Nouvelle-Calédonie : la Fête de la citoyenneté de ce 24 septembre fait craindre de nouvelles violences
OUTRE-MER - C’est une date on ne peut plus symbolique. Le 24 septembre 1853, il y a 171 ans, la France prenait officiellement possession de l’archipel qui allait devenir la Nouvelle-Calédonie. Un jour désormais commémoré par une « Fête de la citoyenneté » à la dimension particulièrement sensible cette année, alors que les troubles du printemps sont encore dans toutes les mémoires et que les revendications d’une partie de la population demeurent un sujet brûlant.
Car si la réforme du corps électoral voulue par Emmanuel Macron - qui aurait conduit à un isolement encore plus prononcé de la population kanak - a été mise en pause à la suite des violences, la tension demeure très élevée. Pour preuve : deux hommes recherchés ont été tués par des tirs de la police la semaine dernière dans un haut lieu de l’indépendantisme. Un drame qui porte à 13 le nombre de victimes des troubles, soit depuis la mi-mai, sans compter les centaines de blessés et les dégâts matériels considérables.
Dispositif sécuritaire exceptionnel
Dans ce contexte, l’exécutif a pris des mesures d’ampleur pour prévenir les débordements ce mardi 24 septembre (il sera minuit en Nouvelle-Calédonie, à 15 heures ce lundi 23 à Paris). Quelque 6 000 policiers, gendarmes et militaires seront ainsi déployés dans le cadre d’un « dispositif de sécurité inédit ». Pour faire face à d’éventuelles barricades, des « colonnes de déblaiement » ont également été mobilisées, pour reprendre les termes utilisés en conférence de presse par Théophile de Lassus, le directeur de cabinet du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, soit le représentant de l’État sur place.
Les forces de l’ordre ont notamment prévu d’avoir une attention spécifique sur les « espaces publics et les églises, touchées par des incendies volontaires ces dernières semaines », a ajouté le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie dans le territoire. Autre point de vigilance notable : Saint-Louis, le fief indépendantiste au sud de Nouméa où ont été tués les deux hommes en fin de semaine passée. En plus de ces mesures, la ventes d’armes et d’alcool a été en partie interdite et le couvre-feu renforcé.
Et si Théophile de Lassus assurait au cours de son point presse du 22 septembre que « rien ne permet aujourd’hui d’affirmer qu’un regain de violence va avoir lieu », difficile de voir autre chose qu’un vœu pieux dans cet impressionnant affichage sécuritaire. À moins que l’idée soit avant tout de décourager de possibles fauteurs de troubles. Une accalmie serait certainement bienvenue à l’heure où vient d’être nommé au ministère des Outre-mer un fin connaisseur de la question néo-calédonienne, François-Noël Buffet, qui a l’oreille des loyalistes comme des indépendantistes après avoir piloté au printemps dernier une délégation transpartisane dans l’archipel.
Une date qui révèle la fracturation de la société locale
Si la Nouvelle-Calédonie en est rendue là, la « Fête de la citoyenneté » a pourtant été pensée lors de sa création en 2004 comme un temps d’union entre les composantes de la société locale. Car jusque dans les années 1970, le jour férié du 24 septembre ne commémorait officiellement que le « rattachement à la France ». Par opposition à cette formulation, les indépendantistes ont décidé, à partir de 1974 d’en faire une journée de « deuil du peuple Kanak ».
Puis en 2004, donc, sous l’impulsion de l’autrice indépendantiste et femme politique kanake Déwé Gorodey, la « Fête de la citoyenneté » a vu le jour. Nos confrères de La 1ère rappellent à cet égard les mots de sa conceptrice qui, en 2011, clamait : « Nous devons ensemble, assumer notre histoire commune et nous devons aussi continuer à construire la citoyenneté de notre pays, au-delà de toute contingence quelle qu’elle soit. »
Reste qu’en dépit de cette tentative d’union, la date du 24 septembre révèle sempiternellement les divisions de la société néo-calédonienne. Ce jour-là, les partisans de l’indépendance ont pris l’habitude, depuis deux décennies, de se rassembler dans le centre de Nouméa, au Mwâ Kââ, un site célébrant les populations autochtones. À l’inverse, les opposants à l’indépendance se retrouvent à Païta, un peu plus au nord, pour célébrer le « rattachement », à l’image de ce qui était fait pendant des décennies.
Cette année, les mouvements indépendantistes n’ont pas appelé à manifester le 24 septembre. Seul un événement rassemblant des chefs coutumiers est prévu, devant déboucher sur une « déclaration de souveraineté sur leurs terres ». Une initiative visant à « détacher le peuple autochtone kanak du système colonial » et à lui permettre « de gérer ses affaires coutumières avec ses propres moyens » qui fait grincer des dents jusque dans le camp indépendantiste. Ce qui s’explique sans doute par le flou qui entoure l’avenir institutionnel de l’archipel dans l’hypothèse où le calme finirait par revenir de façon durable.
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