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La nomination d'une Première ministre ne doit pas occulter tout ce qu'il reste à faire

Élisabeth Borne Borne lors de son discours d'investiture en tant que Première ministre du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron.  (Photo: LUDOVIC MARIN via AFP)
Élisabeth Borne Borne lors de son discours d'investiture en tant que Première ministre du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron. (Photo: LUDOVIC MARIN via AFP)

Élisabeth Borne Borne lors de son discours d'investiture en tant que Première ministre du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron. (Photo: LUDOVIC MARIN via AFP)

POLITIQUE - “Il y aura un chemin qui permettra qu’on n’y prête plus attention, mais on manque encore de représentation, donc ça reste important de souligner que c’est une femme”, insiste Alyssa Ahrabare, porte-parole d’Osez le féminisme! à l’évocation de la nomination d’Élisabeth Borne à Matignon lundi 16 mai.

Sa nomination a en effet été marquée par le fait qu’elle est la deuxième femme à devenir Première ministre en France. “Je dédie cette nomination à toutes les petites filles pour leur dire ‘allez au bout de vos rêves’”, a d’ailleurs déclaré l’ex-ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion lors de son discours d’investiture.

“C’est un événement parce que la France est ce qu’elle est, que la classe politique est ce qu’elle est, mais, dans un autre pays, ce n’est pas un événement”, a, quant à elle, réagi Edith Cresson, première femme à avoir été investie à Matignon, en 1991. Faire d’Élisabeth Borne une role model illustre en effet les retards en matière d’égalité femmes-hommes, estiment plusieurs associations et militantes féministes que nous avons contactées, bien qu’une majorité salue sa nomination.

La nécessité d’une femme Première ministre

“Il faut le saluer, même si ça a pris trop de temps. On se réjouit de sa nomination. En soixante-trois ans, on n’avait eu qu’une nomination malgré le fait qu’il y ait des femmes politiques compétentes de tous bords. C’était problématique”, reconnaît Sandrine Elmi Hersi, administratrice de Politiqu’elles.

“Vu le problème de représentation, ça reste un sujet que ça soit une femme”, souligne Clémentine Gallot, journaliste et créatrice du podcast “Quoi de meuf”. “La représentation des femmes en politique et dans tous les secteurs est importante. Aujourd’hui, il y a encore des inégalités de représentation dans les médias, la politique, etc.”, affirme en ce sens Alyssa Ahrabare. D’autant plus que “les postes de Premier ministre ou ministre de l’Intérieur incarnent une certaine autorité”, rappelle-t-elle.

“Il y a cet aspect positif du discours sur le potentiel des jeunes filles en France”, ajoute Sandrine Elmi Hersi. “Ça permet aux petites filles de se projeter”, complète Clémentine Gallot. Avant d’ajouter: “mais si on en parle autant, c’est aussi parce que c’est Emmanuel Macron qui en a fait un sujet, notamment en déclarant l’égalité hommes-femmes grande cause nationale”.

Une nomination qui reste un ”événement”

“Les femmes ont été tellement discréditées qu’on arrive à ce qu’en 2022 une femme Première ministre soit un événement”, nuance néanmoins Fatima Benomar, coordinatrice Nous Toutes. “Ça illustre le sexisme de notre société alors que dans d’autres pays, ce n’est plus un sujet”, complète la porte-parole d’Osez le féminisme!. En Europe, outre la France, huit pays sont aujourd’hui dirigés par une cheffe d’État ou de gouvernement, mentionne le site d’information Touteleurope.

“Il y a déjà des commentaires sexistes sur sa nomination, des questions sur “est ce qu’on l’appelle Premier ou Première ministre”, on est en train de commenter des futilités alors qu’il faudrait s’intéresser à la politique qu’elle va mener”, prend pour exemple Alyssa Ahrabare.

Pour Politiqu’elles, le fait qu’Élisabeth Borne soit considérée comme un role model est “représentatif du fait que ça reste un événement, on n’est pas arrivés à la parité”. “Si on ne met pas dans le radar qu’être une femme est un atout, ça n’arrive pas”, déplore Sandrine Elmi Hersi.

Dynamiques patriarcales

“On doit aussi se demander pourquoi elle est seulement la deuxième femme Première ministre, si c’est un effet d’annonce, si elle va rester à ce poste avec les législatives, si elle est une distraction quand à côté Jérôme Peyrat est investi pour les législatives?”, interpelle la porte-parole d’Osez le féminisme!.

Pour Clémentine Gallot, l’investiture de Élisabeth Borne fait écho à la théorie de la “falaise de verre”. “C’est l’idée qu’on nomme des femmes seulement en dernier recours, c’est toujours dans une situation de crise qu’on finit par les nommer, donc elles ont plus de chances d’échouer et ça les précarise d’autant plus”, explique-t-elle. “Il a fallu plusieurs semaines à Emmanuel Macron pour trouver quelqu’un qui était pourtant déjà dans son gouvernement”, poursuit-elle, évoquant par ailleurs le “siège éjectable” d’Élisabeth Borne, lancée de fait dans la bataille des législatives.

“C’est révélateur du poids de la discrimination, de l’entre-soi masculin”, souligne, quant à elle, Fatima Benomar. “On ne choisit pas que des hommes parce qu’eux seuls seraient compétents, c’est une affaire d’entourage de confiance masculin, de boys club”, précise-t-elle, signalant que Nous Toutes ne salue pas la nomination d’Élisabeth Borne. Pour l’organisation féministe, le discours d’Élisabeth Borne n’a été qu’un “symbole”.

Toutes les associations et militantes interrogées par Le HuffPost le rappellent par ailleurs: cette nomination devra être suivie d’effets. Comme le souligne Politiqu’elles: “On sera attentive au traitement dans les médias de son action de Première ministre”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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