Nitrates et nitrites dans la charcuterie : le journaliste d'investigation Guillaume Coudray dévoile les dérives du système et plaide pour l'interdiction de ces additifs
Le ministère de l’Agriculture présentera sous peu un plan d’action pour réduire l’exposition des Français aux additifs nitrés présents dans les charcuteries. Dès 2022, l’Anses a confirmé leur implication dans les cancers colorectaux, dont l’incidence augmente en France. Au même moment, Guillaume Coudray, journaliste d’investigation, publie une synthèse très documentée sur ce sujet. Pour Sciences et Avenir, il décrypte les enjeux d’un débat souvent intentionnellement confus.
Sciences et Avenir : Dans votre livre "Nitrites dans la charcuterie : le scandale" - que nous conseillons vivement à nos lecteurs -, vous prenez le temps d’expliquer qu’il y a une confusion savamment entretenue sur la dangerosité des nitrates et des nitrites. En soi la dose présente dans les charcuteries (120 mg de nitrite par kilo) n’est pas directement cancérogène ou toxique. C’est l’interaction des additifs nitrés avec la viande qui rend les charcuteries cancérogènes.
Guillaume Coudray : Oui, après avoir été incorporés dans la viande, le nitrate de potassium (E252) et le nitrite de sodium (E250) se décomposent et donnent naissance à des radicaux libres : le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2). Ils s’associent ensuite avec des composants contenus dans les protéines de la viande, en particulier avec des amines et du fer. Cette réaction conduit alors à la production de certaines molécules appelées "composés nitrosés" (NOC). Les plus connues sont le fer nitrosylé (nitrosylhème), les S-nitrosothiols, les nitrosamines et les nitrosamides. Ce sont ces molécules qui sont cancérogènes.
Le journaliste Guillaume Coudray. Crédit Andréa Véga
L’apparition de ces molécules cancérogènes intervient tout au long de la chaîne de fabrication des charcuteries : le fer nitrosylé apparaît dès la phase de production du jambon. Les nitrosamines se forment notamment pendant la phase de maturation ou de conservation. Pour les charcuteries qui peuvent être cuites (comme les lardons ou le chorizo), une température de cuisson élevée engendre elle aussi la formation de composés nitrosés. Et même ensuite, lors de la digestion, de nouvelles réactions peuvent donner naissance à des composés cancérogènes.
Pourtant en 2017, l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) affirme, dans son avis public, que les niveaux actuels de nitrite et nitrate dans les aliments sont sans danger pour les adultes.
Effectivement. Notons que l’expertise de l’EFSA de 2017 ne prenait pas en compte[...]
Lire la suite sur sciencesetavenir.fr