Nouveau Premier ministre: qu'est-ce que la session parlementaire extraordinaire demandée par le RN?

Reçue ce lundi 26 août à l'Élysée dans le cadre des consultations afin de dégager le nom d'un futur Premier ministre, Marine Le Pen a dit avoir demandé à Emmanuel Macron l'ouverture d'une session parlementaire extraordinaire pour contrôler l'action du gouvernement. Mais de quoi s'agit-il exactement?

Beaucoup de bruit pour rien? Ce lundi 26 août dans les jardins de l'Élysée, Marine Le Pen relate avoir formulé une proposition à Emmanuel Macron lors de son entretien avec lui, en compagnie de Jordan Bardella.

Pendant ce rendez-vous de près de deux heures avec le chef de l'État, en vue de la nomination d'un futur Premier ministre capable de créer un gouvernement de coalition, la cheffe de file des 143 députés du Rassemblement national a demandé l'ouverture d'une session extraordinaire dans l'hémicycle.

"Ce que je veux, c'est que l'Assemblée nationale puisse être en situation d'opérer une censure si c'est nécessaire", a-t-elle déclaré aux côtés de Jordan Bardella à la sortie de son échange avec Emmanuel Macron à l'Élysée.

"Je ne veux pas que pendant un mois, un Premier ministre puisse par décret, par toute une série de moyens donnés par la Constitution, mettre en œuvre une politique qui soit toxique, dangereuse pour les Français", a insisté Marine Le Pen.

Ouvrir une session extraordinaire: voilà une idée qu'aucun parti n'avait lancée jusqu'à présent depuis la démission du gouvernement de Gabriel Attal le 16 juillet dernier. À quoi peut-elle servir et est-ce vraiment faisable?

Pour rappel: le Parlement se réunit de plein droit en session ordinaire du premier jour ouvrable d'octobre au dernier jour ouvrable de juin.

Mais il peut également se réunir en session dite extraordinaire. Celle-ci se tient en dehors de la période prévue ou retenue pour la durée de la session ordinaire. La durée et l'objet de ce type de session doivent se faire par une convocation spéciale.

Soit à la demande du Premier ministre soit à la demande de la majorité des membres de l'Assemblée nationale ( 289 députés) en vertu de l'article 29 de la Constitution.

Elle est ensuite convoquée par décret du président de la République. Enfin, la session extraordinaire a toujours un ordre du jour déterminé, donc décidé en amont.

Selon le constitutionnaliste et politologue Benjamin Morel interrogé par BFMTV.com, à travers la proposition de Marine Le Pen, une question inédite se pose: si c'est le Premier ministre qui demande cette session extraordinaire, Gabriel Attal peut-il prendre une telle décision?

En effet, depuis sa démission acceptée par le président de la République le 16 juillet, l'ancien ministre de l'Éducation nationale n'est plus qu'à la tête d'un gouvernement dit démissionnaire, en charge uniquement des affaires courantes.

Or, a priori, cette gestion réduite ne permet pas à Gabriel Attal de convoquer ainsi le Parlement, évoque Benjamin Morel. Mais en réalité, on ne peut pas savoir si le Premier ministre peut prendre ce genre de décision.

"Pour être franc, il n'y a pas de précédent. Ce serait ensuite au président d'être garant ou non d'une telle décision prise dans ce contexte", explique le constitutionnaliste.

Si l'initiative ne revient pas au Premier ministre démissionnaire, les députés peuvent-ils dégager une majorité pour exiger une telle ouverture? La réponse est "non" pour le spécialiste du droit constitutionnel, Didier Maus.

"Madame Le Pen et ses 143 députés sont loin d’avoir la majorité absolue dans l'hémicycle. Ça m’étonnerait que beaucoup d’autres parlementaires s’associent à cette démarche initiée de façon solitaire", développe auprès de BFMTV.com cet autre constitutionnaliste.

De plus, rappelle Benjamin Morel, le président de la République peut tout à fait refuser la demande des parlementaires ou celle du Premier ministre. Le constitutionnaliste de donner alors les exemples de Charles De Gaulle en 1961 et de François Mitterrand pendant la cohabitation.

"Mon sentiment, c’est que cette proposition du RN c’est un coup d’épée dans l’eau", analyse le spécialiste, également ancien Conseiller d’État.

Tant qu'il n'y aura pas de nouveau gouvernement, ni de nouveau Premier ministre, quel intérêt pour les députés de demander l'ouverture d'une session extraordinaire? "Pour parler de qui? De quoi? S'opposer à qui? À quoi?", interroge rhétoriquement Didier Maus.

D'après le constitutionnaliste, cette nouvelle proposition est surtout pour le parti d'extrême droite l'occasion d'occuper une scène sur laquelle il n'avait jusqu'à présent pas vraiment de rôle à jouer.

Le tableau de cette période est en effet particulier. "Le principal problème pour nombre de forces politiques, c'est de continuer à exister dans ce moment d'inertie. Pour le Rassemblement national, c’est particulièrement le cas, puisqu’il n’est pas a priori dans les négociations pour la nomination d’un futur gouvernement", brosse Didier Maus.

"Marine Le Pen n'est pas dans le coup, il lui faut une action pour rebondir", constate-t-il.

"La cheffe de file des députés RN cherche à mettre en avant son professionnalisme de députée et sa connaissance des institutions", ajoute le politologue Benjamin Morel.

Si pour l'instant, la question de l'ouverture d'une telle session extraordinaire ne peut pas vraiment se poser pour les deux constitutionnalistes interrogés par BFMTV.com, ce qui est à prendre en compte, en revanche, c'est que le Premier ministre, une fois nommé, devra -a priori- constituer un gouvernement rapidement.

Et donc formuler une déclaration de politique générale dans la foulée devant les parlementaires de l'Assemblée nationale.

Et pour cela, "le nouveau chef du gouvernement ne va pas attendre le mois d'octobre et la rentrée parlementaire", explique Didier Maus. Pour rappel le projet de loi de finances pour 2025 doit être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d'octobre.

Le nouveau Premier ministre, en plein exercice cette fois-ci, pourrait donc demander l'ouverture d'une session extraordinaire pour faire sa déclaration. Et s'exposer alors à une motion de censure des députés.

Article original publié sur BFMTV.com