Publicité

Nokia veut racheter Alcatel-Lucent

Nokia a annoncé être en discussions avancées avec Alcatel-Lucent en vue d'une fusion des deux équipementiers de télécommunications. /Photos d'archives/REUTERS/Dado Ruvic/Benoît Tessier

par Elizabeth Pineau et Matthieu Protard et Jussi Rosendahl

PARIS/HELSINKI (Reuters) - L'équipementier télécoms finlandais Nokia a officialisé mardi ses négociations pour racheter son concurrent franco-américain Alcatel-Lucent, un projet de rapprochement qui a reçu le soutien du gouvernement français.

Alors que les activités d'Alcatel-Lucent entrent dans le champ d'application du décret dit "Montebourg" de 2014, qui soumet les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques à l'autorisation préalable des pouvoirs publics français, le gouvernement a dit avoir reçu des engagements de Nokia sur l'emploi et le maintien de centres de recherche-développement en France.

"C'est une bonne opération pour Alcatel-Lucent. Parce que c'est une opération d'avenir, parce que nous construisons, avec ce rapprochement, la reconquête d'Alcatel-Lucent qui était une entreprise en très grande difficulté il y a deux ans", a déclaré le ministre de l'Economie Emmanuel Macron à l'issue d'une rencontre à l'Elysée entre François Hollande et les dirigeants des deux équipementiers.

"Il n'y aura aucune destruction d'emplois en France. Le nombre d'emplois sera le même et même davantage. Nous avons eu tous les engagements de la part de Nokia", a-t-il ajouté.

Alcatel-Lucent compte 6.000 salariés en France sur un effectif total de 52.000 personnes dans le monde.

A la suite d'informations dans la presse, Nokia et Alcatel-Lucent ont confirmé être en discussions en vue d'un rapprochement qui prendrait la forme d'une offre publique d'échange d'actions du finlandais sur le franco-américain.

"A ce stade, il n'existe aucune certitude quant à l'issue des discussions et à la conclusion d'un quelconque accord ou transaction", ont pris soin d'ajouter les deux groupes dans un communiqué commun, sans fournir de détails financiers.

En rachetant Alcatel-Lucent, Nokia pourrait renforcer sa présence aux Etats-Unis où le groupe franco-américain est un équipementier majeur des opérateurs AT&T et Verizon.

Le rapprochement permettrait aussi aux deux groupes de réduire leurs coûts et de mieux affronter leurs grands concurrents, le suédois Ericsson et le chinois Huawei.

INQUIÉTUDES DES SYNDICATS

En Bourse, la réaction a été vive, l'action Alcatel-Lucent touchant en début de matinée un plus haut depuis juin 2008, à 4,572 euros.

Plus gros volume de la cote, le titre a clôturé sur un gain de 16% à 4,481 euros, dans des volumes représentant près de huit fois leur moyenne quotidienne des trois derniers mois sur Euronext.

Nokia a cédé 3,6% à Helsinki.

Avant l'officialisation du projet, Alcatel était valorisé lundi soir à 11,4 milliards d'euros et Nokia à environ 28 milliards d'euros.

Les organisations syndicales d'Alcatel-Lucent ont de leur côté demandé à être reçues par le ministre de l'Economie.

"Ce rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia ne peut évidemment que nous inquiéter au vu des redondances, au niveau mondial, d’activités, de produits et de métiers entre les deux entreprises de plus de 50.000 salariés chacune", soulignent les syndicats CFDT, CFE-CGC et CGT dans un communiqué commun.

"Notre grosse préoccupation est l’avenir de la Recherche et Développement en France, qui travaille sur des produits qui vont entrer directement en concurrence avec les produits actuellement détenus par Nokia", a déclaré à Reuters Christophe Civit, représentant CFDT au comité central d'entreprise d’Alcatel-Lucent.

Acculé à gager ses brevets pour pouvoir obtenir un prêt de ses banques fin 2012, Alcatel-Lucent a opéré un spectaculaire redressement sous la houlette de Michel Combes, son directeur général depuis avril 2013. Il a prévu d'introduire en Bourse cette année ses activités dans les câbles sous-marins.

Alcatel-Lucent a toutefois encore accusé une perte de 118 millions d'euros l'an dernier pour un chiffre d'affaires de 13,2 milliards, tandis que Nokia engrangeait un bénéfice net de 1,2 milliard sur un chiffre d'affaires de 12,7 milliards.

Nokia a quant à lui bouclé il y a tout juste un an la vente à Microsoft de ses activités de téléphones portables pour 5,4 milliards d'euros. Longtemps numéro un mondial des combinés, le groupe finlandais avait raté le virage des smartphones, se laissant distancer entre autres par Apple et Samsung sur ce marché.

Selon deux sources proches du dossier, Nokia est conseillé par la banque JP Morgan, tandis que la banque d'affaires Zaoui & Co travaille pour Alcatel-Lucent. Mais d'autres banques pourraient par la suite compléter le dispositif.

(Avec Leila Abboud, Leigh Thomas, Jean-Michel Bélot, Sophie Sassard et Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Dominique Rodriguez)