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A Nice, le réseau électrique du futur freiné par les batteries

par Geert De Clercq NICE (Reuters) - Dans le village de Carros, au nord de Nice, ERDF mène une expérimentation des réseaux électriques du futur prometteuse mais dont les résultats se heurtent aux coûts des batteries existantes, qui freinent le développement des systèmes de production renouvelable décentralisés. Baptisé "Nice Grid", le démonstrateur de quartier solaire "intelligent" coordonné par le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité français relie des panneaux photovoltaïques installés sur des toitures de particuliers et d'entreprises à une série de batteries de tailles diverses permettant de compenser l'intermittence de la production. Il repose aussi sur le compteur communicant "Linky", qui assure des échanges d'informations entre le système et les clients, et sur un programme qui encourage les consommations lorsque le soleil brille et incite la modération en hiver et en soirée, lors des pics de demande. Alors que l'essor des renouvelables rend nécessaire la multiplication de moyens de transports ou de stockage de l'électricité, l'expérimentation de Carros se heurte à deux limites : les batteries sont trop coûteuses et le nombre de participants au programme de pilotage de la consommation reste faible malgré les avantages financiers proposés. ERDF, filiale d'EDF, a relié à Carros des batteries compactes lithium-ion à des panneaux photovoltaïques sur les toits de 20 clients résidentiels volontaires, qui n'ont pas le contrôle des systèmes. Les batteries, d'une capacité de 4 kilowatt-heure, sont rechargées à la mi-journée et déchargées le soir. Le système dans son ensemble, qui intègre aussi des batteries beaucoup plus grosses également conçues par Saft, peut injecter sur le réseau l'équivalent en appel de puissance de 750 foyers résidentiels lors des pics de fortes consommations en hiver, soit 1,5 MW. "Le modèle économique des batteries n'est pour l'instant pas encore mature", a toutefois souligné Philippe Monloubou, président du directoire d'ERDF. UN INVESTISSEMENT DE 30 MILLIONS D'EUROS "Le jour où le modèle économique (...) permettra de les déployer massivement, ce sera complètement différent. Les ratios aujourd'hui ne sont pas encore au niveau pour développer les modèles qui permettent d'avoir les retours qu'on en attend", a-t-il également déclaré à Reuters. Les batteries commercialisées en Europe coûtent 500 à 1.000 euros par kilowatt/heure (KWh) selon ERDF, ce qui les rend déjà rentables dans certaines régions d'Allemagne ou du Danemark mais pas en France. Celles de Carros seront démontées au terme de l'expérimentation, fin 2016. "La faisabilité économique n'est pas acquise dans la plupart des réseaux électriques européens", a souligné Michael Lippert, responsable du développement marketing et commercial de la branche stockage de Saft. Saft, qui fabrique également des batteries pour les avions et les trains, a déjà installé près de 80 MW de capacités dans le monde, principalement dans des zones reculées au Canada, en Amérique du Sud, en Afrique ou sur des îles. Michael Lippert a souligné que les batteries étaient en train de devenir rentables dans des pays européens où le développement des énergies renouvelables est important et oblige les opérateurs à choisir entre développer des réseaux câblés et installer des moyens de stockage. Le programme de maîtrise de la demande de Carros a en outre connu un succès relatif avec seulement 300 foyers participants, à comparer avec une population de quelque 12.500 habitants. Environ 200 des foyers inscrits laissent ERDF éteindre leurs chauffages ou leur chauffe-eau pendant les soirées hivernales de pic de consommation. Près de 70 autres clients reçoivent des SMS pour être prévenus d'une journée ensoleillée qui leur permet de bénéficier de prix inférieurs de 33% à la normale. L'investissement total du projet Nice Grid s'élève à 30 millions d'euros, dont 11 millions financés par des aides publiques nationales et européennes. "Nice Grid" constitue la contribution française au projet européen "Grid4EU", qui repose sur six démonstrateurs testés pendant quatre ans dans chaque pays européen représenté dans le consortium (France, Italie, Espagne, République Tchèque, Suède et Allemagne), qui comprend ERDF, Enel, Iberdrola, CEZ, Vattenfall et RWE. ERDF est associé dans le cadre du projet français à un consortium qui inclut Alstom, Saft, EDF et RTE. (Benjamin Mallet pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)