Nomination du Premier ministre : malgré les divisions au PS, l’hypothèse Cazeneuve pas définitivement écartée

Un bureau national électrique

C’est une réunion comme les aiment les socialistes : incertaine, idéologique et aussi, très politique. « L’atmosphère était tendue, car les enjeux actuels poussent à la tension », confirme Patrick Kanner, patron du groupe socialiste au Sénat, qui se félicite néanmoins du cadre démocratique dans lequel se sont déroulés les débats. Le bureau national avait été convoqué mardi soir à 18 h 30 par Olivier Faure, « car cela lui avait été demandé par les oppositions, de manière tellement forte qu’il ne pouvait s’en dispenser », souffle un cadre du parti. Certes, la plupart des 72 participants étaient en distanciel. Mais les frictions ont fait chavirer quelques webcams.

Avant cela, la journée avait été marquée par de nouvelles consultations. Aux côtés du patron des députés Boris Vallaud, Olivier Faure a été convié à l’Elysée. Le premier secrétaire du parti a fait savoir à Emmanuel Macron que la ligne du PS n’avait pas changé et que les élus socialistes « censureraient toute continuité du macronisme ». Un gouvernement Cazeneuve est-il le prolongement de ce dernier ?

 

Cazeneuve never dies

Question philosophique, qui était posée mardi soir aux membres du bureau national. Les deux courants minoritaires, menés par les opposants Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer Rossignol, ont soumis l’amendement suivant à leurs camarades : « Le PS ne censurera pas a priori un gouvernement de cohabitation mené par Bernard Cazeneuve, Premier Ministre, partant du programme du NFP (retraites, salaires, services publics, etc.) et dans le cadre du Front Républicain. ». A l’issue d’un vote nominatif, face caméra, chaque membre a été appelé à voter. Amendement rejeté, par 38 voix contre 33. Victoire de la ligne Faure.

« Le sujet est moins « qui » (pour Matignon) que « quoi » (pour quoi faire). À la base de tout compromis (rendu nécessaire par l’absence de majorité absolue), il y a les exigences portées par le Front populaire », écrit ce mercredi matin le premier secrétaire sur X. Sur le plateau de TF1, Olivier Faure semble en dire davantage : selon lui, Bernard Cazeneuve à Matignon serait « une forme d’anomalie ». Est-ce la fin de l’hypothèse Cazeneuve pour les socialistes ? « Pas du tout ! » précise un membre de l’opposition, qui explique que l’adoption de la résolution ne signifie pas qu’un gouvernement Cazeneuve serait nécessairement censuré par les députés. Dit autrement, les socialistes jugeront sur pièces.

« Cazeneuve est un homme de gauche, il va mener une politique de gauche faite de mesures de justice fiscale et de justice sociale, espère un élu PS. C’est un homme d’Etat, un grand républicain. En cas de nomination de Bernard Cazeneuve, la question n’est pas celle de la participation à gouvernement, mais celle d’une simple « non-censure » ». En clair, si une politique jugée suffisamment à gauche était menée, les socialistes pourrait ne pas faire tomber Bernard Cazeneuve. Mais qu’est qu’une politique de gauche ?

 

La réaffirmation de lignes rouges

Autre question philosophique. Dans la résolution adoptée mardi, le parti fixe « dix points d’exigence et d’urgence au futur Premier ministre ». Les socialistes exigent ainsi l’abrogation de la réforme des retraites et de la loi immigration, l’instauration d’un ISF vert ou encore des repas à 1€ pour les étudiants. « Un texte qui rappelle la doxa du parti », pour Patrick Kanner. Même l’abrogation de la réforme des retraites ? « On peut imaginer un gel de ses modalités, ou une remise de l’ouvrage sur le métier afin d’arracher des avantages pour les Français », ajoute un autre sénateur socialiste.

Quid de Lucie Castets, candidature proposée par le Nouveau Front populaire (NFP) et recalée le 26 août par Emmanuel Macron ? « Elle reste notre candidate », précise Patrick Kanner. En l’absence de nomination officielle à Matignon, les socialistes estiment qu’elle est encore en course. Sans se faire trop d’illusions. « Il y a du sadisme chez Emmanuel Macron, qui prend un malin plaisir à tenter de démontrer que la vie politique française ne dépend que de lui. Aujourd’hui nous sommes dans l’impasse à cause de l’obstination d’un homme isolé qui ne se sent plus aimé », lance le patron du groupe socialiste au Sénat. Les socialistes sont prêts pour la cohabitation.