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Offensive de Nestlé en Chine dans le lait infantile

par Martinne Geller et Pei Li

LONDRES/PEKIN (Reuters) - Nestlé prévoit de lancer cette année une nouvelle gamme de lait infantile en Chine sous une de ses marques actuelles, en ciblant notamment les petites villes, afin de conforter sa position sur le premier marché mondial du lait pour bébés.

Le géant suisse de l'agroalimentaire a indiqué à Reuters que cette nouvelle gamme viserait les petites communes, généralement situées dans les provinces occidentales de la Chine, où les coûts de transport et le faible pouvoir d'achat des habitants rendent inaccessibles certains produits importés.

Alors que nombre de fabricants de produits de grande consommation ont été contraints depuis des années d'aller chercher la croissance dans de petites villes de province, les divisions de lait infantile des groupes étrangers comme Nestlé, Danone et Reckitt Benckiser ciblaient jusqu'à présent essentiellement la clientèle des grandes villes comme Shanghai et Pékin. Elles comptaient notamment sur la demande pour les produits haut de gamme et les marques étrangères à la suite d'un scandale en 2008 de lait contaminé.

Avec le ralentissement de la croissance économique en Chine, un déploiement dans de nouvelles villes est devenu crucial, d'autant que les nouveaux modèles de distribution rendent cette tâche plus aisée.

La concurrence avec les producteurs locaux dans les petites villes s'annonce toutefois féroce et des obstacles logistiques ne manqueront pas sur un marché chinois du lait infantile évalué à 25 milliards de dollars (22 milliards d'euros).

Liu Yufeng, 23 ans, propriétaire d'une petite entreprise de dans la ville de Baoding (province de Hebei), raconte avoir choisi pour sa fille de deux ans une marque de lait de la société chinoise Bright Dairy en raison de son coût plus abordable et plus adapté aux goûts locaux.

Elle n'est pas seule. Selon une étude réalisée par BabyTree, principal opérateur chinois de sites internet sur la parentalité, environ 55% des personnes interrogées ont déclaré que les marques nationales comprenaient mieux les consommateurs.

Avec plus de 15 millions de naissances l'an dernier et une vigilance accrue des consommateurs, la Chine est de loin le marché le plus important au monde pour le lait infantile.

MARQUES ÉTRANGÈRES CONTRE PRODUITS LOCAUX

Zhang Yanyan, 36 ans, habitante de Zibo (province du Shandong), explique préférer pour son bébé une version locale de la marque allemande Bebivita au même produit importé.

Nestlé entend trouver un équilibre entre la confiance placée dans une marque mondiale et son adaptation aux goûts locaux.

La nouvelle gamme de lait infantile du groupe suisse sera commercialisée différemment sous l'une des trois marques actuelles Illuma, S-26 et NAN, a déclaré Thierry Philardeau, directeur de la division nutrition infantile de Nestlé.

Il a promis notamment des changements en termes de positionnement marketing et de distribution qui permettraient à ce produit d'être en phase avec sa cible.

Les villes chinoises sont classées par les spécialistes du marketing en différentes catégories en fonction du potentiel commercial, des infrastructures, de la population, du niveau de revenu des ménages et des habitudes de consommation.

Les grandes métropoles comme Pékin, Shanghaï, Canton et Shenzhen sont rangées dans la première catégorie. Viennent ensuite des villes plus petites mais à la croissance rapide et peuplées de millions d'habitants. Cette catégorie, qui représentait seulement 47% du marché des préparations pour nourrissons il y a 15 ans, compte aujourd'hui pour 73%, selon Thierry Philardeau.

"Ils (les ménages de ces villes) sont prêts à payer un prix élevé mais il leur faut une communication plus conviviale, un peu moins scientifique et plus simple", a-t-il déclaré.

La nouvelle gamme de Nestlé, incluant des produits pour bébés de tous âges, sera produite dans des usines en Chine, mais le groupe n'a pas précisé la provenance du lait.

Adam Xu, associé au cabinet spécialisé OC&C Strategy Consultants, estime que la montée en gamme des acteurs locaux représente un défi pour les marques occidentales.

PARTENARIAT AVEC LE COMMERCE EN LIGNE

Les fabricants chinois de lait comme Feihe International, China Mengniu Dairy et Yili Industrial Group affichent une forte croissance depuis l'entrée en vigueur de nouvelles mesures gouvernementales qui ont considérablement réduit le nombre de marques sur le marché.

Selon les analystes de Citi Research, les marques chinoises pourraient avoir 53% de parts de marché en 2022, contre 40% en 2015. Sur un marché en croissance d'environ 7%, elles progressent de 11% contre seulement 4% pour les marques étrangères.

Yili Group, premier producteur laitier en Chine et cinquième fabricant de lait infantile, a déclaré à Reuters travailler sur différents fronts pour améliorer son offre grâce notamment au Big data (traitement de données).

Derek Deng, associé chez Bain & Co, juge inefficace le modèle traditionnel de distribution des multinationales de biens de consommation dans les petites villes.

"Cela fonctionne bien dans les villes de catégories 1 et 2 car la densité par ventes est élevée", a-t-il déclaré. "Mais dans les villes de niveau inférieur, cela engendre beaucoup de difficultés."

C'est la raison pour laquelle les producteurs locaux ont tendance à faire appel à des distributeurs tiers, a-t-il ajouté, notant que les entreprises étrangères commençaient à leur tour à nouer des partenariats avec de grands distributeurs et des géants du commerce en ligne comme Alibaba et JD.com.

Selon Thierry Philardeau, Nestlé, qui a réalisé l'an dernier des ventes de sept milliards de francs (6,05 milliards d'euros) en Chine et dans sa région, renforce sa présence sur les plates-formes en ligne, notamment celle d'Alibaba.

Des partenariats avec des groupes en ligne ont permis à son concurrent britannique Reckitt Benckiser de s'implanter dans 250 nouvelles villes chinoises en moins d'un an, alors qu'il aurait peut-être fallu plus de 18 mois pour entrer dans 100 nouvelles villes avec son modèle traditionnel. JD.com peut en outre livrer des produits du groupe à des magasins spécialisés en 24 heures.

(Rédaction de Shanghai, avec Silke Koltrowitz à Zurich, Brenda Goh à Shanghai, Dominique Vidalon à Paris; Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)