Nouveau rendez-vous diplomatique à Vienne sur la Syrie

VIENNE (Reuters) - Les puissances impliquées dans le dossier syrien se retrouvent une nouvelle fois samedi à Vienne pour tenter de progresser sur la voie d'un règlement politique sans pour autant attendre de percée de ces nouveaux échanges diplomatiques. Car le processus, s'il intègre l'Iran pour la première fois depuis le début de la crise syrienne en mars 2011, associe des pays en opposition radicale sur le sort du président syrien, Bachar al Assad. Les Occidentaux, la Turquie et des pays arabes sunnites, Arabie saoudite en tête, estiment que son départ est indispensable. L'Iran et la Russie, ses deux principaux alliés, jugent pour leur part qu'il ne revient pas à la communauté internationale, mais aux Syriens, de se prononcer sur son sort. Dans une interview accordée vendredi aux agences de presse russe Interfax et turque Anatolie, Vladimir Poutine a réaffirmé que la Russie, dont l'aviation opère depuis le 30 septembre dans le ciel syrien, ne discuterait pas de l'avenir politique du président syrien. S'exprimant jeudi soir à Washington avant son départ pour l'Europe, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a appelé l'ensemble des participants à se montrer à la hauteur de leurs responsabilités mais a souligné qu'il restait beaucoup de travail à accomplir. "Je ne peux pas dire que nous sommes au seuil d'un accord global", a-t-il reconnu. "Les murs de la méfiance en Syrie, dans la région et au sein de la communauté internationale sont épais et ils sont élevés", a-t-il poursuivi. Mais il a noté aussi que la première session de discussions, qui s'est tenue le 30 octobre à Vienne, avait "montré que la base convenue pour une action est bien plus large que ce que beaucoup supposaient". UN PROCESSUS POLITIQUE SOUS L'ÉGIDE DE L'ONU "Il y a plusieurs questions difficiles. Parmi elles, l'avenir de Bachar al Assad est probablement la plus difficile et sera certainement un sujet important demain", a déclaré pour sa part le secrétaire au Foreign Office, Philip Hammond, après avoir rencontré vendredi soir à Vienne le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri. "C'est la deuxième session de discussions dans une série qui, j'imagine, en comprendra plusieurs. Je ne pense pas de toute façon que nous pourrons achever le processus demain mais ce qui est important c'est que tout le monde discute autour d'une table et que ce processus est lancé", a ajouté le chef de la diplomatie britannique. Dans leur communiqué commun diffusé il y a deux semaines, les 17 pays réunis dans la capitale autrichienne avaient appelé à l'instauration d'un cessez-le-feu dans toute la Syrie, à la relance de négociations sous l'égide des Nations unies entre le gouvernement et l'opposition et à la tenue de nouvelles élections. (voir) "Il est permis d'espérer qu'un processus politique va débuter sous les auspices de l'Onu et que nous serons de nouveau tous rassemblés", avait alors commenté Federica Mogherini, la Haute Représentante de l'UE pour la politique extérieure. Mais pour que ce processus politique s'enclenche, il va falloir déterminer ses participants. "L'amusant avec la première réunion de Vienne au sujet de laquelle nous sommes tous si positifs, c'est que toute la discussion a été une négociation sur un communiqué, sept heures de discussion juste pour produire un texte", dit une source occidentale. "Cette fois, il ne faudra pas jauger (l'issue de la deuxième réunion) par la longueur ou même par la simple existence d'un communiqué, mais sur le fait de savoir s'il y a eu une discussion véritable sur les choses qui nous divisent vraiment, y compris l'avenir d'Assad (...) ainsi que sur ces fameuses listes, celle de ceux qui comptent comme terroristes et celle de ceux qui comptent comme groupe d'opposition", ajoute cette source. DOCUMENT RUSSE Dans un document consulté cette semaine par Reuters, mais dont les autorités russes ont démenti le caractère officiel, la Russie souhaite que l'opposition et le gouvernement syriens s'entendent sur le lancement d'un processus de réforme constitutionnelle qui pourrait prendre jusqu'à 18 mois et déboucherait sur une élection présidentielle anticipée. Le texte russe en huit points, rejeté par la Coalition nationale syrienne (CNS), propose que les Syriens s'entendent sur les étapes du processus de réforme constitutionnelle lors d'une conférence organisée par les Nations unies et précise que ce processus ne doit pas être dirigé par Assad, mais par une personnalité faisant consensus. Il n'exclut pas en revanche qu'Assad puisse se présenter à ce scrutin anticipé. (voir et) Un diplomate occidental a jugé que ce document russe ressemblait à un "ballon d'essai" censé tester les réactions internationales. "Le plan russe n'est rien d'autre qu'une façon de pouvoir dire qu'ils font des propositions", ajoute une autre source diplomatique occidentale. "Vienne doit faire progresser la discussion sur l'opposition et faire émerger un bloc divers et représentatif. Pour nous, la Coalition reste le coeur de l'opposition. Mais la liste des opposants, on ne va pas la faire en une journée", poursuit cette source occidentale. A contrario, il faudra aussi définir qui sont les "groupes terroristes" dont le communiqué du 30 octobre souligne qu'ils "doivent être vaincus". Sur la base de la première réunion de Vienne, il s'agit de "l'Etat islamique et les autres groupes terroristes, désignés comme tels par le Conseil de sécurité de l'Onu et comme convenus par les participants". (John Irish, François Murphy, David Brunnstorm et Karin Strohecker avec Louis Charbonneau à New York, Sylvia Westall à Beyrouth et Yara Bayoumi à Dubaï; Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français)