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Niger: une attaque menée dans une région cernée par les jihadistes

Les lieux de l'assassinat.  - BOUREIMA HAMA
Les lieux de l'assassinat. - BOUREIMA HAMA

Il était 11h30 environ dimanche, selon le récit des autorités, lorsque huit personnes, dont des salariés de l'ONG Acted, tombent sous les balles de leurs assaillants. D'après les premiers éléments des investigations, il apparaît qu'une femme figurant au nombre des victimes et a quant à elle été égorgée.

Le groupe circulait à bord d'un Land Cruiser aux couleurs de l'association Acted, ONG française venant en aide aux déplacés de la région.

Une situation chaotique

L'organisation a confirmé la mort de plusieurs de ses membres au cours de cette excursion dans une contrée, les environs de Kouré, où vivent les dernières girafes sauvages d'Afrique de l'Ouest. Ce lundi, l'avocat d'Acted est intervenu sur les ondes de RMC, proclamant que le "comportement horrible" des assassins ne faisait que renforcer l'intention de ses clients de continuer à travailler dans cette partie du monde. Ce drame survient en effet dans un pays à la situation politico-militaire particulièrement chaotique, sillonné de groupes jihadistes.

Si l'enquête ne fait que commencer, grevant les rares certitudes de points d'interrogation nombreux, Emmanuel Macron a tweeté ce lundi matin:

"Plusieurs de nos compatriotes et des nigériens ont été lâchement assassinés hier au Niger au cours d'une attaque meurtrière. Je partage la douleur de leurs familles et de leurs proches. Certains étaient engagés pour la plus altruiste des missions : aider les populations. Mes condoléances au peuple nigérien cher Issoufou Mahamadou, président de la République du Niger. Nos pays sont frappés mais notre détermination à lutter contre les groupes armés terroristes demeure intacte. Le combat se poursuit."

Le rouge et l'orange

Le ministère des Affaires étrangères appelle, sur son site, à la plus grande vigilance s'agissant du Niger:

En raison de la situation sécuritaire dans toute la région, la menace terroriste pesant sur le Niger, en particulier hors de la capitale et près des frontières, est élevée. (...) Les actions perpétrées depuis quelques années aux frontières du Niger (enlèvements, attentats, attaques) soulignent la persistance et la diversité de la menace malgré la mobilisation des forces de sécurité et de défense des pays de la région pour les combattre. Les lieux publics où se concentrent les expatriés sont particulièrement visés."

Il n'empêche que la zone de Kouré, distante d'une soixantaine de kilomètres à peine de Niamey, n'est pas située dans les vastes région colorées de rouge par le Quai d'Orsay. Son habillage orange, cependant, est tout de même signe de prudence, souligne le ministère des Affaires étrangères: "Les zones figurant en orange sur la carte sécuritaire sont déconseillées sauf raison impérative. En cas de déplacement dans ces zones, il est impératif de prendre contact au préalable avec l’ambassade de France".

Sur plusieurs fronts

Le journaliste et écrivain nigérien Seidik Abba, auteur de Voyage au coeur de Boko Haram, en duplex sur notre antenne ce lundi, a d'ailleurs dressé un panorama nuancé des lieux du crime: "C’est un endroit très verdoyant, où on a l’occasion de voir les dernières girafes à l’état sauvage d’Afrique de l’ouest. Il n’y a pas de contre-indication à s’y rendre, pas d’alerte sécuritaire. Mais la zone n’est pas très éloignée du nord ou de la frontière avec le Burkina Faso où le groupe est très présent."

Dans ses portions septentrionales et frontalières, le Niger est en effet investi par de nombreuses milices salafistes. A cheval entre le Nigéria et le Niger, on retrouve bien sûr Boko Haram. A l'opposé, du côté du Mali, grenouillent d'autres soldatesques, listées ici par Le Monde, comme le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, succursale d'al-Qaïda, et l'Etat islamique au Grand Sahara. Ces deux formations, qui rassemblent encore d'autres affidés plus obscurs, sont d'ailleurs en conflit l'une contre l'autre.

Un défi de plus pour Barkhane

Kouré, au sud-est de Niamey, est en principe plus proche de la sphère d'influence de Boko Haram. Cette région, connue sous le nom des "trois frontières", car s'y jouxtent le Burkina Faso, le Bénin et le Nigéria, demeure une source d'inquiétude torrentielle.

Cette zone des trois frontières est particulièrement instable. Depuis le sommet de Pau en janvier c’est d’ailleurs sur celle-ci que les opérations de la force française Barkhane se concentrent pour lutter contre le groupe terroriste Etat Islamique au Grand Sahara qui est en réalité la branche sahélienne de l’Etat islamique", a expliqué sur RMC Niagalé Bagayoko, experte des questions de sécurité dans le Sahel.

"L’opération Barkhane a obtenu de bons résultats notamment dans cette zone des trois frontières", a toutefois remarqué lundi Anthony Bellanger, notre consultant pour les questions internationales. Barkhane est le nom donné à cette force d'intervention française, composée de plus de 5000 soldats et déployée au Sahel depuis 2014. "La France a une base militaire à Niamey, c’est pour ça que cet attentat est si osé. On est à la fois à 45 minutes de Niamey et à 45 minutes de cette base", a poursuivi le journaliste.

En plus de la puissance de feu de Barkhane et de sa coordination avec les armées locales, la France agite un levier plus politique pour juguler les menaces jihadistes de la région. La Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad constituent ainsi le G5 Sahel, un ensemble parrainé par la France. Celle-ci espère beaucoup de cette vaste alliance. L'horreur de dimanche est une étape de plus dans cette longue guerre d'usure entre ces Etats et les terroristes.

Article original publié sur BFMTV.com