Nouveau gouvernement : Bruno Retailleau, Laurence Garnier, Patrick Hetzel... Ces profils qui dérangent

Parmi les 39 noms qui composent le gouvernement de Michel Barnier, certains divisent jusqu'en macronie, en raison de leurs prises de position sur des sujets sociétaux.

Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur dont les prises de position sur différents sujets sociétaux divisent la macronie (Photo by JULIEN DE ROSA / AFP)
Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur dont les prises de position sur différents sujets sociétaux divisent la macronie (Photo by JULIEN DE ROSA / AFP)

Le gouvernement de Michel Barnier a enfin été annoncé peu avant 20h samedi, avec 39 noms pour le composer. Parmi eux, une part non-négligeable issue des Républicains (LR) avec des profils jugés conservateurs, dont les noms font débat. En cause, leurs prises de positions récentes ou anciennes, notamment sur des sujets de société comme le mariage homosexuel ou la fin de vie.

- Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, nommé ministre de l'Intérieur. C'est l'un des profils qui suscitent le plus d'opposition, à gauche comme au sein de l'aile gauche de la macronie.

En juillet 2023, quelques jours après la mort de Nahel et lors des émeutes qui ont suivi, Bruno Retailleau était invité sur Franceinfo à commenter la situation. Le sénateur de la Vendée a alors partagé sa vision des banlieues et des violences qui s’y expriment. "Quand j’entends Gérald Darmanin dire à l’Assemblée nationale qu’il n’y a pas de lien avec l’immigration, mais bien sûr que si", a estimé le sénateur LR, considérant que les émeutiers ne sont Français que "par leur identité".

"Pour la deuxième, troisième génération il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques". Ce qui devrait inciter la société à se questionner sur la façon dont on "présente la France" à ces jeunes, afin de les faire adhérer au pays. "Comment voulez-vous faire aimer la France à ces jeunes, si vous dites que la France est détestable ?", a-t-il interrogé.

Une "régression vers les origines ethniques " condamnée par de nombreux élus, y compris membres de la macronie, comme une sortie raciste de la part du sénateur de Vendée. "La République n'est pas un mot, elle a un contenu, à commencer par les droits universels et l'égalité humaine. Cet homme, parlant ainsi, est hostile aux principes républicains. Il n'a rien à faire au gouvernement", dénonce aujourd'hui le député LFI Pierre-Yves Cadalen.

Une prise de position qui n'est pas une première pour celui qui vient d'être nommé ministre de l'Intérieur. Au moment où le député RN Grégoire de Fournas avait crié "qu’il retourne en Afrique" dans l’Assemblée nationale au moment où le député noir Carlos Martens Bilongo s’exprimait, le sénateur de la Vendée avait récusé le caractère raciste de ces propos.

En septembre 2023, invité de SudRadio, Bruno Retailleau estimait que "la colonisation, c'est bien entendu des heures qui ont été noires mais c'est aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues", faisant bondir une partie de la classe politique.

Ses batailles contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution au printemps dernier, contre l'interdiction des thérapies de conversion, contre le mariage pour tous, ou encore ses mots pour qualifier le projet de loi sur la fin de vie voulu par Emmanuel Macron, "une loi d'euthanasie" estimait-il, font aujourd'hui encore davantage bondir une partie de la macronie et la gauche à son entrée place Beauvau.

Dans son vocabulaire employé ces dernières années, plusieurs mots sont empruntés à l'extrême droite : "wokisme", "décivilisation", "ensauvagement" : "Il y a une haine de cette civilisation, que certains veulent nourrir dans l’Occident". Qui ? "Les wokistes par exemple", détaillait Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, sur France 2, le 25 mai 2023, appelant alors à combattre le "laxisme pénal".

La grand reporter Marion Van Renterghem exhume de son côté les propositions de Bruno Retailleau en 2015, qui proposait 10 jours après les attentats du 13 novembre "une coalition mondiale avec la Russie et l'Iran" face à l'État islamique. Une proposition qui intervient un an et demi après l’annexion de la Crimée par Poutine.

Autre prise de position qui fait réagir, en août 2015, lorsqu'il estimait que l'annulation de la vente de Mistral à la Russie était une "faute politique".

