"Je ne peux pas lui en vouloir": abandonné bébé, un Rennais retrouve sa mère biologique après 55 ans de recherches
"Toute ma vie, je me suis demandé pourquoi j'avais été abandonné." C'est à l'âge de 70 ans que Daniel, un Rennais, a rencontré pour la première fois sa mère biologique, âgée de 95 ans. Le septuagénaire a relaté son histoire peu banale à Ouest-France, dans un témoignage publié ce samedi 21 septembre.
Daniel est né le 18 janvier 1954, à Rennes. Sa mère biologique, 25 ans à l'époque, l'abandonne "sur le trottoir devant la maison maternelle de Rennes dont elle s’était enfuie".
"Un papier de l'assistante sociale mentionne que les employeurs chez qui ma mère travaillait et logeait n'ont aucune pitié pour l’enfant. Je ne sais même pas si ses parents étaient au courant de sa grossesse", relate le septuagénaire. Le petit Daniel est placé, va venir dans une famille d'accueil à Bruz, jusqu'à son adoption.
"Le ciel m'est tombé sur la tête"
Jusqu'à ses 15 ans, Daniel ne connaît pas cette histoire, et ne sait même pas qu'il a été adopté. Il l'apprend par hasard, alors qu'il postule pour être apprenti en mécanique dans l'aviation.
"Mes parents étaient en vacances, j'avais besoin d’un papier pour compléter mon dossier. J'ai appelé ma mère au téléphone, elle m'a dit de prendre le livret de famille dans une boîte en fer. C'est là que j’ai découvert le jugement d'adoption. Le ciel m'est tombé sur la tête", se souvient-il.
Ses parents adoptifs, qui sont morts en 1988 dans un accident de voiture, ne savent rien des origines de Daniel. Ce dernier n'a eu de cesse de faire des recherches pour retrouver ses parents biologiques. "Toute ma vie, je me suis demandé pourquoi j'avais été abandonné. J'en pleurais. Je voulais connaître mes origines, mon identité", confie-t-il.
"J'ai perdu 20 ans"
Mais après avoir envoyé de nombreux courriers à l'assistance publique, avoir fouillé dans les archives municipales et judiciaires de Rennes, toujours rien. Jusqu'en 2001, où Daniel, désormais marié et père de deux enfants, une employée de son entreprise de transport lui donne un contact. "Si votre mère demande à vous retrouver un jour, on lui donnera", lui assure-t-elle.
En 2002, les dossiers d'adoption sont déclassifiés. Mais Daniel l'ignore: "Personne ne m'a prévenu malheureusement, malgré les démarches que j'avais faites. J’ai perdu vingt ans".
Début 2024, enfin, le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) lui envoie son dossier.
"Je ne veux pas qu'elle souffre davantage"
Il découvre que sa mère, aujourd'hui âgée de 95 ans, réside dans une petite commune d'Ille-et-Vilaine, à proximité d'où il allait se promener régulièrement pendant 20 ans. Une première rencontre est organisée en avril 2024.
"J'ai vu cette petite femme, toute menue, je ne peux pas lui en vouloir. Je ne savais pas quoi faire. Elle a sorti des photos, m'a raconté sa vie, la guerre. Je lui ai raconté la mienne", relate Daniel.
Ce dernier découvre également qu'il a un demi-frère, de 16 ans son cadet, et le contacte. "Ça a été un choc pour lui aussi. Je lui ai transmis les documents. Le courant est bien passé entre nous. Je trouve qu'on se ressemble. Il m'a accueilli les bras ouverts. C'est comme si on s'était toujours connu. Ça m'aide à oublier la misère que j'ai vécue", explique Daniel. D'après le récit de son demi-frère, sa mère s'est "demandée comment je l'avais retrouvée. Puis elle a parlé de viol".
De nouvelles rencontres avec sa mère biologique ont été organisées. Daniel veut la préserver. "Je lui téléphone chaque semaine, mais c'est difficile. Je veux qu'elle ait confiance. Je veux savoir. Toute ma vie, ça m'a perturbé (...) Ma mère me dira ce qu’elle a à me dire, je ne veux pas qu'elle souffre davantage".