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Nouveau scandale autour de la viande de cheval

MARSEILLE (Reuters) - Une vaste opération a été menée lundi dans le milieu du négoce de viande en gros du sud de la France dans le cadre d'une enquête sur la mise sur le marché alimentaire de viande de cheval de laboratoire impropre à la consommation. Vingt-et-une personnes sont en garde à vue à l'issue de ce coup de filet mené dans onze départements, a annoncé le procureur de Marseille Brice Robin. Environ 200 chevaux sont concernés par la fraude organisée par un réseau de maquignons qui avait recours à quatre vétérinaires et un informaticien des Alpes-de-Haute-Provence pour réaliser de faux documents de santé. Brice Robin a souligné que la justice n'avait aucune preuve, à ce jour, de la dangerosité sanitaire de la viande. "Je n'ai pas la preuve que ces animaux étaient toxiques pour la santé humaine", a-t-il dit lors d'une conférence de presse, précisant qu'il s'agissait d'une fraude aux normes sanitaires et non d'une fraude sanitaire. Le ministre de l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, a confirmé sur Europe 1 qu'"à ce stade de l'enquête rien ne permet d'affirmer qu'on serait en présence d'un problème sanitaire". Eric Vigoureux, président de la Fédération de la boucherie hippophagique de France (FBHF), a défendu la viande de cheval. "Ce n'est pas toute une filière qui est en cause mais d'éventuels mafieux qu'il faut écarter de la filière", a-t-il dit à Reuters. POSSIBLE RAMIFICATION EN ESPAGNE La garde civile espagnole a déclaré lundi enquêter sur une possible ramification du scandale dans la province de Gérone, à la frontière avec la France, où une opération a été menée en coordination avec les autorités françaises. "Il y a des animaux qui ont été exportés vers d'autres pays européens, notamment l'Espagne, et d'autres importés et pour lesquels peut également se poser la question de la traçabilité", a précisé à Marseille Brice Robin. L'enquête était menée depuis plusieurs mois par la section de recherches de gendarmerie de Montpellier (Hérault), dans le cadre d'une instruction judiciaire dirigée par le pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Marseille. Les investigations ont eu lieu en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). L'affaire aurait débuté fin 2012 par une lettre anonyme adressée à la Direction départementale de la protection de la population de la préfecture de l'Aude mettant en cause un marchand de chevaux et propriétaire de boucheries de Narbonne. Brice Robin a confirmé que la "tête du réseau" se trouvait à Narbonne. "Ces chevaux ont été achetés à bas prix, au moindre coût, quel que soit leur état de santé", a-t-il dit. "Le réseau a blanchi la traçabilité des animaux pour qu'ils soient abattus à la fois à Narbonne et à Equevillon, dans le Jura". Selon le magistrat, le gain à la revente était d'environ 300 euros par cheval. Les suspects seront poursuivis pour l'établissement de faux documents administratifs et tromperie simple, ce qui implique qu'il n'y a pas à ce stade de fraude sanitaire, une circonstance aggravante. "USINE À ANTICORPS" Le trafic concerne au moins deux chevaux issus du site du laboratoire Sanofi Pasteur d'Alba-la-Romaine, en Ardèche, a précisé le procureur de la République de Marseille, selon lequel les animaux viennent "de partout". "On condamne bien entendu la fraude. On a collaboré et on va collaborer avec les autorités", a déclaré à Reuters Alain Bernal, porte-parole du laboratoire. Sanofi Pasteur "utilise des chevaux pour produire des sérums, des médicaments qui sauvent les vies humaines, c'est-à-dire qui servent à protéger l'être humain contre la rage, le tétanos, les venins de serpents", a-t-il expliqué. Le porte-parole a souligné que le cheval était "une usine à anticorps". "On le vaccine, l'organisme du cheval va générer des anticorps dans le sang. On extrait le sang, on extrait les anticorps, on les purifie et ensuite ça devient un produit pharmaceutique". Le laboratoire revend ensuite les chevaux en stipulant qu'ils ne doivent pas se retrouver dans la filière alimentaire et doivent être utilisés pour les loisirs ou dans les écoles vétérinaires. Des personnes qui pensaient que leurs chevaux serviraient au loisir et ne finiraient pas en steak haché ont porté plainte pour abus de confiance, a dit Brice Robin. "On revend les chevaux à des gens dont c'est le métier d'acheter et de vendre des chevaux. Nous, on ne peut pas suivre le devenir des chevaux mais la personne qui achète s'engage à ne pas mettre le cheval dans la filière alimentaire" a ajouté Alain Bernal. Eric Vigoureux a jugé l'argument, "un peu facile" selon lui. "Il faudra savoir pourquoi Sanofi, si ces chevaux étaient dangereux à la consommation, n'a pas plutôt euthanasié ces animaux", a-t-il dit. Service France, avec Fiona Ortiz à Madrid, édité par Yves Clarisse