Nouveau Premier ministre: pourquoi Thierry Beaudet à Matignon, "ça n’est pas fait"
Favori avec Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, le président du Conseil économique, social et environnemental sera-t-il nommé à Matignon ce mardi 3 septembre? Les négociations entre lui et Emmanuel Macron "coincent", selon les informations de BFMTV.
Encore une surprise? Le nom de Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a émergé ce lundi 2 septembre comme potentiel successeur de Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Mais "ça n’est pas fait", souffle un proche d'Emmanuel Macron à BFMTV.
Plus d'une semaine après le début de consultations avec les forces politiques qui traînent en longueur, les négociations avec cet inconnu du grand public, à la sensibilité plutôt de gauche, semblent s'éterniser.
"Catherine Vautrin aussi avait accepté", souligne un familier du palais de l'Élysée, sous-entendant ainsi que pour Matignon, un éventuel accord de principe ne veut pas dire nomination.
Un inconnu du grand public, inexpérimenté en politique
Selon les informations de BFMTV, les discussions entre Thierry Beaudet et Emmanuel Macron "coincent" depuis lundi après-midi. La faute potentiellement au futur dispositif gouvernemental, mais surtout à l'équipe qui serait constituée à Matignon autour de du patron du Cese.
L’Élysee souhaitait en effet lui adjoindre un directeur de cabinet, Bertrand Gaume, préfet de l’Essonne depuis 2022 et nommé préfet de la région Hauts-de-France en février 2024. Selon les informations du service politique de BFMTV, Bertrand Gaume a refusé le poste.
Le profil de Thierry Beaudet, inexpérimenté en politique, pose aussi question. Des membres du camp présidentiel s'inquiètent de sa capacité à gérer une Assemblée nationale si fracturée. Et des membres de l'opposition craignent qu'un novice soit dominé par Emmanuel Macron, au point d'être réduit à un simple rôle de collaborateur. Un tel scénario pourrait d'ailleurs frustrer après les résultats des dernières élections législatives, mettant en lumière un souhait d'alternance exprimé par les Français dans les urnes le dimanche 7 juillet.
Celui qui est décrit comme un grand admirateur de François Miterrand et aux convictions de gauche universaliste et laïque pourrait-il incarner l'alternance? La candidate du Nouveau Front populaire Lucie Castets a semblé ce lundi pour la première fois faire une ouverture sur un autre nom que le sien.
"Le Nouveau Front populaire soutient un changement de politique, et donc, il soutiendra un candidat, une personne qui est en mesure de faire changer la politique (...) dans ce pays", a-t-elle déclaré, n'opposant pas un "non" catégorique à Thierry Beaudet.
Opposé à la loi immigration
Ces derniers mois, le président du Cese s'est plusieurs fois montré critique de l'action d'Emmanuel Macron. En 2023, après le 49.3 d'Élisabeth Borne pour faire passer en force la réforme des retraites, Thierry Beaudet déplorait la "perte de la culture du compromis" et plaidait pour une "grande mise à jour démocratique à opérer".
À demi-mot, il semblait critiquer dans les colonnes de Ouest-France le bilan du président de la République: "The Economist a établi un classement des démocraties dans le monde. Une vingtaine de pays figure dans la catégorie la plus élaborée, que le journal qualifie de 'démocraties complètes'. La France n’y figure pas".
Début 2024, Thierry Beaudet défilait dans la rue contre la loi immigration, déplorant le "parcours chaotique" de ce texte voté avec les voix du Rassemblement national.
Au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale, Thierry Beaudet expliquait ne "pas avoir compris" la décision d'Emmanuel Macron. À la différence de beaucoup de responsables du camp présidentiel, le patron du Cese refusait de "renvoyer dos-à-dos" le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, se montrant vigoureusement opposé au parti de Jordan Bardella.
"L'extrême droite est aux portes du pouvoir. Historiquement, elle a combattu la démocratie parlementaire, entretenu le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, la haine de l'autre, pourchassé les contre-pouvoirs, les droits fondamentaux et l'État de droit", déclarait-il dans La Tribune le mardi 26 juin.
Nuancé sur le bilan d'Emmanuel Macron
S'il n'a donc pas toujours été aligné sur les positions d'Emmanuel Macron, Thierry Beaudet reste nuancé sur le bilan du locataire de l'Élysée. "Je ne ferai pas le 'procès démocratique' d'Emmanuel Macron pour une raison en particulier. Qui s'est montré sensible à la nécessité de revitaliser la démocratie délibérative, participative, en créant les Conventions citoyennes? Qui a lancé le Grand Débat ou réuni les corps intermédiaires autour de Conseils nationaux de la refondation (CNR)? Ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy ou François Hollande? Non. Le soi-disant 'Président jupitérien'", lançait-il dans La Tribune.
Les deux hommes se sont rencontrés en 2018 au Congrès de la Mutualité, dont Thierry Beaudet était le président. Et ne sont pas toujours bien entendus, notamment quand Emmanuel Macron avait reproché aux mutuelles d'être trop chères.
"Thierry n’avait rien lâché", raconte un proche du président du Cese. "À la fin Macron lui avait tapé dans le dos avec un clin d’œil et ils ne s’étaient pas quittés fâchés".
De là à être nommé Premier ministre? "Ça peut être une bonne surprise", veut croire auprès de l'Agence France presse François Hommeril, président de la CFE-CGC, notant qu'il "sait par expérience que la société est complexe". Côté patronal, François Asselin, de la CPME, évoque "quelqu'un de consensuel" issu "d'une culture de centre-gauche".
Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, des profils plus politiques, sont toujours dans la course pour Matignon. Selon un de ses proches, Emmanuel Macron prend son temps pour "être sûr que ce sera un gouvernement durable". "Avec lui, on ne sait toujours pas à quoi s'attendre. Mais au moins maintenant, on sait attendre."