« Les Ogres » : la gauche accuse Aurore Bergé d’avoir protégé les lobbys des crèches privées
POLITIQUE - Maltraitance des bébés, nourriture low-cost, rationalisation des couches, personnel à bout… Connu pour son enquête sur le scandale des Ehpad privés il y a deux ans, Victor Castanet publie ce mercredi 18 septembre un nouveau livre intitulé Les Ogres, dans lequel il pointe les effets délétères de la rentabilité à tout prix dans le secteur de la petite enfance. Au-delà de ces révélations accablantes, le journaliste d’investigation montre surtout le rôle qu’a pu jouer Aurore Bergé en coulisses pour tenter d’éteindre tout début d’incendie et empêcher la tenue d’une mission parlementaire sur les dysfonctionnements constatés.
La dissolution de l’Assemblée nationale a coûté 30 millions d’euros à l’institution
Le livre dévoile les liens de proximité entre l’ancienne ministre de la Famille et Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèche (FFEC). Dans un texto à ses équipes, Aurore Bergé aurait dit à propos de la lobbyiste : « C’est surtout une copine :) Elle sera très aidante avec moi. » Victor Castanet s’est entretenu avec un ancien collaborateur de la ministre qui raconte dans le livre : « Je comprends qu’elles communiquent ensemble sur Telegram. Aurore dit à Elsa comment se préparer. Et inversement. Vous imaginez la situation ? On se retrouve avec une ministre qui nous parle mal, voire ne nous parle pas du tout, et qui, dans le même temps, discute de manière étroite avec la lobbyiste du secteur qu’on est censés encadrer… »
Plus grave : Elsa Hervy aurait participé au limogeage de Jean-Christophe Combe, prédécesseur d’Aurore Bergé au gouvernement. Celui-ci voulait tenir tête au puissant lobby du secteur privé après la publication d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) quelques mois plus tôt. Des révélations qui font bondir la gauche. « C’est un énorme scandale », dénonce Manuel Bompard. Le coordinateur de La France insoumise rappelle que lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 30 avril, interrogée par l’ancien député LFI William Martinet, Aurore Bergé avait « juré n’avoir aucun contact avec le lobby des crèches privées. Or on apprend que c’est le cas ». Lors de son audition en effet, l’ex-ministre avait déclaré : « Je n’ai pas d’amitié, d’accointance, de relation personnelle avec aucune personne d’aucun lobby. Je le répète sous serment : je n’ai pas de lien personnel, intime ou amical avec Elsa Hervy ».
« Aurore Bergé a commis un parjure »
Si une commission d’enquête n’a jamais vu le jour sur le sujet à l’Assemblée nationale, en raison de l’opposition des macronistes, une mission flash avait tout de même été impulsée par la députée socialiste Isabelle Santiago. Celle-ci confie aujourd’hui : « À l’époque je ne l’ai pas vu comme un problème. Pourtant aujourd’hui, à la lecture du livre, je me pose quelques questions. J’aimerais savoir qui pouvait avoir intérêt à ce qu’une commission d’enquête n’existe pas. William Martinet avait toute capacité pour s’en saisir ». Au micro de France Info, elle ajoute : « Aurore Bergé devra s’en expliquer ». Secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel a dénoncé une « honte » sur le réseau social X. « Un système à la dérive, soumis à la financiarisation, aux logiques de profits, soutenu et défendu la ministre Aurore Bergé », a-t-il fustigé.
Une honte ! 😡
Un système à la dérive, soumis à la financiarisation, aux logiques de profits, soutenu et défendu la ministre Aurore Bergé.
Nous voulons un service public de la petite enfance pour les protéger de la marchandisation. https://t.co/bx0rsN7jdT— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) September 17, 2024
Pour la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, « Aurore Bergé a commis un parjure ». Devant plusieurs micros tendus à l’Assemblée ce 17 septembre, la députée du Val-de-Marne a révélé avoir demandé à Yaël Braun-Pivet « d’inscrire à l’ordre du jour notre demande de poursuite suite à un parjure, avéré et fait par Aurore Bergé ». Ce que la présidente de l’Assemblée nationale a refusé de faire. Pour Mathilde Panot, pas question de se décourager : « Le bras de fer est commencé », assure-t-elle. « Il s’agit d’un cas avéré de parjure qui devrait indigner la classe politique, mobiliser l’attention des médias et entraîner des sanctions rapides », a embrayé le député LFI David Guiraud. Aurore Bergé dément les faits qui lui sont reprochés et dénonce de la « diffamation pure ». Depuis plusieurs jours, elle est d’ailleurs absente des plateaux télé et ne répond à aucune question des journalistes.
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