Procès Nicolas Sarkozy : où en sont les autres affaires judiciaires de l'ancien président de la République ?
Ce lundi 6 janvier, l'ancien Président de la république comparaît au tribunal pour l'affaire des financements lybiens. Le procès doit durer trois mois.
Lorsqu'il comparaîtra au tribunal ce lundi 6 janvier pour l'affaire des financements libyens, Nicolas Sarkozy ne portera toujours pas de bracelet électronique. Tout juste rentré de vacances aux Seychelles, l'ancien Président de la république enchaîne les procès ; il y a moins d'un mois, il était condamné pour corruption et trafic d'influence à un an de prison ferme, sous bracelet électronique, dans l'affaires des écoutes (aussi dite "affaire Bismuth"), que l'on vous raconte ci-dessous.
La peine n'est pas encore mise en œuvre, la pose du bracelet n'étant pas immédiate. Elle devrait cependant advenir dans les mois qui viennent, alors que Nicolas Sarkozy entame un nouveau procès : celui des financements libyens. Trois mois de procès, treize prévenus au total (dont l'ex-Président), pour une affaire extrêmement complexe qui implique la mort du dictateur Kadhafi.
Au total, depuis 2009, pas moins de huit batailles judiciaires ont émaillé la carrière politique de l'ancien ministre et président de la République. Deux d'entre elles ont été classées, ce sont aussi les plus anciennes. Dans l'affaire Woerth-Bettencourt, où il était accusé d'avoir illégalement financé sa campagne présidentielle de 2007 avec l'argent de l'héritière de L'Oréal, Nicolas Sarkozy a bénéficié d'un non-lieu en 2013. En parallèle, éclatait l'affaire des sondages "irréguliers" de l'Élysée. Alors protégé par sa fonction de président, l'ex-maire de Neuilly-sur-Seine a vu cinq de ses collaborateurs condamnés à des peines courtes avec sursis, début 2022.
Plus de dix ans après la fin de son quinquennat, quelles sont les affaires judiciaires encore en cours qui le concernent ?
1 - L’affaire Bismuth, le dossier dans le dossier
Aussi connue sous le petit nom "d’affaire des écoutes", elle est directement liée aux autres scandales. Fin 2013, en enquêtant sur le financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, les juges d’instructions découvrent que Nicolas Sarkozy possède une ligne téléphonique officieuse, ouverte sous le faux nom de "Paul Bismuth".
En le mettant sur écoute, ils remontent le fil de l’enquête. L’ex-président français et son avocat Thierry Herzog auraient corrompu Gilbert Azibert, magistrat à la Cour de cassation, pour qu’il les informe sur l’affaire Bettencourt, alors encore en cours. En échange, ils lui auraient promis un poste à Monaco.
Nicolas Sarkozy est mis en examen, entre autres, pour "corruption active". Une première pour un ancien président sous la Ve République. L’ancien ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac multiplie les recours. Ils sont tous rejetés. Ce n’est qu’en 2020 que s’ouvre le procès, pour se conclure sur une autre première : Nicolas Sarkozy devient le premier ancien président de la République française condamné à de la prison ferme. En l’occurrence, trois ans d’emprisonnement, dont un ferme.
Dans un premier temps, toutefois, Nicolas Sarkozy échappe au bracelet électronique, car l’ex-Président des Républicains fait appel et se pourvoit en cassation, ce qui suspend automatiquement la peine. Ce mercredi 18 décembre 2024, la cour de cassation a toutefois rendu son verdict et prononcé la condamnation définitive de l'ancien maire de Neuilly. Nicolas Sarkozy devra donc purger une peine de trois ans de prison, dont un ferme sous bracelet électronique.
2 - L’affaire Sarkozy-Kadhafi, la plus tentaculaire
Il y a quelques mois, un épisode de Complément d’Enquête intitulé "Opération 'Sauver Sarko' : les coulisses d'un fiasco" est revenu sur cette histoire rocambolesque et sur ce mystère toujours irrésolu, treize ans après la mort du dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
En 2012, Mediapart révèle, documents à l’appui, que Nicolas Sarkozy aurait fait financer sa campagne présidentielle de 2007 par le régime libyen à hauteur de 50 millions d’euros – quand le montant officiel de la campagne ne devait pas dépasser 20 millions.
En avril 2012, @mediapart révèle le document libyen sur le financement de la campagne de Sarkozy de 2007 2/3 https://t.co/T1cwDLkhVR pic.twitter.com/SC6bHYmNt0
— Edwy Plenel (@edwyplenel) November 3, 2016
L’ancien ministre de l'Intérieur ne le sait pas encore, mais c’est le début d’une décennie d’enquête et d’un scandale d’État qui ne cessera de connaître des rebondissements.
