Olivia Leray, fille d’alcoolique : "Il buvait avant d’aller au travail, à 9 heures du matin"

Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.

Journaliste, Olivia Leray vient de sortir un ouvrage "De l’eau dans ton vin" (ed. Fayard), dans lequel elle raconte sa vie auprès d’un père alcoolique et les conséquences de cette dépendance pour les proches. Une histoire qu’elle a également accepté de partager pour Yahoo. Un témoignage poignant.

Olivia n’a pas eu une enfance comme les autres. Fille d’alcoolique, la jeune femme s’est construite différemment des autres petites filles de son âge, devant faire face à des situations dont elle se serait bien passée. Mais sa colère a finalement laissé place à une certaine tendresse envers son père, un homme au parcours de vie un peu cabossé. Dans son ouvrage, "De l’eau dans ton vin" (ed. Fayard), elle a tenté de lui rendre "la place qu’il mérite dans la société". (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

"Je retrouve des bouteilles un peu cachées mais mal cachées dans la poubelle". C’est en pleine adolescence, à l’âge de 14 ans, qu’elle s’aperçoit que son père est alcoolique. "C’est un moment hyper difficile parce que je n’ai plus les yeux d’un enfant. Je suis une jeune femme en pleine construction, c’est un moment charnière", confie-t-elle tout en expliquant la manière dont son père a sombré. Comme elle le raconte, il travaillait dans l’animation, faisait les saisons. Pour tenir le rythme, il s’est donc mis à boire mais n’a jamais su s’arrêter une fois son travail terminé.

Avec ses amis ou tout seul, l’homme se met à boire à n’importe quel moment, même avant d’aller au travail, avant 9 heures du matin. "Je vois son état qui se dégrade un peu physiquement. Il devient de plus en plus fatigué, de plus en plus irritable", explique-t-elle confiant voir "une différence" notable au niveau de ses yeux.

À son grand désarroi, la jeune fille se retrouve confrontée à de nombreuses situations embarrassantes. Elle est par exemple contrainte de venir le chercher en soirée, de le porter à bout de bras lorsqu’il titube, de le mettre en pyjama parce qu’il n’est plus capable de se changer ou encore de surveiller qu’il prenne bien ses médicaments. "Les rôles s’inversent, tu deviens le parent de ton parent." Consciente du problème, la jeune fille décide alors de l’aider à s’en sortir.

VIDÉO - Olivia Leray, fille d’alcoolique : "C’était la honte de l’emmener en cure de désintox"

Pour lui donner une chance, elle l’emmène consulter des médecins mais admet une prise en charge trop tardive. "Dans notre famille, c’était un peu tabou. C’était la honte de l’emmener en cure de désintox, d’admettre même qu’il avait un problème." Malgré ses efforts, la jeune femme se rend à l’évidence et prend conscience qu’elle ne peut rien faire. "C’est plus fort que tout. Je me sens impuissante et c’est très difficile à vivre", confie-t-elle tout en expliquant avoir dû faire face à la séparation de ses parents. "Ils ne s’aimaient plus. Même si l’alcoolisme n’a pas été la cause de leur rupture, sa dépendance a été très compliquée à gérer pour ma mère. Il rentrait très tard par exemple ou parfois ne rentrait pas et ne prévenait pas".

En plus de lui causer des problèmes familiaux, son addiction à l’alcool a de graves répercussions sur sa santé. L’homme est atteint du syndrome de Wernicke-Korsakoff, une maladie neurodégénérative causée par une grave carence en vitamine B1 qui endommage certaines régions du cerveau. "C’est comme si tu avais l’état d’un enfant de 5 ans en termes d’autonomie et la mémoire d’une personne âgée atteint d’Alzheimer. Donc tu es paumé tout le temps. Tu oublies tout."

VIDÉO - Olivia Leray, fille d’alcoolique : "Il est incapable de tenir une discussion et d'être cohérent plus de cinq minutes"

"Il a une santé fragile. Il est très maigre et ne s’alimente pas bien. Si on lui faisait une simple pichenette, il pourrait s’écrouler", a-t-elle regretté. Âgé aujourd’hui de 60 ans, le père d’Olivia "boit toujours" malgré de multiples cures de désintoxication. "Mais pour lui, il a arrêté. Il ne considère pas la bière comme de l’alcool." Comme elle le raconte, chaque jour, c’est le même rituel. Il se rend dans la petite supérette en face de chez lui et s’achète ses deux cannettes, les plus fortes possibles, pour toute la journée.

Malgré tout, le soixantenaire, qui vit désormais dans une résidence senior en Bretagne, a retrouvé une certaine autonomie. "Il a de l’intimité parce qu’avant, il vivait chez ma grand-mère", confie-t-elle tout en précisant qu’il s’agissait d’un grand pas pour lui d’avoir maintenant les clés de chez lui. En revanche, il n’a plus de vie sociale. "Il est incapable de tenir une discussion et d’être cohérent plus de cinq minutes." Ses amis, il les a perdus depuis longtemps à cause de l’alcool. Quant à sa famille, elle lui rend visite de temps en temps. Olivia confie d’ailleurs avoir une meilleure relation aujourd’hui avec lui. "Je le vois mieux depuis que j’ai écrit le livre. Je n’avais pas vraiment compris que ce n’était pas un problème de volonté et qu’il était en réalité malade. Je suis presque triste de ne pas l’avoir compris plus tôt."

Expliquant être "libérée d’un poids", elle confie avoir fait comme "elle a pu" et "lui aussi". "Je ne suis pas que la fille d’un alcoolique et lui est autre chose qu’un alcoolique", conclut-elle.

Retrouvez en intégralité l'interview d'Olivia Leray