation d’art contemporain! Ça pète de partout!."

Destiné à un public enfantin, Trolls 2 a des allures de film expérimental, avec des scènes surréalistes: "Le studio n’a pas bridé le réalisateur de Trolls 2. La technologie lui permet de faire des choses qui étaient impossibles de faire au moment de Shrek ou même du premier volet des Trolls. DreamWorks travaille avec la Nasa et le MIT pour mettre au point ses logiciels. La technologie vient servir les artistes, parce qu’ils arrivent à repousser les limites."

Les 25 ans de Dreamworks - du 14 octobre 2020 au 8 novembre 2020 - Art Ludique Hors les Murs - 2a Rue Montalembert Paris (75007). Entrée gratuite. L'exposition se déplacera ensuite entre mars et juin dans le château de Ferney-Voltaire dans l'Ain.

Article original publié sur BFMTV.com