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<p>Chronique "L'air du temps"</p> - Europe et haines

La chronique hebdomadaire de Gilles Martin-Chauffier.

Quelle histoire ! On a hissé un drapeau aux couleurs de l’Europe sous l’Arc de Triomphe . Un seul mot : magnifique. Et rien de plus normal : la France prend la tête du Conseil de l’Union pour six mois. Un moment de grâce pour notre diplomatie toujours bourdonnante comme une cigale. Nerveux, fébrile, vibrant, le Quai d’Orsay avait mille petites idées pour relancer le rêve européen. On devrait d’ailleurs dire le miracle : faire que deux nerveuses comme la France et l’Allemagne voisinent peu à peu comme pile et face. Personne n’y croyait. Et pourtant ! Première étincelle prévue par nos chers diplomates : au sommet des Champs-Élysées, un étendard azur aux douze étoiles dorées se laisserait caresser par le vent.

Mauvaise pioche : le sang des indignés professionnels n’a fait qu’un tour. Un intrus se faufilait dans l’écrin réservé à nos trois couleurs. Le mot « sacrilège » fut prononcé. Prière de ne pas rire : on aurait bafoué la mémoire des soldats inconnus morts pour leur patrie entre 1914 et 1918 ! C’est la France. Toujours à faire et refaire son numéro de tragédienne. Dès que le bleu, le blanc et le rouge s’en mêlent, elle prend des mines comme si elle pénétrait dans un sanctuaire. Enchantée d’elle-même, elle se croit le sel de la terre. Tous les jours, il y a une plume quelque part pour citer un prétendu proverbe allemand qui dirait : « Heureux comme Dieu en France. » D’ailleurs, selon Péguy, le même se serait inquiété : si nous disparaissions, il n’y aurait plus personne pour comprendre certains de ses actes. Avec le temps pourtant, notre vieille nation devrait se calmer. Ses grâces se sont un peu flétries. Elle a toujours les colliers, les bagues, les bracelets et toute la joaillerie de famille qui fascinaient le(...)


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