Nicolas Sarkozy porte d’abord plainte contre Mediapart, en vain. Impossible de prouver qu’il s’agit de faux documents. Au fil des ans, plusieurs intermédiaires confirment l'existence d'un circuit d'argent noir : l'ex-premier ministre libyen, un dignitaire, un ambassadeur… En 2018, l’ex-chef de l’UMP est finalement mis en examen par l'Office anticorruption pour "corruption passive", "détournement de fonds publics libyens" et "financement illégal de campagne électorale". Les noms des politiques associés à l’affaire tombent les uns après les autres : les anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth sont mis en cause. Tous contestent vigoureusement les faits.
Mais le nom d'un autre accusé revient souvent, celui de Ziad Takieddine, sulfureux entremetteur franco-libanais et chef des services de renseignements libyens. Dans un premier temps, il charge le chef d’État français. Puis il se rétracte, en échange d’un pactole de plusieurs centaines de milliers d’euros selon les enquêteurs.
Cette rétractation fera encore perdurer le procès. Depuis 2020, et malgré une condamnation à 5 ans de prison ferme du tribunal correctionnel de Paris, Ziad Takieddine s’est réfugié au Liban. La prochaine audience de l’affaire Kadhafi doit se tenir entre le 6 janvier et le 10 avril 2025 devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Elle implique treize personnes, dont Nicolas Sarkozy.
Pour tout comprendre de l’affaire libyenne, il faut remonter à 2011 et suivre le fil des révélations de @Mediapart faites de documents, d’entretiens et d’avancées issues de la procédure judiciaire enclenchée en 2013. Toute la chronologie ⤵️ https://t.co/csfxGZmdWr
— Edwy Plenel (@edwyplenel) August 25, 2023
3 – L’affaire Bygmalion : la deuxième campagne présidentielle qui fait scandale
L’année 2014 est riche en rebondissements pour l’ancien petit protégé d’Édouard Balladur. Une nouvelle enquête est ouverte… sur une autre campagne présidentielle. Celle de 2012, qu’il perdra face à François Hollande. À nouveau, Nicolas Sarkozy est suspecté d’avoir dépassé ses frais de campagne. Sous le nom d’une agence de communication intitulée Bygmalion, il aurait facturé de fausses prestations à l’UMP.
Officiellement, la société Bygmalion organise les meetings de campagne du chef de file de la droite française. Officieusement, elle aurait masqué ses dépenses électorales, qui dépassent celles autorisées par la loi. Nicolas Sarkozy en aurait été informé le 7 mars 2012, mais aurait ignoré la note d’alerte et augmenté le nombre de ses meetings.
Mis en examen en 2016 pour "financement illégal de campagne électorale", Nicolas Sarkozy n’est jugé qu’en 2021. Condamné à un an de prison ferme, il fait, là encore, appel. Mais la Cour d’appel réitère son jugement fin 2023 : un an de prison, avec sursis cette fois. Qu’à cela ne tienne, l'avocat de l'ancien président demande la relaxe.
Le 14 février 2024, Nicolas Sarkozy écopera définitivement d’un an de prison dont six mois ferme, en détention aménageable à domicile et sous surveillance électronique. Mais l'ancien président abat sa dernière carte : comme pour l’affaire Bismuth, il se pourvoit en cassation et obtient la suspension de sa peine. Selon plusieurs sources, la Cour de cassation devrait se prononcer sur ce dossier au cours de l'année 2025. À noter que les huit autres prévenus qui avaient fait appel ont vu leur condamnation confirmée, avec des peines allégées.
4 – L’affaire Reso-Garantia
Si celle-ci n’a pas encore beaucoup fait parler d’elle, c’est parce qu’elle est encore au stade de l’enquête préliminaire. En 2020, le Parquet National Financier, désormais coutumier des investigations concernant Nicolas Sarkozy, ouvre une enquête pour "trafic d’influence" et "blanchiment de crime ou de délit".
L’ex-chef d’État, redevenu avocat, aurait été rémunéré par la société d'assurances russe Reso-Garantia, propriété de deux frères russo-arméniens, Sergey et Nikolaï Sarkisov, des oligarques proches de Vladimir Poutine et adeptes des paradis fiscaux. D’après des révélations de Mediapart, Nicolas Sarkozy aurait reçu un paiement de 500 000 euros au début de l’année 2020 dans le cadre d’un contrat de conseil s’élevant à 3 millions d’euros au total. A ce jour, l'enquête reste en cours.
Sur les 3 millions d'euros touchés par @NicolasSarkozy par une société d'assurance russe
Notre enquête complète datant de janvier 2021 est à retrouver sur Mediapart 👇https://t.co/Jl1MC1l9Ws pic.twitter.com/EPp0VVhTIx— Mediapart (@Mediapart) August 17, 2023