Nicolas Sarkozy, un bulldozer politique, mis en examen

Nicolas Sarkozy, 58 ans, mis en examen jeudi soir pour "abus de faiblesse", est un bulldozer politique comme il l'a démontré durant son quinquennat, doté d'une énergie vibrionnante, il bouscule tout sur son passage, fait fi des codes, déclenchant l'enthousiasme des uns et l'animosité des autres. Six mois après sa défaite à la présidentielle face au socialiste François Hollande, il avait été convoqué une première fois dans l'affaire Bettencourt par le juge en charge du dossier à Bordeaux. De cette longue audition, il était ressorti avec le statut de témoin assisté, échappant à l'opprobre d'une mise en examen. Ses proches s'étaient alors réjouis de voir celui qui est de loin le préféré des sympathisants de droite disposer d'un avenir politique encore intact. Depuis son départ de l'Elysée, Nicolas Sarkozy, qui a mis peu ou prou la politique entre parenthèses, multiplie les conférences de par le monde, New York, Londres, Amman... Il arbore dorénavant un look décontracté et une barbe de trois jours. Mais cet animal politique n'a pas pour autant raccroché les gants comme en témoigne la façon dont il a fait une brève incursion, sans succès certes, dans la crise qui a secoué fortement son parti, l'UMP, l'automne dernier. A plusieurs reprises, avant sa défaite à la présidentielle, il avait néanmoins envisagé l'échec et sa vie d'après, sans politique. "Vous n'entendrez plus jamais parler de moi", avait-il même confié à la presse début 2012, une déclaration à laquelle la plupart de ses proches ne croyaient pas. Président atypique jusqu'à la provocation, Nicolas Sarkozy a eu le don de susciter des sentiments extrêmes durant son quinquennat. Les uns louent chez cet avocat de formation, qui s'est défini comme "un petit Français de sang mêlé", une énergie et un volontarisme inlassables. Les autres le taxent d'agitation brouillonne et inefficace. Prônant la "rupture", Nicolas Sarkozy, qui n'est pas passé par l'ENA, contrairement à presque toute la nomenklatura française, a été élu en 2007 dès sa première tentative, alors que ses deux prédécesseurs avaient dû s'y prendre à trois fois, lors d'une élection pourtant qualifiée à gauche d'"imperdable". Il déjouait ainsi les pronostics qui prédisaient la défaite de son camp après douze ans à l'Elysée, revitalisant un projet de la droite qui paraissait à bout de souffle après Jacques Chirac. Mais très vite, il plonge dans des records d'impopularité. Il casse les codes d'un ordre républicain solennel, pratique une ouverture qui déroute son propre camp, suscitant aussitôt la polémique: il célèbre sa victoire au Fouquet's, un restaurant des Champs-Elysées, puis va se reposer sur le yacht de son ami milliardaire, Vincent Bolloré. Plus tard, des écarts de langage choqueront, comme le fameux "'casse-toi, pauv' con" lancé à un homme qui l'avait insulté. "Je n'aurais pas dû le dire", a-t-il concédé en mars 2012, regrettant également, du bout des lèvres, la fameuse soirée du Fouquet's. Avant le premier tour, il a avoué avoir manqué de "solennité" en début de quinquennat. De petite taille, râblé, ce brun aux yeux bleus, qui ne boit jamais et ne fume qu'un cigare de temps à autre, est un sportif, grand amateur de vélo. Passionné du Tour de France, il aime aussi le football. C'est pendant l'un de ses joggings quasi quotidiens qu'il a eu un malaise, le 26 juillet 2009, et a dû être brièvement hospitalisé. Son quinquennat avait démarré sur les chapeaux de roue: le président, champion d'une droite "décomplexée", allait transformer la France en un pays de "propriétaires", allait offrir aux Français le "plein emploi" en allant "chercher la croissance avec les dents", les réconcilier avec "l'argent", cet argent qui, selon François Mitterrand, "pourrit jusqu'à la conscience des hommes". "Hypocrisie. J'ai toujours pensé que les gens qui adoraient l'argent et les gens qui détestaient l'argent étaient les mêmes", dit-il. Il a dû faire face aux crises économiques mondiales les plus graves depuis 1929: subprimes, dette. Celui qui déclare "ne pas croire à la fatalité" se démultiplie, se déclarant en guerre contre le capitalisme financier. Il ne parviendra toutefois pas à enrayer en France les délocalisations destructrices d'emplois. Autres chantiers prioritaires chez cet ex-"premier flic de France": la sécurité, le contrôle de l'immigration, l'identité nationale, avec là aussi des résultats contestés. Son volontarisme l'amène aussi à engager la France dans des interventions militaires à l'étranger (Côte d'Ivoire, Libye). Fils d'un immigré hongrois, il est marqué tout jeune par la séparation de ses parents et sera élevé par sa mère et son grand-père maternel, un Grec de Salonique qu'il évoque toujours avec beaucoup d'affection. Il s'est dit "blessé" par les unes de magazines le présentant comme un "fou", "dangereux pour la République" ou moquant son physique. Mais cet homme aime les rapports de force. Il s'investit dans des causes difficiles, comme l'affaire des infirmières bulgares, l'emprisonnement du Franco-israélien Gilad Shalit dans la bande de Gaza ou la détention de Florence Cassez au Mexique. Arrivé à l'Elysée avec une famille recomposée - une première en France - il voit le début de son mandat assombri par un divorce douloureux avec sa deuxième épouse Cécilia. Peu après, il vit une idylle retentissante avec la chanteuse et ancien top-model Carla Bruni, qu'il épousera en février 2008. Le couple a eu une petite fille, Giulia, en octobre 2011. Nicolas Sarkozy était père déjà de trois garçons, de ses deux mariages précédents. Il est le deuxième ancien chef de l'Etat français, après Jacques Chirac, à avoir maille à partir avec la justice.