Le nouveau Premier ministre Michel Barnier a-t-il voté contre la "dépénalisation de l'homosexualité" ?
L'Inter-LGBT a dénoncé la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre ce jeudi 5 septembre. Lorsqu'il était député, puis sénateur RPR, il a voté contre des avancées pour les droits des personnes LGBT.
L'Inter-LGBT "consternée" de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Cette fédération, qui regroupe plusieurs dizaines d'associations de défense de la communauté LGBT+, et organise notamment la Marche des fiertés a déploré l'annonce, ce jeudi 5 septembre, du nouveau chef de gouvernement issu de la droite, "un signe plus que jamais clair que le gouvernement sera hostile à nos droits et existences".
L'Inter-LGBT affirme dans son message que Michel Barnier "s'était opposé à la dépénalisation de l'homosexualité" en 1981. La fédération fait ici référence à un vote sur l'abrogation du deuxième alinéa de l'article 331 du Code pénal qui réprimait alors tout "acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur". La proposition de loi visait à harmoniser les âges de consentement pour les relations sexuelles entre personnes homosexuelles et hétérosexuelles. Depuis 1942, une loi du régime de Vichy avait instauré une différenciation dans l'âge de la "majorité sexuelle". Il était de 21 ans pour les rapports homosexuels (puis 18 ans à partir de 1974) et de 13 ans pour les rapports hétérosexuels (puis 15 ans à partir de 1945). Dit autrement, en 1981, il était illégal pour un majeur d'avoir une relation hétérosexuelle avec un mineur de 15 ans, une limite qui s'élevait à 18 ans pour les relations homosexuelles.
Michel Barnier, alors jeune député de 30 ans à l'époque, siégeait sur les bancs du RPR (Rassemblement pour la République) aux côtés de figures bien connues de la droite française, telles que Jacques Chirac, Jean-Claude Gaudin, François Fillon, Philippe Séguin ou Jean-Louis Debré. Michel Barnier avait alors voté contre cette proposition de loi le 20 décembre 1981, comme 86 des 87 députés du RPR, selon les résultats du vote à l'Assemblée nationale.
En dépit de l'opposition de la droite, la "dépénalisation de l'homosexualité" avait été adoptée par 327 voix -principalement socialistes et communistes- contre 155 voix, majoritairement de la droite et du centre. Elle sera promulguée en août 1982.
Près de 20 ans plus tard, en 1999, alors que Michel Barnier était sénateur, le RPR s'est fermement opposé à l'instauration du Pacs, qui permettait une reconnaissance des unions civiles entre personnes de même sexe. Il avait finalement été institué en novembre 1999.
Une "inacceptable inégalité devant la loi"
L'avocate Gisèle Halimi, qui portait en tant que députée cette loi aux côtés du ministre de la Justice Robert Badinter, avait ainsi dénoncé une "inacceptable inégalité, devant la loi, de deux catégories de citoyens".
Elle avait affirmé, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, que la législation créait "à l'intérieur de chaque sexe, une catégorie de sous-citoyens qui, parce qu'ils sont homosexuels, devraient répondre plus que les autres de leurs actes délictuels".
"Il n'est pas possible, me semble-t-il, de prévoir des solutions différentes pour les hétérosexuels et les homosexuels, car cette discrimination repose en vérité, qu'on le dissimule ou non sous des arguments politiques ou de droit constitutionnel, sur un jugement moral implicite ou explicite: l'homosexualité est l'anormalité", avait poursuivi Gisèle Halimi.
Une vision partagée par Robert Badinter. "Les mêmes actes, les mêmes rapports étant parfaitement licites entre mineurs ou adultes et mineurs de plus de quinze ans, de sexe différent, c'est donc bien l'homosexualité qui est interdite en France avant dix-huit ans sous peine d'emprisonnement", a-t-il déclaré le 20 décembre 1981 devant l'Assemblée nationale.
"En réalité, la disposition de l'article 331, alinéa 2, héritée de Vichy, n'est que l'ultime survivance, dans notre droit, de la très ancienne mise hors-la-loi de l'homosexualité, qui a disparu après la Révolution", avait dénoncé le ministre de la Justice.