NFP : Ces socialistes qui veulent en finir avec Jean-Luc Mélenchon

Raphaël Glucksmann et Patrick Kanner s’en prennent virulemment à la méthode de La France insoumise.
Raphaël Glucksmann et Patrick Kanner s’en prennent virulemment à la méthode de La France insoumise.

POLITIQUE - Raphaël Glucksmann ressort du bois. Après un été loin des caméras, l’ancien essayiste prépare le terrain pour la rentrée. Il réunira notamment les siens début octobre dans un petit village près de Bordeaux. Son objectif est tout tracé : « Faire en France ce [qu’il a] fait en Europe ». Pour cela, le fondateur de Place Publique entend « tourner la page Macron et Mélenchon ».

Karim Bouamrane cité pour devenir Premier ministre : ce que dit cette rumeur dans la course à Matignon

Dans une interview au Point publiée ce 20 août, il appelle à « rompre avec l’esthétique de la radicalité, qui n’est en fait que du sectarisme et empêche toute transformation radicale, en finir avec le mythe de la toute-puissance et délaisser Robespierre ». Tout un programme, quand on sait qu’il est allié au PS, membre du Nouveau Front populaire. Alors, l’intéressé joue-t-il contre son camp ? En réalité, il a toujours décrié la méthode Mélenchon (dont il a fait les frais durant les européennes) et a soutenu le NFP du bout des lèvres, contraint par la crainte de voir le RN déferler sur l’Assemblée.

« Les Insoumis ont travaillé »

La stratégie de La France insoumise est clairement en cause selon lui. Et celle de son fondateur par voie de conséquence : « Jean-Luc Mélenchon a un but, être candidat à la présidentielle. Le plus tôt possible, quitte à ouvrir la voie à l’extrême droite ». L’ex-tête de liste aux européennes reconnaît tout de même que « les Insoumis ont travaillé, développé une vision idéologique, déployé une stratégie politique et construit des réseaux militants ».

Un bon point donné à LFI qui se révèle, en fait, un tacle adressé à Olivier Faure. Car en route, estime Raphaël Glucksmann, « les autres partis de gauche n’ont pas autant travaillé et ont progressivement développé un sentiment d’infériorité politique, intellectuelle et même psychologique ». La clé pour réussir : « le travail, et le courage aussi, un peu ». Nouvelle attaque contre le secrétaire national du PS.

Sur le fond, Raphaël Glucksmann considère « qu’il aurait fallu engager dès le soir du second tour un dialogue avec les partis politiques ayant participé au front républicain sur la base des priorités, comme la hausse du Smic ou l’ISF. C’est l’inverse qui fut fait », tranche-t-il, jugeant que Marine Tondelier et Olivier Faure ont été piégés par la prise de parole rapide de Jean-Luc Mélenchon le soir du 7 juillet, appelant à appliquer à la lettre le programme du NFP.

« Réveiller l’aile droite du PS »

Cette sortie de Raphaël Glucksmann a naturellement provoqué l’incompréhension et la colère de députés LFI. Pour Arnaud Saint-Martin, élu dans le Val-d’Oise, l’eurodéputé ne fait que « saboter le travail de construction collective, à quelques jours de la rencontre prévue à l’Élysée ». Selon lui, le fondateur de Place Publique le fait « en mode pseudo-humble », « dans un magazine de droite dure ». Manière à ses yeux de « réveiller l’aile droite du PS ». Quant au député Insoumis Aurélien Taché, il considère que l’eurodéputé « fait fi du racisme qui mine la France » et étrille son « concept révolutionnaire de social-démocratie ».

Ce que montrent ces échanges, en creux, c’est la persistance de deux lignes à gauche. Patrick Kanner, patron des socialistes au Sénat, se demande dans l’Express si, « face aux outrances » de La France insoumise, « la recherche d’un consensus est possible, et même souhaitable ». « Nous sommes en train de franchir la ligne rouge. Attention danger, car nous ne pourrons continuer ainsi très longtemps. LFI joue au jeu de l’élastique depuis plusieurs semaines déjà, en cherchant le conflit avec les autres membres du NFP », alerte-t-il. Plusieurs points d’achoppement ont existé à gauche cet été : le tweet de Sophia Chikirou contre le hollandisme, sa story Instagram accusée de rendre hommage à Ismaïl Haniyeh (chef du Hamas), la proposition faite par les Insoumis de destituer Emmanuel Macron, l’apparition de Rima Hassan dans une manifestation en Jordanie ces derniers jours…

En prime, Patrick Kanner accuse lui aussi Jean-Luc Mélenchon de regarder avec insistance la prochaine échéance présidentielle. Et l’enjoint à « faire le deuil de son leadership passé ». Là encore, l’affrontement entre deux lignes à gauche prend corps. Drapé dans son rejet de la méthode Mélenchon, Patrick Kanner dessine à gros traits « une gauche prête à gouverner dans la durée » (la sienne) et une autre, qui serait « une gauche de témoignage » (celle de LFI). Sans surprise, il estime que sa ligne est gagnante. « Le rapport de force à gauche a été rééquilibré au profit du PS, grâce aux performances des dernières sénatoriales, au bon score européen de Raphaël Glucksmann, et aux dernières législatives », expose Patrick Kanner, qui oublie tout de même de rappeler que le bon score du PS aux dernières législatives est en partie dû à l’union… avec les Insoumis, lesquels avaient été écartés des accords locaux conclus par la gauche aux sénatoriales.

À voir également sur Le HuffPost :

Matignon : la simple évocation par le PS de l’hypothèse Bernard Cazeneuve fait hurler les Insoumis

Gouvernement : François Bayrou veut mettre les partis hors-jeu et presse Emmanuel Macron d’agir