"On ne naît pas pervers, on le devient": Dominique Pelicot rejette la faute sur ses "traumatismes" d'enfance

Dominique Pelicot a été longuement interrogé par la cour criminelle. Évoquant sa "perversion" liée à des "traumatismes" pendant son enfance, l'accusé a été mis face à ses contradictions.

"Tu mens! Tu mens!" Les mots, scandés d'une voix ferme, résonnent dans la salle de la cour criminelle du Vaucluse. Caroline Darian fulminait depuis le début de l'après-midi. Son père, Dominique Pelicot est alors interrogé sur les faits qu'on lui reproche, à savoir une décennie de soumission chimique sur sa femme pour la violer, la faire violer par des inconnus et des photos intimes de sa fille et de ses belles-filles.

"Caroline, je ne t'ai jamais droguée, je ne t'ai jamais violée", martèle Dominique Pelicot. Depuis plusieurs minutes, le septuagénaire est questionné sur deux photos de sa fille, vêtue d'une simple culotte et d'un débardeur, allongée sur le côté, retrouvées dans son ordinateur. "Ce n’est pas moi qui ai pris ces photos", avance-t-il. Qui alors? Dominique Pelicot ne donne pas de réponse.

"Ne pouvez-vous pas vous comporter en homme?", lui lance Me Camus, l'avocat de Caroline Darian, réclamant des explications. C'est la seule question à laquelle l'accusé n'aura pas de réponse.

Absent du box depuis une semaine, Dominique Pelicot a enfin pris la parole dans ce procès où il est désigné par ses co-accusés comme le "chef d'orchestre" d'un schéma criminel hors normes. L'accusé, assis dans un fauteuil, micro en main reconnaît avoir "violé" celle qu'il appelle toujours sa "femme". Était-elle en capacité de consentir? "Aucunement", affirme l'accusé. Pouvait-elle s'y opposer? "Non", tranche-t-il.

"Je suis un violeur comme tous ceux dans cette salle, assume-il d'emblée. Je reconnais ce que j’ai fait, je demande aux autres de prendre leurs responsabilités."

Les questions sont nombreuses. Comment cet homme qualifié de "patriarche" a-t-il glissé dans ce qu'il qualifie à volonté de "perversion"? Que recherchait-il en droguant sa femme et en la violant. "Ma femme était complètement réfractaire à certaines pratiques, c’est pour ça que je l’ai endormie à son insu", explique-t-il d'une voix assurée. Peu gêné par ses réponses, il explique avoir invité des hommes à son domicile pour assouvir "le fantasme de partager son (mon) épouse avec quelqu'un."

Cette "perversion" qu'il expliquerait, selon lui tout ce dont il est accusé, viendrait de son enfance. "On ne nait pas pervers, on le devient", plaide-t-il. De cette enfance, il retient deux épisodes de viol, l'un à l'âge de 9 ans, où il dit avoir été violé par un infirmier, et un autre viol auquel on l'a forcé à participer à l'âge de 14 ans. La faute revient aussi à ses parents, à cette mère soumise, à cette scène sexuelle auquel il a assisté malgré lui, sa mère "les yeux bandés et les mains attachés".

Dominique Pelicot est ému, il pleure à plusieurs reprises. Il pleure beaucoup sur son sort, comme si la victime avait changé de place ce mardi dans la salle d'audience. Il dénonce le caractère "violent" de son père, lui qui l'a empêché de faire des études. Il s'en prend à ce psychiatre qui n'a pas su l'écouter en 2010 quand une première fois il est condamné à une amende après avoir été surpris en train de filmer sous la jupe de femmes.

La faute aussi "au Net" où il a découvert la soumission chimique. La faute serait même celle de son épouse, trop souvent absente ces dernières années alors qu'elle part garder ses petits-enfants.

"Ma femme, je l'ai bien aimé pendant 40 ans et mal pendant 10 ans", résume-t-il, assurant qu'elle ne "méritait pas ça".

Pourquoi cet homme, qui dit tant aimer sa femme, ne s'est pas arrêté quand il a assisté aux problèmes de santé de Gisèle Pelicot, en raison de la soumission chimique dont elle était victime et des abus qu'elle subissait?

"Je n’ai pas souvenir qu’elle ait eu de gros problèmes. Je ne dis pas qu’elle ment. Mais ce sont des problèmes qu’on ne partage pas", évacue-t-il. Que faisait-il alors pour la protéger, comme il l'affirme? "Je demandais des tests et qu'ils ramènent des préservatifs", avance-t-il.

Dominique Pelicot, qui dit "toujours aimer sa femme", elle qui "remplaçait tout", insiste: elle n'a jamais été sa "complice". Il lui demande alors "pardon". Le septuagénaire martèle que les hommes contactés étaient au courant que sa femme serait endormie. "Ils étaient parfaitement au courant, je leur donnais mon numéro de téléphone", affirme Dominique Pelicot au sujet de ses co-accusés. Il a expliqué les avoir rencontré via Coco, sur le salon "À son insu". "On passe en privé et je leur dis que c’est pour abuser ma femme endormie."

Tour à tour, les avocats de la défense tentent de montrer les contradictions de cet homme qui au fil des heures d'audition change de ton. Faible au moment de parler de son parcours de vie, sa voix est assurée quand il s'agit d'"embarquer" ses co-accusés. "Je n'ai pas mis de menottes pour les faire venir. Ils ont accepté et sont venus", répète-t-il. Il serait même victime de ces hommes "demandeurs".

"Aucune question ne m’a été posée à ce sujet-là (l'état d'inconscience de Gisèle Pelicot, NDLR). Ils ont fait ce qu’ils voulaient", regrette Dominique Pelicot, entraînant une vive réaction de désapprobation sur les bancs des accusés.

L'un des avocats lui fait remarquer qu'il s'était présenté comme "médecin du travail" auprès de l'un des accusés, ce qu'a nié l'accusé quelques instants plus tôt. Une autre lui rapporte qu'il n'existe "aucune preuve" sur un éventuel chantage dont aurait été victime Dominique Pelicot, comme il l'affirme. "Je mens, je mens, je mens, tous ceux qui sont venus chez moi peuvent dire le contraire. Je ne leur ai pas menti, ils savaient très bien. Ils ont été réceptifs à ma demande. Les hommes qui sont venus chez moi ne sont pas venus par hasard."

À partir de mercredi, les faits concernant chaque accusé vont être examinés par la cour.

Article original publié sur BFMTV.com