"Ce n'est pas vraiment pour moi": le fils du porte-parole de Poutine piégé par un faux recruteur de l'armée
C'est peu dire que la "mobilisation partielle" décrétée par Vladimir Poutine mercredi pour renforcer ses troupes sur le front ukrainien ne déchaîne pas l'enthousiasme de sa population. Tout est bon pour esquiver cette décision qui doit envoyer à la guerre 300.000 réservistes.
Il y a ceux qui manifestent, ceux qui projettent de décoller pour partir loin de la Russie et ceux qui pensent tout simplement faire jouer leurs relations pour s'éviter l'enrolement. Tel est le cas de Nikolaï Peskov, le fils de Dmitry Peskov, le porte-parole du Kremlin, piégé mercredi en flagrant délit par les auteurs d'un canular.
"Vous devriez comprendre qui je suis"
L'opération a été révélée par le média russe indépendant The Insider, et elle a été montée par Dmitry Nizovtsev pour sa chaîne YouTube PopularPolitics, proche de l'opposant au régime Alexei Navalny. L'animateur a ainsi appelé Nikolaï Peskov en direct. Se faisant passer pour un officier, le major Anton Matrynov, et assurant à son interlocuteur l'avoir convoqué en vue de son embrigadement, il lance:
"Premièrement, pourquoi n’avez-vous pas rappelé? Et deuxièmement, viendrez-vous au bureau de conscription à 10h demain? Nous vous attendons."
La réponse de Nikolaï Peskov est pleine de hauteur, comme le montre la traduction de la vidéo livrée sur notre antenne ce jeudi matin. "Évidemment, je ne viendrai pas au commissariat", rétorque-t-il avant de rappeler qu'il est particulièrement bien né et donc, apparemment, au-dessus de ces contingences: "Vous devriez comprendre que je suis M. Peskov, et que ce n’est pas vraiment pour moi."
"De toutes façons, je vais résoudre ce problème, et je vais le résoudre à un autre niveau", avance-t-il.
"Je ne suis pas un simple soldat"
Mais Nikolaï Peskov n'est pas sûr de cocher les cases de cette mobilisation partielle. Dans la suite du dialogue, relayée ici par TF1, il dit ainsi: "Je dois comprendre ce que je dois faire et comment je dois le faire". "J'ai besoin de comprendre en général ce qui se passe et quels sont mes droits. Qu'ils m'enlèvent demain - croyez-moi, ni vous ni moi n'avons besoin de cela".
"Je n'ai aucun problème à défendre ma patrie, mais j'ai besoin de comprendre la faisabilité de ma présence là-bas", insiste-t-il encore.
Âgé de 32 ans, Nikolaï a servi dans l'armée, dans l'une des divisions chargées des missiles nucléaires, a précisé ici le Daily Mail. Autant dire qu'il semble qualifié pour rempiler. Il nuance bientôt son refus d'ailleurs, affirmant: "Je ferai ce qu'on me dit. Si Vladimir Vladimirovitch Poutine dit que je dois y aller, j'irai". Pas question toutefois de passer pour un troufion comme les autres, Nikolaï Peskov soulignant qu'il n'est "pas un simple soldat".
Le révélateur d'une société clivée
Alexeï Navalny a réagi à ce canular, étendant son propos à la catastrophe collective à venir d'après lui.
"Je crains une immense tragédie et beaucoup de morts", a-t-il déclaré, dénonçant une "guerre criminelle".
Sur BFMTV ce jeudi matin, Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Nouveaux États indépendants de l’Institut français des relations internationales, a estimé que ce canular mêlant la politique et la satire révélait les fractures brisant la société russe.
"Ça dit beaucoup de choses sur la Russie de Vladimir Poutine. Il y a la Russie des élites qui n’est pas concernée directement par les décisions qu’elle prend et tous les autres qui doivent payer les pots cassés".
"Ça alimente le sentiment d’injustice dans la population, et ça ne peut que renforcer le mécontentement face à cette guerre", a-t-elle achevé.