Ne coupez pas ! : pourquoi il ne faut pas louper cette comédie horrifique japonaise

Racontant le tournage d'un film de zombies fauché qui tourne au carnage lorsque de vrais morts-vivants envahissent le plateau, Ne coupez pas ! de Shin'ichirô Ueda pourrait apparaître comme une énième comédie horrifique issue de la vague lancée par le succès de Shaun of the Dead, sorti il y a déjà 15 ans. Il serait pourtant dommage de se fier à sa première impression car voici un long métrage qui sort brillamment son épingle du jeu et dont la genèse mérite elle aussi qu'on s'y attarde.

Un véritable phénomène au Japon

À l'origine, Ne coupez pas ! est un projet d'étudiants en cinéma. Tourné en 8 jours avec un casting d'inconnus et un budget dérisoire (3 millions de yens japonais, soit environ 24 000€ ; à titre de comparaison, Le Projet Blair Witch a coûté le double), le film sort dans deux petites salles à Tokyo. Pourtant, le bouche-à-oreille fait son effet : l'enthousiasme des spectateurs est tel qu'il se retrouve en 4-5 mois programmé dans plus de 300 cinémas à travers le pays, devenant le septième plus gros succès au box-office nippon en 2018, engrangeant au total plus de 27 millions de dollars de recettes.

Surfant sur ce succès, le film est sélectionné dans près de 50 festivals à travers le monde, dont Fantasia et Sitges, deux des plus grands festivals consacrés aux films fantastiques, et remporte une vingtaine de récompenses, dont de nombreux prix du public. Fort de sa note sur Rotten Tomatoes (100% pour les critiques, 94% pour le public à l'heure où nous écrivons ces lignes), et après un passage dans plusieurs festivals et événements hexagonaux (La Roche-sur-Yon, le PIFFF, Kinotayo et Panic! Cinema), Ne coupez pas ! débarque dans les cinémas français.


Une structure narrative déroutante et jubilatoire

À la croisée de Shaun of the Dead, Le Projet Blair Witch et La Nuit américaine (!), Ne coupez pas ! est un film de zombies déjanté, avec une structure en trois temps surprenante et assez jouissive : un plan séquence de 37 minutes d'un film de zombies, suivi de deux parties dont on vous réserve la surprise. Ne vous fiez pas aux apparences : s'il s'agit d'un film fauché, il n'a pourtant rien de Z.

Derrière des acteurs au jeu faussement outré et en roue libre et des allures de found footage amusant mais dont on pense deviner les ressorts, voici une oeuvre ambitieuse qui transcende son budget et s'impose comme une leçon de mise en scène et d'écriture. Jouant avec les mises en abyme, Ne coupez pas ! est qui plus est une véritable déclaration d'amour au cinéma et à ses artisans, comme en témoigne sa dernière partie où l'équipe se démène pour achever coûte que coûte le tournage. Totalement imprévisible, le film s'enrichit à chaque visionnage et instaure un rapport de confiance avec son spectateur qui voit ses attentes sans cesse bousculer.

Même Edgar Wright est tombé sous le charme :

Toujours agréable de voir une comédie d'horreur faire quelque chose d'un peu différent et j'ai été ravi de découvrir à la moitié de Ne coupez pas ! qu'il s'agissait d'un mélange entre un film de zombies et la pièce de théâtre Noises Off de Michael Frayn. Très drôle et très doux. Il mérite son succès monstre. Regardez-le !


Distribuer en salles un film aussi singulier

En France, le long métrage est distribué par Les Films de Tokyo, une société de production audiovisuelle au Japon. Emballés par le film, Olivier Defaye, basé en France, et son frère, résidant au Japon, décident de monter une structure de distribution spécialement pour le film : "On veut montrer un cinéma japonais un peu différent de celui qu'on voit aujourd'hui, c'est-à-dire un cinéma plus populaire. Finalement, en France, on a des films qui ne sont pas tant vus que ça au Japon, même s'ils sont merveilleux. Mais Naomi Kawase, Kore-eda ou même Takeshi Kitano sont des cinéastes qui ne font pas tant d'entrées que ça au Japon. On adore ce cinéma-là bien sûr, mais on s'est dit qu'on allait faire connaître un cinéma japonais qui est plus populaire. Ne coupez pas ! se prête totalement à cette philosophie, c'est à la fois un film indépendant et populaire"*.

Désirant depuis de nombreuses années travailler sur une synergie France-Japon, Olivier Defaye et son frère trouvent dans Ne coupez pas ! le projet rêvé, bien qu'il soit compliqué à vendre : 

C'est un film qui a l'apparence d'un film de genre mais qui n'en est pas tout à fait un. Mais comme c'est un film très intelligent, les spectateurs venus voir un film de zombies ne sont pas déçus.

La société compte bien sur le bouche-à-oreille et le marketing digital pour faire parler de son film. Pour savoir si Ne coupez pas ! passe dans un de vos cinémas, rendez-vous sur cette page.

*Propos recueillis à Paris le 17 avril 2019