Paris s'attend à des discussions difficiles sur l'Iran

La France, qui défend l'idée d'un accord plus large sur l'Iran après la décision américaine de se retirer du texte de 2015, s'attend à des discussions difficiles et à des avancées par à-coups dans les prochains mois entre les parties prenantes dans un contexte de regain de tensions dans la région. /Photo d'archives/REUTERS/Leonhard Foeger

PARIS (Reuters) - La France, qui défend l'idée d'un accord plus large sur l'Iran après la décision américaine de se retirer du texte de 2015, s'attend à des discussions difficiles et à des avancées par à-coups dans les prochains mois entre les parties prenantes dans un contexte de regain de tensions dans la région.

"La négociation qui s'ouvre va être longue et complexe", souligne une source diplomatique française. "On est dans un scénario maximal avec une sortie sèche américaine. Ce n'est pas vraiment surprenant compte tenu des déclarations de Donald Trump ces deniers mois mais on aurait évidemment préféré un autre scénario."

"C'est un processus qui va prendre du temps. Il faut s'attendre à une mise en place par étape, par séquence, par palier de discussions", ajoute-t-on.

En première ligne ces derniers mois avec Berlin et Londres pour tenter de convaincre Donald Trump de rester dans le cadre de l'accord de 2015, Emmanuel Macron a proposé lors de sa visite à Washington fin avril "un nouvel accord" à même, selon Paris, de répondre aux inquiétudes américaines et de maintenir la stabilité de la région.

Quelques secondes seulement après l'allocution de son homologue mardi soir, le président français a réitéré cette proposition qui doit permettre d'englober quatre volets : bloquer toute activité nucléaire iranienne jusqu'en 2025, empêcher à plus long terme toute activité nucléaire, stopper les activités balistiques de l'Iran et créer les conditions d'une stabilité politique dans la région.

"Cette proposition permet qu'on ne soit pas tous dans un état de sidération absolu ou d'impression de saut dans le vide avec la décision américaine mais qu'on ait des perspectives pour travailler", fait-on valoir à l'Elysée.

PARTIE DÉLICATE

La partie s'annonce délicate, notamment auprès de l'Iran hostile à toute initiative qui irait au-delà de l'accord conclu après d'intenses tractations en juillet 2015 à Vienne, mais également auprès des Etats-Unis.

Signé par l'Iran, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne, le JCPOA (Plan d'action global conjoint) a mis en place un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée progressive des sanctions contre Téhéran. Mardi, le président américain a annoncé son retrait et un rétablissement des sanctions.

"Parler de l'avenir du traité ne devrait pas être tabou mais en parler au moment où il est remis en cause ne facilite pas la donne", reconnaît la source diplomatique française. "C'est sensible mais ce n'est pas pour autant du tout inaccessible", ajoute-t-elle toutefois.

Un avis partagé par l'Elysée, où l'on indique avoir constaté "avant même la décision américaine de mardi un état d'esprit assez ouvert du président iranien Hassan Rohani notamment lors de discussions avec le président français."

Lors d'un entretien téléphonique mercredi, les présidents français et iranien sont convenus, selon le compte rendu de l'Elysée, de "poursuivre leur travail en commun en vue de la mise en oeuvre continue de l'accord" de 2015 et de la préservation de la stabilité régionale.

La lecture iranienne, rapportée par l'agence de presse Isna, est plus prudente - "dans les circonstances actuelles, l'Europe a une occasion très limitée de préserver l'accord nucléaire" a prévenu Hassan Rohani - et le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déclaré qu'il ne faisait pas confiance aux Européens.

Une réunion est prévue lundi prochain entre les chefs de la diplomatie français, allemand et britannique et des représentants iraniens. La question de l'Iran sera également abordée entre Européens en marge du sommet de Sofia, le 17 mai, et lors de la visite d'Emmanuel Macron fin mai en Russie, autre signataire de l'accord de 2015.

POSITION AMÉRICAINE

"Passé ce moment de crise avec les Etats-Unis, il faut qu'on puisse passer à une période de négociation, que les Etats-Unis acceptent de parler directement aux Iraniens", estime la source diplomatique française. "Pour l'instant les Etats-Unis vont probablement laisser la poussière retomber, le texte de Trump est extrêmement dur, on est dans la pression maximale".

"Tout est faisable à partir du moment où tout le monde est d'accord pour discuter, on n'en est pas là", ajoute-t-elle.

L'objectif au bout du compte est "de parvenir à s'asseoir avec les Iraniens et de négocier un nouvel accord mais je ne pense pas que nous en sommes à ce stade aujourd'hui ou que ce sera le cas demain", a abondé un haut responsable du département d'Etat américain à Washington.

"La première étape va consister à aller parler à nos partenaires internationaux qui partagent nos intérêts", a-t-il ajouté.

Forte du soutien de la Chine et de la Russie et de ses alliés européens, la France fait valoir que ce "nouvel accord" permet de répondre aux préoccupations américaines mais également israéliennes et saoudiennes vis-à-vis de l'Iran.

Signe des tensions toujours vives dans la région, les forces iraniennes ont tiré dans la nuit de mercredi à jeudi des roquettes contre des positions de l'armée israélienne sur les Hauteurs du Golan, près de la frontière syrienne, selon l'armée israélienne, qui a répliqué militairement.

Emmanuel Macron a exprimé avec la chancelière allemande Angela Merkel jeudi sa préoccupation et appelé à la désescalade.

(Marine Pennetier, avec Lesley Wroughton à Washington, édité par Simon Carraud)