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- Laurence Garnier, sénatrice LR, nommée secrétaire d'État chargée de la Consommation

Un temps pressentie comme ministre de la Famille, son profil a suscité des craintes, jusqu'au sommet de l'État puisqu'Emmanuel Macron a ’alerté’’ son Premier ministre, Michel Barnier, sur son profil. Elle n'hérite finalement "que" d'un secrétariat d'État, celui de la consommation.

Ancienne de La Manif pour Tous, qui s'est opposé au Mariage pour Tous, elle s'est aussi opposée à la constitutionnalisation de l'IVG en 2024 et à l'interdiction des thérapies de conversion en 2021, ces pratiques visant à "guérir" les personnes homosexuelles, bisexuelles ou lesbiennes.

En 2016, celle qui était à l'époque élue à la région Les Pays de la Loire s'était opposée au financement d'un festival de cinéma LGBT, arguant qu'il faisait la "promotion de la GPA". La même année, elle s'était opposée à une campagne anti-SIDA dans laquelle on voyait des couples gays s'embrasser.

À ce poste, elle aurait succédé à la Modem Sarah El Hairy, démissionnaire, qui fût la première ministre ouvertement homosexuelle à devenir mère grâce à la PMA pour toutes. Des prises de position à rebours de la politique menée par Emmanuel Macron qui ne s'arrêtent pas aux questions sociétales. "Laurence Garnier, c’est vraiment très compliqué. En plus elle était antivax", soulignait au HuffPost un stratège macroniste, en référence à l’opposition de l’intéressée au pass sanitaire en 2021. Un vote sur lequel elle s'était expliquée. Plus d'infos dans cet article

- Patrick Hetzel, député LR, nommé ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche

Comme d'autres LR entrés au gouvernement, ses votes contre la constitutionnalisation de l'IVG, contre la PMA, contre le mariage pour tou.te.s sont mis en avant par plusieurs militants pour dénoncer la couleur politique de certains entrants.

Mais son activité dans l'hémicycle est aussi mise en avant pour pointer du doigt ses prises de position sur certains sujets sociétaux, comme l'IVG ou la fin de vie. La sénatrice PS de Paris Marie-Pierre de la Gontrie rappelle qu'en 2021, la proposition de loi d'Olivier Falorni (Libertés et Territoires), qui visait à créer le droit à une "assistance médicalisée active à mourir", n'avait pas pu aller à son terme en raison de l'obstruction parlementaire de cinq députés Les Républicains, dont Patrick Hetzel. Les cinq parlementaires avaient déposé à eux seuls 2500 amendements, précisait LCP.

En janvier dernier, alors député, il avait accusé ses collègues de l'hémicycle d’être "les larbins de l’idéologie" du Planning familial et le garde des Sceaux d’être "sous l’emprise de l’idéologie wokisme", rapportait Mediapart.

D'autres rappellent qu'en 2016, Patrick Hetzel présidait un colloque de SOS éducation sur l'"autonomie" des écoles, une organisation dont les liens avec l'extrême droite sont régulièrement mis en avant.

- Othman Nasrou, vice-président LR de la région Île-de-France, nommé secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

À l'instar de plusieurs autres membres des Républicains qui font leur entrée au gouvernement, les prises de position par le passé d'Othman Nasrou sont exhumées par certains internautes, comme ce tweet de janvier 2013 dans lequel il écrivait son opposition au mariage pour tous, ce qui fait d'autant plus grincer des dents qu'il sera chargé notamment des luttes contre les discriminations.

Autre archive mise en avant par le député européen LFI Anthony Smith, celle d'un passage télévisé récent sur BFMTV dans le cadre des menaces de grèves qui planaient sur les JO de Paris. Lors de cette interview, il déplorait qu'il y ait "en France, une culture de lutte des classes, malheureusement encore dans notre pays, extrêmement forte".

D'autres rappellent les accusations, qu'Othman Nasrou nie fermement, d'achat de voix lors des municipales de 2020 à Trappes. Un ancien militant du candidat l'accuse d'avoir organisé des actions et offert des cadeaux aux jeunes de certains quartiers de la ville, en échange de leurs votes.