"Neutraliser et repousser le Hezbollah": quels sont les objectifs des frappes d'Israël au Liban?
Plus de 550 morts et près de 1.830 blessés en 24 heures. L'armée israélienne poursuit ses frappes contre le Hezbollah ce mardi 24 septembre, après avoir mené la veille son offensive la plus meurtrière au sud du Liban depuis la guerre de 2006 entre l'État hébreu et le groupe armé allié du Hamas.
Les bombardements ont visé "environ 1.600 cibles terroristes", selon l'armée, dans le sud du Liban et la vallée de la Békaa, dans l'est, des bastions du Hezbollah. La banlieue sud de Beyrouth, la capitale, a aussi été visée par l'armée israélienne le 20 septembre pour éliminer Ibrahim Aqil le chef de l'unité d'élite du Hezbollah.
Si les échanges de tirs à la frontière libanaise étaient devenus récurrents depuis l'attaque terroriste du 7 octobre, Israël et Hezbollah ne semblaient pas jusqu'ici vouloir amplifier le conflit. Mais depuis l'explosion de bipeurs appartenant à des membres du groupe chiite et les frappes israéliennes de ce lundi, c'est le scénario d'une escalade que semble avoir privilégié le gouvernement de Benjamin Netanyahu.
Un nouveau "but de guerre" pour Israël
L'offensive lancée par Israël correspond au nouveau "but de guerre" de son armée, à savoir "le retour en toute sécurité des habitants du nord (du pays) dans leurs maisons". Un objectif affiché par le gouvernement depuis le 17 septembre. En effet, en raison des tirs à la frontière avec le Liban, des milliers d'Israéliens ont été déplacés.
Après s'être contenté de tirs de riposte depuis le 7 octobre, "l'armée israélienne veut désormais neutraliser l'appareil militaire du Hezbollah", explique à BFMTV.com le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense pour notre chaîne.
"Pour sécuriser la frontière nord, l'armée cherche à repousser le Hezbollah au-delà du fleuve Litani et ainsi élargir la zone tampon entre Israël et le sud du Liban", poursuit le militaire.
"C'est le Hezbollah qui a commencé par nous agresser dès le 8 octobre 2023. 9.000 missiles et roquettes sont depuis tombés sur le nord d'Israël. Nous les avons prévenus pendant des mois et des mois et à un moment, nous sommes passés à l'action", justifie auprès de BFMTV Olivier Rafowicz, le porte-parole francophone de Tsahal.
La guerre à Gaza en toile de fond
Israël affirme par ailleurs vouloir se protéger d'une incursion terrestre de son ennemi. "Le Hezbollah avait l'intention de s'infiltrer en Israël, prendre le contrôle des communautés de Galilée, tuer et enlever des civils israéliens, tout comme le Hamas l'a fait le 7 octobre", a affirmé vendredi le porte-parole militaire israélien, Daniel Hagari, après la mort d'Ibrahim Aqil.
Le discours officiel israélien doit toutefois être nuancé, selon Guillaume Ancel, ancien officier de l'armée française et spécialiste des questions de défense. "Si Netanyahu avait accepté un cessez-le-feu à Gaza, le Hezbollah aurait cessé ses tirs", affirme-t-il sur notre antenne ce mardi.
De plus, "le Hezbollah ne constituait pas une menace vitale pour Israël car l'Iran (son principal soutien, NDLR) n'est pas prêt à une guerre totale contre Israël", estime ce chroniqueur militaire.
Inquiétudes pour les populations civiles
Les bilans humains transmis par les autorités libanaises, même s'ils ne distinguent pas les morts civils des membres du Hezbollah, soulèvent des inquiétudes sur les méthodes de l'armée israélienne. "Parmi les personnes tuées se trouvent un grand nombre de terroristes du Hezbollah", a assuré le porte-parole Daniel Harari dans une allocution.
Comme pour le Hamas dans la bande de Gaza, Israël accuse le Hezbollah, très implanté dans la société libanaise, de se servir des civils comme de boucliers humains. "Il a placé des roquettes dans vos salons et des missiles dans vos garages", a déclaré lundi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans un message à destination des Libanais.
Sur X, un porte-parole de Tsahal a ainsi posté les photos d'un "missile à longue portée" caché dans "le grenier d'une maison située au cœur du village de Houmin al-Tahta, au sud du Liban". Au-dessous, "une famille libanaise vit au premier étage", affirme-t-il.
Les habitants des zones contrôlées par le Hezbollah sont incités à quitter leur domicile via des messages en langue arabe diffusés sur les réseaux sociaux ou directement sur leur téléphone.
Vers une offensive terrestre?
Jusqu'où ira Israël dans son offensive? La prochaine étape pourrait être une attaque au sol. D'après The Times of Israel, Ori Gordin, à la tête du commandement nord de l'armée israélienne, plaide pour cette option. Mais son ministre de la Défense, Yoav Gallant, y serait pour l'instant opposé.
Une invasion terrestre constituerait une ligne rouge pour les États-Unis, principal allié d'Israël. Selon un haut responsable américain à l'AFP, Washington proposera d'autres "idées concrètes" à leurs partenaires, cette semaine à l'ONU, pour apaiser ce conflit.
Selon l'expert militaire Guillaume Ancel, les "États-Unis sont les seuls qui peuvent arrêter Israël, car Israël n'a pas de munition". "Mais Netanyahu parie que Joe Biden ne bougera d'ici les élections de novembre", analyse-t-il sur notre antenne.
L'escalade du conflit fait craindre à la France "un embrasement régional". Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot annonce, au nom de la France, demander une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU "cette semaine". "Nous sommes presque au bord d’une guerre totale", s’est alarmé Josep Borrell.