Nouvelle-Calédonie : la campagne des européennes percutée par une nouvelle flambée de violence

Comment la crise en Nouvelle Calédonie percute la campagne des européennes (photo de Macron et Attal prise en avril 2024 à Paris)
LUDOVIC MARIN / AFP Comment la crise en Nouvelle Calédonie percute la campagne des européennes (photo de Macron et Attal prise en avril 2024 à Paris)

POLITIQUE - La tournée des bonnes nouvelles attendra. Emmanuel Macron s’est résigné à annuler un déplacement à Fécamp en Seine-Maritime ce mercredi 15 mai, nouvelle étape de sa campagne parallèle censée illustrer, ici, la politique énergétique portée par son camp, pour essayer d’éteindre le feu qui embrase la Nouvelle-Calédonie.

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Le président de la République a effectivement convoqué un Conseil de défense et de sécurité à l’Élysée (avec état d’urgence à la clef) pour tenter de calmer la flambée de violences suscitée sur le Caillou par une réforme constitutionnelle rejetée par les indépendantistes. Les affrontements, les plus violents depuis les émeutes des années 1980, ont fait deux morts et des centaines de blessés dans la nuit de mardi à mercredi.

Une situation « insurrectionnelle », selon les mots alarmés du Haut-commissaire de la République Louis Le Franc, qui percute inévitablement la campagne des élections européennes, à désormais quatre semaines à peine du scrutin. L’exécutif, qui souhaitait enclencher la seconde pour soutenir sa candidate Valérie Hayer, se retrouve à nouveau sur la défensive, en proie aux critiques de l’opposition.

Le camp Macron rattrapé par les violences

Le contraste est éloquent. Emmanuel Macron devait se rendre en Seine-Maritime, ce mercredi, pour inaugurer un nouveau parc éolien construit aux larges des côtes normandes. Un « moment de célébration » entre autres « bonnes nouvelles », commentaient encore les conseillers élyséens, mardi en milieu de journée, heureux de planter le décor d’une séquence censée valoriser le bilan du chef de l’État à travers une réalisation emblématique. C’est raté.

L’Élysée a fait savoir à la presse, mercredi matin, qu’Emmanuel Macron chamboulait son agenda. Plus de visite à Fécamp, mais une réunion de crise à l’Élysée pour essayer de reprendre la main sur ce sujet éruptif et répondre à la pression des oppositions qui trouvent, là, des arguments faciles pour critiquer sa méthode, et celle de son camp. Délicat, à moins d’un mois d’un scrutin aussi crucial que périlleux pour la macronie.

À droite, on exhorte donc le chef de l’État à faire preuve de fermeté, en réactivant le procès en laxisme qui lui est fait sur les questions sécuritaires. Message reçu : Emmanuel Macron a déclaré l’état d’urgence sur l’archipel, comme le réclamaient Les Républicains, le Rassemblement national ou Reconquête. Après l’annonce de nombreux renforts (GIGN, RAID, CRS, gendarmerie mobile) certains appellent à faire intervenir l’armée, à l’image du président des députés LR Olivier Marleix.

À gauche, les réactions sont très différentes. Tout aussi critiques, elles appuient sur la « brutalité » de l’exécutif en écho à un reproche là aussi tenace. En Nouvelle-Calédonie, où « il y a un fait colonial », l’emploi de « la répression, la force et l’autoritarisme, soit les méthodes coloniales, pour le régler est la pire méthode », écrit par exemple la députée écologiste Sandrine Rousseau sur X tandis que la tête de liste de son camp aux européennes, Marie Toussaint, plaide pour une « médiation », comme l’ensemble de la gauche.

Quel rôle pour Attal ?

Quoi qu’il en soit, le débat est périlleux pour le camp présidentiel qui s’était attaché jusqu’ici à reporter les sujets potentiellement polémiques à l’après-9 juin. Car, en creux, tendent à se poser les questions de l’implication du Premier ministre Gabriel Attal, et du défaut d’anticipation - récurrent - de la macronie.

Resté à distance du sujet calédonien, comme Élisabeth Borne ou Jean Castex avant lui, le chef du gouvernement a été contraint de mettre les mains dans le cambouis, mardi à l’Assemblée nationale, face à la présidente du groupe Insoumis Mathilde Panot qui lui demandait de reprendre le dossier des mains du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. « L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution commune, politique et globale », a-t-il répliqué. Trop tard ?

Force est de constater que plusieurs de ses prédécesseurs ont senti le vent mauvais arriver. Au point de tirer la sonnette d’alarme. Auditionnés à l’Assemblée nationale entre fin avril et début mai, avant la flambée de violence, Édouard Philippe, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault ont tous les trois plaidé pour que Matignon reprenne la barre et tentent d’apaiser la situation. En vain.

Depuis, l’Assemblée nationale a finalement adopté - après le Sénat - le projet de révision constitutionnelle décrié, ce qui ouvre la voie à un nouveau congrès à Versailles. Cette ultime étape interviendra « avant la fin juin », à moins d’un accord entre les forces politiques locales, a prévenu Emmanuel Macron mardi soir, en chargeant Gérald Darmanin… et Gabriel Attal de « créer les conditions d’un dialogue. »

De quoi bouleverser, à nouveau, les agendas ? Le Premier ministre — qui était encore à Lyon lundi pour participer à un meeting de campagne — avait prévu de s’impliquer crescendo dans la course aux européennes pour essayer de sauver les meubles, alors que la perspective d’un croisement des courbes entre Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann est redoutée en interne. Cela pourrait devenir encore plus complexe.

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