"Vous ne trouverez jamais un centime libyen dans ma campagne": les premiers mots de Nicolas Sarkozy à son procès
Sa toute première prise de parole sur les faits devant le tribunal. Nicolas Sarkozy est actuellement jugé dans le cadre du dossier de soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de 2007 par des fonds libyens.
"Vous ne trouverez jamais, jamais non pas un euro, mais pas un centime libyen, dans ma campagne", s'est défendu ce 9 janvier l'ex-chef de l'État, pour ses premiers mots au procès.
Pour les magistrats, Sarkozy "parfaitement informé"
L'ancien président est jugé depuis le 6 janvier par le tribunal correctionnel de Paris pour "financement illégal de campagne électorale", "corruption passive", "recel de détournement de fonds publics" et "association de malfaiteurs".
Dans les 557 pages de l'ordonnance de renvoi, les juges relèvent "le pacte de corruption noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi" le 6 octobre 2005, sans aucun intermédiaire.
Ils considèrent que l'ex-locataire de l'Élysée était parfaitement informé des "agissements qui, la plupart du temps, étaient initiés par (ses) proches". Agissements qui ne pouvaient "être engagés sans l'aval et la parfaite connaissance de cause" du dirigeant libyen de l'époque.
"Dans les dossiers économiques et financiers, il n'existe pas d'évidence. Il existe des flux qu'il convient de resituer dans un contexte à l'aide de témoignages et d'analyses documentaires. Et en matière de corruption, il n'existe pas de preuve absolue", précisent encore les juges.
"10 années de calomnie"
Nicolas Sarkozy compte de son côté se défendre pied à pied.
"Je répondrai à toutes les questions comme je l'ai toujours fait, j'ai toujours assumé mes responsabilités et je compte bien le faire pendant ces quatre mois", a assuré l'ex-chef de l'État ce mercredi devant le tribunal.
Il a profité de l'occasion pour regretter "10 années de calomnie, 48 heures de garde à vue, 60 heures d'interrogatoire, 10 ans d'enquête".
Une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy a donc rejeté à nouveau en bloc les accusations le concernant: non, il n'a pas reçu un seul centime du régime de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne victorieuse de 2007. Plusieurs éléments s'opposent à ces affirmations.
Un témoignage sur des valises de billets
En 2012, Mediapart publie une note des services secrets libyens tendant à prouver que le régime lybien a versé 50 millions d'euros au camp Sarkozy peu avant le début de la campagne. Une affirmation qui s'ajoute aux déclarations du fils de Kadhafi un an plus tôt qui évoquait pour la première fois, dans une interview à Euronews, un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.
En 2013, la justice française se saisit de l'affaire et ouvre une information judiciaire le 19 avril pour, notamment, "corruption" et "trafic d'influence". Les juges s'appuient également sur les déclarations du sulfureux homme d'affaires franco-libanais Ziad Takkiedine qui, interrogé par le juge Van Ryumbeke quelques mois plus tôt dans un autre dossier, affirmait détenir la preuve de ce financement.
Il expliquait alors avoir remis trois valises de billets au ministère de l'Intérieur, occupé alors par Nicolas Sarkozy. Dans ce dossier, des très proches de l'intéressé, à commencer par Claude Guéant, son directeur de campagne en 2007, Éric Woerth alors trésorier et l'un de ses plus proches intimes Brice Hortefeux, comparaissent également devant les juges aux côtés de Nicolas Sarkozy.
Jusqu'à 10 ans de prison et 5 ans d'inégibilité
Lors d'une perquisition, les enquêteurs avaient découvert un versement de 500.000 euros depuis l'étranger sur un de ses comptes bancaires. Claude Guéant s'est toujours défendu en affirmant que l'argent provenait de la revente de deux tableaux flamands.
D'autres éléments sont venus appuyer les soupçons de la justice, qui tente, notamment, de déterminer si Nicolas Sarkozy était au courant de ces versements. Ziad Takieddine, condamné depuis pour diffamation, avait assuré publiquement avoir remis l'argent à Claude Guéant, lorsqu'il était directeur de cabinet à Beauvau, parfois en présence du ministre d'alors, Nicolas Sarkozy.
Dans un carnet appartenant à un ancien dignitaire libyen mort en avril 2012 ont été retrouvées des inscriptions recensant plusieurs versements occultes au bénéfice du candidat pour une somme de 6,5 millions d'euros.
Définitivement condamné à un an de prison en décembre dernier dans l'affaire dite "Paul Bismuth", Nicolas Sarkozy encourt 10 ans de prison et 375.000 euros d'amende, ainsi qu'une privation des droits civiques et donc une inéligibilité allant jusqu'à cinq ans. Le procès aura lieu jusqu'au 10 avril.