OQTF : laissez-passer consulaire, temps de la justice… Ces éléments à connaître pour comprendre la polémique
Laissez-passer difficiles à obtenir de la part du pays d'origine, lenteurs judiciaires et administratives, les obstacles à l'obligation de quitter le territoire, dont été sommé le principal suspect du meurtre de la jeune étudiante Philippine, sont nombreux.
Il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais faute de laissez-passer consulaire et de temps pour organiser son départ en avion, Taha O., le ressortissant marocain suspecté d'avoir tué la jeune étudiante de Paris-Dauphine et déjà condamné à sept ans de prison pour un viol en 2019, a été relâché de son centre de rétention le 3 septembre dernier. Soit trois semaines avant le meurtre de la jeune étudiante de Paris-Dauphine, Philippine, indique Le Figaro.
Et c'est bien ce qui fait polémique dans ce fait divers : le suspect était toujours en France malgré son OQTF au moment des faits. "Du droit des étrangers tout ce qu’il y a de plus banal, soupire une source judiciaire. Là, on en parle à cause d’un terrible fait divers mais c’est ni plus ni moins que l’application de la loi", déplore une source judiciaire au Parisien.
En France, une personne visée par une OFQT en cas de refus de titre de séjour, de refus de demande d'asile ou de menace pour l'ordre public, a un mois pour quitter le territoire. Passé ce délai, elle est placée en centre de rétention administratif (CRA) ou assignée à résidence.
Très peu d'OQTF aboutissent
Mais selon les chiffres du ministère de l'Intérieur du premier semestre 2022, seules 6,9% des OQFT aboutissent. Une des principale entrave à leur exécution, comme dans le cas de Taha O. ou dans le meurtre de la jeune Lola en 2022 pour lequel une Algérienne en situation irrégulière était visée par une OQTF : le laisser-passez, l'accord indispensable du pays de retour à accueillir la personne sommée de quitter le territoire. En 2021, seuls 53,7 % des laisser-passez consulaires (LCP) ont été ainsi délivrés, selon le rapport Buffet.
"C'est une question majeure. Si on veut qu'il y ait une politique des visas ouverte, il faut que les pays acceptent une régulation faite conjointement, il faut que les pays acceptent de reprendre les personnes qui ne sont pas habilitées à rester sur le territoire. Sinon, il n'y a pas de confiance possible", avertissait Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) sur Europe 1 en 2022, avant l'examen du projet de loi asile-immigration.
Politique du chiffre
Mais les laissez-passer ne sont pas les seules entraves à l'exécution des OQFT, qui font face à d'autres obstacles judiciaires et administratifs. Des avocats pointaient une même difficulté auprès des journal Le Monde et Libération en 2022, après la mise en examen d’une Algérienne en situation irrégulière et visée par une OQTF, pour le meurtre de la jeune Lola : la politique du chiffre, qui pose problème à chaque étape de la procédure.
Lenteur de la justice, manque de moyens
Bien qu'ils sont peu à aboutir, les recours peuvent aussi freiner la procédure, note Libération. "L’exécution de l’OQTF continue d’être suspendue jusqu’à ce que le tribunal ait rendu son jugement. Ce qui prend maximum trois mois dans les textes, mais dans les faits, c’est généralement plus long, parce que les juridictions administratives connaissent de plus en plus de recours sans qu’il y ait une augmentation du nombre de magistrats administratifs en parallèle»
"Les agents des services de l’immigration et de l’intégration des préfectures font part régulièrement des grandes difficultés liées à l’exercice de leurs missions en matière d’éloignement. Ces services apparaissent débordés, voire asphyxiés. Les bureaux des étrangers dans les préfectures, déjà extrêmement mobilisés par leurs activités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, sont sous-dimensionnés pour répondre à l’ampleur de la tâche", déplorait de son côté le député LR Pierre-Henri Dumont dans un avis rendu en 2021.
Manque de place en centre de rétention administratif (CRA)
"On a 1 800 places en centres de rétention administrative pour des centaines de milliers d’étrangers sans titre, et on subit des annulations de mesures d’éloignement par les juges judiciaires et administratifs", soulignait aussi un cadre de la place Beauvau à Libération en 2022.