Nouveau satellite, nouveau départ pour l'autonomie spatiale française

Le Centre spatial guyanais à Kourou. Un satellite d'observation militaire doit décoller mardi de Kourou, en Guyane, pour soutenir l'autonomie stratégique des forces françaises dans un contexte mondial où la perspective d'une nouvelle "guerre des étoiles" se fait de plus en plus concrète. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Feferberg

par Julie Carriat

PARIS (Reuters) - Un satellite d'observation militaire doit décoller mardi de Kourou, en Guyane, pour soutenir l'autonomie stratégique des forces françaises dans un contexte mondial où la perspective d'une nouvelle "guerre des étoiles" se fait de plus en plus concrète.

Premier de trois satellites qui composeront à l'horizon 2021 la composante spatiale optique (CSO) pour un coût de 920 millions d'euros, le CSO-I, issu de dix ans de recherches et développement, sera lancé par une fusée russe Soyouz depuis le centre spatial guyanais opéré par Arianespace.

Chargé d'"observer la Terre au service des militaires", notamment sur le terrain, il sera rejoint d'ici 2021 par un deuxième satellite identique pour effectuer une mission dite de reconnaissance en orbite à 800 km.

Un troisième satellite, CSO-2, se placera plus près de la Terre, à 480 kilomètres en orbite, pour bénéficier du plus haut niveau de résolution et de précision.

Par rapport à ses prédécesseurs (systèmes de satellites militaires Helios et à double usage civil et militaire Pléiades), CSO produira plus d'images (environ 800 par jour), sera plus "agile" dans la prise de vue et ses images seront mieux localisées, associant couleur, noir et blanc et infrarouge, et d'une résolution inégalée en Europe.

Grâce à un partenariat avec la Suède qui mettra à disposition une antenne à Kiruna, sur le cercle polaire, chaque satellite pourra décharger ses images toutes les 90 minutes en moyenne. Elles seront ensuite réceptionnées au centre militaire d'observation par satellites de Creil, dans l'Oise.

D'autres partenaires européens comme la Belgique, mais aussi l'Italie et l'Espagne qui échangent avec la France leurs images radar classifiées dans le cadre d'un programme plus large, bénéficieront du nouveau système français.

Sous maîtrise du Centre national d'études spatial à Toulouse, les satellites sont une production française partagée entre Airbus Defence and Space pour la conception du corps et Thales Alenia Space pour le télescope à l'intérieur.

APPORTER UNE CONTRADICTION

L'espace, qui s'est militarisé depuis une dizaine d'années, menace désormais de s'"arsenaliser", comme l'a souligné en septembre la ministre des Armées.

Outre la "manoeuvre inamicale" d'un satellite russe suspecté d'avoir voulu "écouter" le satellite militaire franco-italien Athena-Fidus - dénoncée par Florent Parly - les menaces spatiales sont multiples, souligne Hervé Grandjean, son conseiller pour les affaires industrielles.

Brouillage, éblouissement, attaque cyber, voire désorbitation forcée, sont autant de manoeuvres militaires pouvant cibler des satellites.

Si 1.500 satellites sont aujourd'hui en orbite autour de la Terre, ils pourraient rapidement passer à 6.000 ou 7.000, sur fond de banalisation de l'accès à l'espace des acteurs privés, et provoquer des questions de gestion du trafic, sans compter que l'orbite terrestre est encombrée de 500.000 à 750.000 débris de plus d'un centimètre, susceptibles de provoquer des dégâts.

Dans ce contexte, l'autonomie stratégique spatiale de la France promise par Florence Parly prend son importance.

"Nous sommes encore très dépendants de ce que nos amis peuvent nous fournir, notamment les Américains", reconnaît Hervé Grandjean. "Nous souhaitons apporter une capacité complémentaire et une contradiction, un noyau de vérification, quand il y a réellement besoin d'une autonomie".

"L'enjeu c'est l'indépendance", résumait pour sa part le commandant du centre militaire de Creil, "c'est vérifier toutes les informations avant de jeter une bombe".

Dans chaque théâtre de guerre, l'armée française disposera d'un segment sol, un système autogérable et portable, qui lui permettra de commander des images au satellite en appui de ses missions.

Destinée à servir l'armée pour dix ans, la constellation optique CSO est appelée à être complétée par trois satellites d'écoute électromagnétique CERES, lancés en 2020 pour la détection des centres de commandements et des flottes ennemies, suivis en 2022 par les deux premiers satellites militaires de télécommunication Syracuse 4.

La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit au total 3,6 milliards d’euros pour les investissements et le renouvellement des satellites.

(Edité par Sophie Louet)