Le Sénat américain enterre l'abrogation de l'Obamacare

WASHINGTON (Reuters) - Le Sénat américain a rejeté vendredi un texte prévoyant une abrogation partielle de la loi sur l'assurance-maladie dite "Obamacare", ce qui pourrait mettre fin aux efforts déployés depuis sept ans par le Parti républicain pour supprimer cette réforme emblématique de la présidence de Barack Obama. Trois sénateurs républicains - John McCain, Susan Collins et Lisa Murkowski - ont joint leurs voix à ceux des démocrates pour voter vers 01h30 du matin contre ce texte, rejeté par 51 voix contre 49. Les républicains ont une majorité de 52 voix à la chambre haute du Congrès. "3 républicains et 48 démocrates laissent tomber le peuple américain. Comme je le dis depuis le début, laissons imploser Obamacare, puis négocions", a réagi Donald Trump sur Twitter. Ce projet était censé ouvrir la voie à des négociations entre le Sénat et la Chambre des représentants, qui a voté son propre texte d'abrogation en mai dernier. "C'est à l'évidence une déception", a commenté le chef de la majorité républicaine à la chambre haute, Mitch McConnell. "Le peuple américain regrettera que nous n'ayons pas trouvé un meilleur moyen d'avancer." Le document de huit pages représentait un compromis, les sénateurs ayant déjà rejeté cette semaine, par 57 voix contre 43, une abrogation pure et simple sans remplacement de la loi existante, que réclament les conservateurs mais auquel s'opposait l'aile modérée du Parti républicain. Dans la foulée, le Sénat avait toutefois voté, à une voix près, en faveur de la réouverture d'un débat sur la réforme de la loi santé. "MCCAIN EST UN HÉROS" La voix de John McCain s'est révélée décisive, le vote des deux autres sénateurs républicains, les modérées Susan Collins et Lisa Murkowski, ne constituant pas une surprise. "John McCain est un héros", a commenté le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer. McCain a fait son retour au Congrès cette semaine après de graves problèmes de santé, un cancer du cerveau lui ayant été diagnostiqué. Les démocrates, ainsi que certains républicains, espèrent que le vote de jeudi fournira l'occasion aux deux partis de travailler ensemble à la correction de certains défauts de l'Obamacare, sans l'abroger. D'autres républicains jugent qu'il est temps pour le Congrès de se fixer d'autres priorités. "Nous aurions dû d'abord nous préoccuper de la réforme fiscale et c'est ce que nous allons faire désormais", a déclaré le sénateur Ron Johnson aux journalistes. Quant au président de la Chambre des repréntants, Paul Ryan, il a exprimé vendredi sa déception tout en affirmant vouloir poursuivre le combat pour réformer l'assurance santé. "Je suis déçu et frustré, mais nous ne devons pas renoncer. J'encourage le Sénat à continuer de travailler pour trouver une véritable solution qui tienne notre promesse", a dit le républicain dans un communiqué. La suppression de l'Affordable Care Act, qualifié de "cauchemar" par le président américain, était l'une des principales promesses de campagne de Donald Trump. Six mois après son investiture, le chef de la Maison blanche ne peut pour le moment s'enorgueillir d'aucun succès législatif de taille. Tout en fustigeant l'inaction des parlementaires, Donald Trump n'a proposé de lui-même aucun projet de remplacement. Le texte débattu jeudi soir prévoyait de lever rétroactivement les pénalités imposées aux Américains n'ayant pas souscrit de couverture médicale, abolissant de facto l'obligation contenue dans l'Affordable Care Act. Il supprimait pour une durée de huit ans les amendes sur certains employeurs ne fournissant pas d'assurance-santé à leurs employés et prévoyait d'abolir une taxe sur la vente de matériel médical jusqu'en 2020. Le Congressional Budget Office (CBO), institution fédérale non partisane, a estimé jeudi soir que si cette abrogation réduite était adoptée, elle priverait 15 millions d'Américains d'assurance-santé d'ici 2018, par rapport au scénario d'un maintien de la loi actuelle. (Amanda Becker, David Morgan et Yasmeen Abutaleb, Julie Carriat, Jean-Stéphane Brosse et Nicolas Delame pour le service français)