Sur les otages du Hamas à Gaza, le Qatar s’est taillé une position centrale dans les discussions

Le ministre qatari des Affaires étrangères Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani (2e en partant de la droite) et le coordinateur du Conseil de sécurité nationale américain pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Brett McGurk (2e en partant de la gauche), lors d’une rencontre à Doha, au Qatar, le 19 novembre 2023.
- / AFP Le ministre qatari des Affaires étrangères Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani (2e en partant de la droite) et le coordinateur du Conseil de sécurité nationale américain pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Brett McGurk (2e en partant de la gauche), lors d’une rencontre à Doha, au Qatar, le 19 novembre 2023.

PROCHE-ORIENT - Jamais, depuis le 7 octobre, une issue favorable n’avait autant été espérée. « Est-ce qu’un accord de libération des otages est proche ? », a demandé ce lundi 20 novembre un journaliste américain à Joe Biden. « Je crois », lui a répondu le président américain.

Si le Hamas a libéré des otages au compte-gouttes ces dernières semaines, l’immense majorité des 240 personnes kidnappées lors des attaques sur le sol israélien (dont une petite dizaine de Français) restent en captivité dans la bande de Gaza. Leurs proches vont rencontrer ce lundi dans la soirée l’ensemble du cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu.

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Une sortie de crise positive serait un marqueur majeur de l’histoire conflictuelle entre l’armée israélienne et le Hamas : le dernier échange de prisonniers entre les deux camps remonte à 2011 quand 1 027 détenus palestiniens avaient été libérés contre le soldat franco-israélien Gilad Shalit enlevé cinq ans plus tôt par le mouvement terroriste. C’était la première fois en 26 ans qu’un militaire israélien capturé était ramené vivant dans son pays.

Si la Maison Blanche a affirmé ce week-end « continuer à travailler dur » pour parvenir à un accord de libération, qu’Emmanuel Macron a évoqué le sujet avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi ou que la Turquie a aussi un rôle à jouer, c’est le Qatar qui est l’acteur-clé de ces négociations.

Le Premier Ministre de l’émirat a affirmé qu’il ne restait que des obstacles « très mineurs », notamment « logistiques » et « pratiques » en vue d’un accord, mais sans fournir de calendrier. Les négociations ont connu « des hauts et des bas au cours des dernières semaines. Je suis désormais plus confiant dans le fait que nous sommes suffisamment proches pour parvenir à un accord qui permettra à ces gens (les otages) de rentrer chez eux en toute sécurité », a développé le ministre des Affaires étrangères.

Le chef du Hamas vit en exil à Doha, la capitale du Qatar

Alors que les États-Unis évoquent le scénario d’une libération de « plusieurs dizaines » d’otages contre une pause dans les combats de « plusieurs jours », le Qatar, habitué des missions de bons offices entre mouvements radicaux et pays occidentaux, s’affiche donc en acteur incontournable. Il l’est par sa position géographique mais surtout par ses liens directs avec le Hamas que n’ont pas les États-Unis ou l’Union européenne.

C’est par exemple à Doha qu’est installé depuis 2012 le bureau politique du Hamas. Celui-ci est dirigé par Ismail Haniyeh, qui vit en exil dans la capitale qatarie depuis 2019. « Le médiateur le plus accommodant, c’est le Qatar, un petit État qui n’a pas d’agenda régional, qui n’a pas le souci d’un usage politique de la médiation », analyse auprès de l’AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et la Méditerranée à Genève.

Le riche émirat gazier, qui a décidé par stratégie de parler à tout le monde dans la région, « est un bon connaisseur du Hamas et son soutien financier fidèle », ajoute-t-il, en référence au financement par Doha des salaires des fonctionnaires de la bande de Gaza. La somme avoisinne « 30 millions de dollars par mois », selon Didier Billion, de l’lris, dans Le Point. Le Qatar fournit aussi du carburant pour faire fonctionner l’unique centrale électrique du territoire gazaoui. « À partir du printemps arabe, le Qatar a reçu les dirigeants du Hamas, notamment parce que les États-Unis ne voulaient pas que ceux-ci s’exportent en Syrie ou en Iran », explique encore Hasni Abidi pour France Culture.

Un canal de communication discret avec Israël

Par ailleurs, le Qatar s’est « spécialisé dans la libération d’otages », souligne auprès de l’AFP Étienne Dignat, du Centre de recherches internationales (Ceri), rappelant qu’il était intervenu dans la récente libération d’Américains prisonniers en Iran. Dans le conflit actuel au Proche-Orient, Doha a déjà permis en octobre la libération très médiatisée de quatre otages : une Américaine et sa fille ainsi que deux Israéliennes.

« Le Qatar joue un double jeu : il maintient à la fois les relations avec les groupes terroristes et certaines nations occidentales qui lui sont redevables », observe encore Étienne Dignat. Car si les liens demeurent beaucoup moins forts qu’avec le Hamas, l’émirat entretient aussi un canal de communication discret avec Israël, qui lui permet ainsi de parler avec toutes les parties dans ce dossier ultra-sensible.

Même s’il a été fermé, « un bureau de représentation commerciale d’Israël a par exemple existé pendant un temps au Qatar (et) des liens se sont maintenus au niveau sécuritaire », explique au Point Didier Billion, de l’lris. « Des accords ont nécessairement été conclus pour qu’Israël n’élimine pas physiquement les dirigeants du Hamas qui vivent à Doha », rappelle-t-il aussi.

En attendant l’éventuelle libération d’otages à venir, ce qui reste à peu près sûr, c’est que les combats et bombardements continueront à Gaza tant qu’ils n’auront pas été entièrement relâchés, comme l’a répété à maintes reprises Benjamin Netanyahu.

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