Nouveau Premier ministre : pourquoi l’engagement de ne pas recourir au 49-3 pourrait être une fausse bonne idée

Dans l’accord de non-censure promu par la gauche et la macronie pour sortir du blocage, l’épineuse question du recours au 49-3 fait débat.

Yannick Jadot et Olivier Faure plaident pour un gouvernement de gauche qui renonce à recourir au 49-3.
DIMITAR DILKOFF / AFP Yannick Jadot et Olivier Faure plaident pour un gouvernement de gauche qui renonce à recourir au 49-3.

POLITIQUE - L’identité du Premier ministre n’est pas (encore) connue et l’incertitude plane sur les futurs débats parlementaires. Qui pourra gouverner et sur quelle base programmatique ? Le Nouveau Front populaire revendique Matignon, fort de son succès électoral de juillet, sans que les Républicains et les macronistes n’entendent réellement lâcher les manettes. Une solution semble tirer son épingle du jeu, surtout à gauche : un accord de non-censure avec un Premier ministre qui s’engage à ne pas recourir au très controversé article 49 alinéa 3 de la Constitution pour gouverner.

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Une sorte de donnant-donnant : d’un côté, on assure la stabilité du gouvernement, de l’autre, on promet qu’il ne passera pas en force. « Nous ne recourrons pas au 49-3 dans l’exercice gouvernemental » si un Premier ministre de gauche venait à être nommé, promet ainsi le sénateur écologiste Yannick Jadot sur France Info. L’ancien candidat à la présidentielle y voit « un engagement puissant en faveur du parlementarisme pour stabiliser le pays » : « Nous nous engageons, si Matignon nous est donné, à ce que nous construisions en permanence à l’Assemblée des majorités. » Une position partagée par Marine Tondelier et Olivier Faure.

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Le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, numéro 2 du PS, considérait auprès du HuffPost en début de semaine qu’il s’agit d’un pas « considérable » et rappelle que ce serait « totalement inédit sous la Ve République ». Cette solution est-elle pour autant la clé de sortie du blocage institutionnel ?

« C’est compliqué »

Le constitutionnaliste Benjamin Morel est venu refroidir quelques ardeurs ce 12 décembre. Invité de LCP, il a rappelé les règles en vigueur depuis 1958 : « Si vous votez le budget, vous êtes dans la majorité ; si vous ne le votez pas, vous êtes dans l’opposition. » Il est vrai que renoncer par avance au 49-3 pour faire passer le budget ressemble, pour la gauche, à une façon de se tirer une balle dans le pied. En perdant la possibilité de dégainer cette arme constitutionnelle, le futur gouvernement se placerait dans une décision délicate, semblable à celle de Michel Barnier.

« Sans majorité et sans 49-3, c’est compliqué » de faire adopter un budget, poursuit Benjamin Morel. Dans une Assemblée morcelée en trois blocs, comment convaincre un autre bloc de voter en faveur du budget et ainsi d’atteindre le seuil de la majorité absolue ? La question ne se pose pas de la même manière pour les projets de loi ordinaires qui, s’ils sont rejetés par l’Assemblée, n’auront pas les mêmes conséquences économiques et sociales.

« Éclatement des groupes »

« La plupart des Premiers ministres ne tombent pas sur une motion de censure, mais sur leur budget, développe le constitutionnaliste. Il y a un vrai risque d’avoir toutes les peines du monde à se mettre d’accord sur un budget s’il n’y a pas de 49-3 ». À rebours de la position officielle de la direction de son parti, le député socialiste Philippe Brun refuse lui aussi de se priver à l’avance d’un recours à l’article tant décrié, utilisé 23 fois par Élisabeth Borne.

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« Il faut un 49-3 sur le budget, parce que c’est impossible d’avoir une discussion budgétaire sans 49-3 compte tenu de l’éclatement des groupes », a expliqué l’élu de l’Eure sur LCP. À l’extrême droite, Marine Le Pen a beau jeu de se poser en seule opposante véritable, dénonçant « un contournement de la Constitution ».

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