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Nouvel épisode dans le débat sur le pouvoir d'achat

Le pouvoir d'achat des ménages français devrait augmenter de 1,2 milliards d'euros en 2019 et les plus modestes et les retraités seront les perdants des mesures fiscales et sociales décidées dans les deux premiers budgets du quinquennat. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Gaillard

PARIS (Reuters) - Le pouvoir d'achat des ménages français devrait augmenter de 1,2 milliards d'euros en 2019 et les plus modestes et les retraités seront les perdants des mesures fiscales et sociales décidées dans les deux premiers budgets du quinquennat, selon une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP) présentée jeudi.

Ce chiffre risque de relancer le débat récurrent sur le pouvoir d'achat, alors que le gouvernement a mis l'accent sur les six milliards d'euros de baisse de prélèvements pour les ménages prévues dans son projet de budget pour 2019.

Selon Bercy, les ménages bénéficieront notamment du dégrèvement de la taxe d'habitation (3,8 milliards d'euros) et de la "bascule" des cotisations sociales salariales vers la CSG (4,1 milliards). A l'inverse, la hausse de la fiscalité énergétique leur coûtera 1,9 milliard.

L'IPP estime cependant que les baisses de prélèvements ne s'élèveront qu'à 4,4 milliards d'euros l'an prochain, du fait notamment de la hausse des taux de cotisation pour les retraites complémentaires des salariés du privé. Cette mesure, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier, a été décidée par les partenaires sociaux fin 2017 et s'inscrit en parallèle de la fusion des régimes Agirc (cadres) et Arrco (non-cadres).

Au-delà des effets de périmètre (également sensibles sur l'estimation de l'effet de hausse de la fiscalité du tabac sur la consommation), la différence de chiffrage provient surtout du rapprochement avec l'impact des mesures sur les prestations sociales, qui amputeront le pouvoir d'achat des ménages de 3,2 milliards en 2019 selon l'IPP.

GAINS IMPORTANTS POUR LA CLASSE MOYENNE

L'exécutif met régulièrement en avant les revalorisations programmées de la prime d'activité, du minimum vieillesse ou de l'allocation adulte handicapé (AAH) déjà votées dans le budget 2018. Mais les coupes budgétaires sur les allocations logement (0,9 milliard) et la moindre revalorisation des retraites et de certaines prestations sociales pèseront pour un montant cumulé de 3,5 milliards l'an prochain.

Au total, l'estimation d'un gain de pouvoir d'achat de 1,2 milliard d'euros en 2019 de l'IPP se rapproche de celle établie par l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) dans une étude publiée fin septembre, qui s'élevait à 1,7 milliard d'euros (3,5 milliards d'euros hors Agirc-Arrco).

Concernant la répartition, "on a des gains nets importants pour une large classe moyenne", a souligné Brice Fabre, l'un des auteurs de cette étude, lors d'une conférence jeudi.

Aux deux extrêmes, les 20% de ménages les plus modestes seront perdants, tout comme les 20% les plus aisés, à l'exception du "top 1%" des ménages les plus riches, qui enregistreront "des gains très forts" de pouvoir d'achat en lien avec la suppression de l'ISF et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.

Quant aux retraités, pénalisés à la fois par la sous-indexation des pensions et la hausse de la CSG, ils seront "largement perdants, sauf les bénéficiaires du minimum vieillesse" et les 1% les plus aisés, a-t-il précisé.

Mais pour les membres de la majorité présidentielle participant à un débat suivant la présentation de cette étude, il s'agit d'une analyse trop partielle.

"Il faut vraiment mettre en regard ce qui se passe sur le plan fiscal et ce que se passe sur le plan budgétaire", a estimé Jean-Noël Barrot, vice-président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

"GRAND SENTIMENT D'INJUSTICE", POUR ERIC WOERTH

Pour le député MoDem des Yvelines, la politique de lutte contre les inégalités mise en oeuvre par le gouvernement passe aussi par le dédoublement des classes de CP dans les quartiers défavorisés ou encore la mise en place du "reste à charge zéro" pour certaines prothèses dentaires et auditives et l'optique.

La députée LaRem des Yvelines Amélie de Montchalin a abondé dans son sens et plaidé pour "une vision intégrée des choses", qui prenne en compte la priorité accordée au retour à l'emploi.

Mais l'étude de l'IPP n'est pas plus concluante sur ce point, évoquant un effet "modeste" de la revalorisation de la prime d'activité sur l'incitation à l'emploi.

Les représentants de l'opposition présents lors de ce débat ont puisé dans cette étude des arguments étayant les reproches déjà formulés au moment de la présentation du budget 2019.

"Vous renforcez les inégalités qui peuvent exister", a lancé la députée socialiste Valérie Rabault, tandis que le président de la commission des Finances de l'Assemblée, Eric Woerth (Les Républicains), a évoqué un budget "illisible (...) dans lequel les gens ont bien du mal à se retrouver".

Alimenter "le pouvoir d'achat par des grands transferts entre catégories de population, je crois que ce n'est pas une bonne idée du tout : ça donne un grand sentiment d'injustice et ce qui compte (...) c'est quand même la température ressentie", a-t-il prévenu.

(Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)