Paris: Largo Winch fête ses 30 ans avec une rétrospective à la Cité de l’économie

Détail de l'affiche de l'expo
Détail de l'affiche de l'expo

2020 est l’année de la BD, mais aussi celle de Largo Winch. Le charismatique milliardaire en jeans créé par le scénariste Jean Van Hamme et le dessinateur Philippe Francq fête ses 30 ans avec Largo Winch, aventurier de l'économie, une exposition organisée à la Cité de l’économie à Paris jusqu’au 12 février 2021.

Cet anniversaire s’accompagne de la sortie de Largo Winch: l'art du dessin de Philippe Francq, beau livre sur le travail graphique du dessinateur. Une belle reconnaissance artistique et intellectuelle pour cette série désormais vendue à 12 millions d’exemplaires vendus en français et traduit dans une vingtaine de langues - et qui a commencé comme un ersatz de SAS de Gérard de Villiers.

"Largo était à l’origine une série de romans de Jean publié au Mercure de France", se souvient Philippe Francq. "Les bouquins étaient émaillés de petites scènes érotiques parfois un peu crues. Si j’avais dû les mettre en images, j’aurais été bien mal à l’aise. En bande dessinée, on propose des images aux lecteurs. On ne peut pas se permettre les mêmes libertés que l’écrivain."

"Le Che Guevara du capitalisme humaniste"

Cette consécration de Largo Winch est une belle revanche pour une série plus souvent louée pour sa capacité à vulgariser l’économie que pour ses qualités graphiques. Largo Winch, avec son univers de porte-flingues vulgaires et de femmes fatales sorties des James Bond, n’a pas toujours fait l’unanimité.

"Les gens qui trouvent ça suspect sont souvent ceux qui n’ont pas lu un seul album de la série", explique Philippe Francq. "Je me rappelle d’une intervention de Cabu sur le plateau de C dans l’air. À la fin d'un reportage sur mon travail, Cabu avait dit: 'C’est à cause de BD comme ça qu’il y a de la violence dans les rues.' Le pauvre, s’il avait pu un instant se douter… Je pense qu’il n’avait pas lu un seul Largo et qu’il s’était fait une image à l’emporte-pièce de la série. Ce n’est pas vraiment à cause de Largo qu’il y a de la violence dans les rues... "

Capitaine d’industrie au grand cœur, Largo Winch n’est en effet "responsable de rien", poursuit le dessinateur. "Il n’est pas responsable de sa fortune - elle a été amassée par son père. Il n’est pas responsable de sa famille d’adoption, évidemment. Et en plus c’est un rebelle. C’est là que je me dis qu’il aurait peut-être plu à Cabu s’il l’avait lu… Largo, c’est un peu le Che Guevara du capitalisme humaniste."

"Quand on aime le dessin, on en prend plein les yeux"

L'exposition permet de redécouvrir la série, mais surtout le travail graphique de Philippe Francq, en présentant ses outils, de ses crayons aux livres qu’il utilise pour concevoir ses albums. Dans ses rayonnages, on trouve de tout, de la documentation sur l’Amérique, des livres d’économie et un livre de Michel Pastoureau sur l’histoire de la couleur jaune. Rien d’étonnant pour ce dessinateur qui met en scène dans Largo un monde aux couleurs très vives, avec une nette préférence pour le bleu et le rose.

À 58 ans, Philippe Francq est désormais considéré comme un grand nom de la BD, au même titre qu’un Rosinski, qu’un Moebius ou qu’un Franquin. "C’est peut-être le privilège du temps, aussi", se contente-t-il de commenter avec modestie. Avec le temps, Largo s’est installé dans le paysage culturel. Le public a apprivoisé le milliardaire en blue jeans aux faux airs de Kurt Russell.

Si Francq n’aurait jamais imaginé être exposé dans un musée, son nouveau scénariste Eric Giacometti s’en doutait un peu. Il y a des années de cela, bien avant de travailler sur la série, il s’amusait à découper les cases qui lui plaisaient dans Largo Winch pour les afficher au mur, comme des toiles de maître. Avec l’exposition, où des cases des albums ont été reproduites en grand format, il se régale: "C’est incroyable. D'ailleurs ça me donne des envies de faire une impression sur lino et de me la mettre chez moi dans l’entrée."

La Cité de l’économie a utilisé plusieurs cases de la série pour créer d’impressionnantes animations immersives qui plongent le public dans l’univers de Largo Winch à l’aide des nouvelles technologies. Une initiative inédite, qui a fortement impressionné Eric Giacometti: "Quand on aime le dessin, on en prend plein les yeux. Je suis très intéressé de savoir ce qui va se passer dans le milieu de la BD avec ce dispositif. Il y aura un avant et un après pour les dessinateurs", assure-t-il.

Un nouvel album en 2021

Philippe Francq s’est lancé dans la BD pour dessiner des grands espaces et des jungles. Il est devenu depuis au fil de ses trente ans de carrière un spécialiste de l’architecture urbaine, comme le met en avant la Cité de l’économie. Au début de Largo Winch, Jean Van Hamme avait d’ailleurs prévenu le jeune dessinateur: "De l’aventure, d’accord, mais ça va être de l’aventure urbaine."

L’exposition rend hommage à ce talent, avec des agrandissements de planches, taille XXL, mais aussi avec de nombreux originaux, qui permettent de découvrir des planches où Francq dessine avec une grande minutie des gratte-ciels à l’architecture post-moderne: "On peut se frotter à certaines choses après trente ans de métier, qu’on essaye d’éviter quand on commence", glisse le dessinateur.

Son prochain défi est le nouveau diptyque. Sortie prévue en novembre 2021 pour le premier volet, intitulé La Frontière de la nuit. Pour l’instant, impossible d’en connaître le sujet, si ce n’est qu’il abordera l’espace, l’écologie et un peu #MeToo. Pour en avoir un premier aperçu, il faut se rendre à l’expo, où la planche originale de la première page de l’album a été exposée en trois versions différentes (crayonné, encrage et mise en couleur).

Les quatorze pages suivantes sont consultables sur le site de Dupuis. Pour la suite, il faudra attendre un an. Les fans n’ont rien à craindre: les planches déjà disponibles ne gâcheront en rien le plaisir de lecture de l’album final: "Eric a écrit une histoire assez surprenante", assure Philippe Francq. "Ce qu’on a dévoilé sur Instagram ne laisse rien présager de ce qui se passe dans cette histoire. Absolument rien. Le meilleur reste à venir."

Largo Winch, aventurier de l’économie, à la Citéco - la Cité de l’économie - du 17 octobre 2020 au 12 février 2021. 1, place du Général-Catroux Paris (75017).

Article original publié sur BFMTV.com