L'armée turque bombarde les combattants kurdes en Syrie

par Humeyra Pamuk et Umit Bektas ISTANBUL/KARKAMIS, Turquie (Reuters) - L'armée turque a bombardé jeudi des combattants kurdes près de la ville syrienne de Manbij après avoir dépêché dans la journée des renforts plus au Nord, dans la région de Djarablous, reprise mercredi au groupe Etat islamique (EI), a-t-on appris de sources sécuritaires turques. Les autorités d'Ankara ont annoncé que l'opération lancée mercredi à Djarablous en appui de rebelles de l'Armée syrienne libre visait à la fois à chasser l'EI de la zone frontalière et à empêcher les combattants de la milice kurde YPG de continuer à progresser vers le Nord à partir de Manbij, dont ils ont chassé l'EI plus tôt ce mois-ci. "Le PYD (Parti de l'union démocratique, kurde) et les milices YPG ne doivent pas remplacer l'Etat islamique (dans la région)", a prévenu jeudi le ministre turc de la Défense, Fikri Isik, interviewé par la chaîne de télévision NTV. La Turquie considère le PYD et sa branche armée, les YPG (Unités de protection populaire), comme une extension de sa propre organisation séparatiste, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et à ce titre comme une grave menace pour sa sécurité. Fikri Isik a notamment jugé essentiel d'empêcher les kurdes d'établir une continuité territoriale dans le nord de la Syrie entre les zones qu'ils occupent de la frontière irakienne à l'Euphrate et la poche d'Afrin dans le nord-ouest de la Syrie. Selon la chaîne télévisée CNN-Türk, les bombardements de jeudi soir ont visé un groupe de combattants kurdes qui avaient ignoré une sommation de l'armée turque de se retirer sur la rive orientale de l'Euphrate, qui coule à quelques kilomètres à l'est de Manbij. Plus tôt dans la journée, les YPG avaient annoncé s'être repliées vers leurs bases et avoir rendu leurs positions au Conseil militaire de Manbij. LES USA CONDITIONNENT LEUR SOUTIEN AUX KURDES La coalition menée par les Etats-Unis a confirmé de son côté que "l'élément principal" des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les YPG sont la principale composante, avait entamé son repli vers la rive orientale de l'Euphrate. Mercredi, le vice-président américain, Joe Biden, avait assuré la Turquie que Washington ne soutiendrait pas les miliciens kurdes s'ils ne se retiraient pas à l'est de l'Euphrate. Joe Biden a affirmé jeudi lors d'une visite en Suède que la Turquie se préparait à rester un long moment en Syrie, "afin d'éliminer l'EI, aussi longtemps qu'il le faudra". Confirmant son intention de ne pas mener une simple incursion, l'armée turque a fait passer jeudi une dizaine de chars supplémentaires du côté syrien de la frontière. Un responsable turc a indiqué qu'une vingtaine de blindés turcs se trouvaient désormais en territoire syrien et que de nouveaux chars et véhicules du génie mécanique allaient être envoyés sur place. "Nous avons besoin d'engins de construction pour ouvrir des routes et nous allons avoir besoin d'engins supplémentaires dans les jours à venir", a expliqué ce responsable. "Nous avons également besoin de véhicules blindés de transport de troupes utilisables du côté syrien. Nous allons les mettre en service en fonction des besoins", a-t-il ajouté. Après avoir repris Djarablous mercredi, les troupes turques et leurs alliés ont avancé de 10 km au sud de la ville, selon des rebelles et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). L'Observatoire avait par ailleurs noté que les forces Kurdes avaient progressé de 8 km vers le nord, anticipant visiblement une avancée des rebelles. Une quarantaine de kilomètres séparent Djarablous et Manbij. (Avec Ayla Jean Yackley; Pierre Sérisier, Laura Martin et Tangi Salaün pour le service français)