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NDDL, Sivens, Sainte-Soline… quand la mobilisation vire à l’affrontement

Évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le 15 avril 2018 (Photo by Damien MEYER / AFP)
Évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le 15 avril 2018 (Photo by Damien MEYER / AFP)

Avant les mégabassines, d'autres mobilisations pour empêcher la concrétisation d'un projet ont viré à l'affrontement entre manifestants et forces de l'ordre.

Deux manifestants dans le coma parmi les plus de 200 blessés, et 47 gendarmes touchés lors des affrontements à Sainte-Soline samedi 25 mars, lors d'une manifestation interdite contre les méga bassines. Des heurts à l'occasion de mobilisations contre un projet qui sont loin d'être une première en France.

Le 29 octobre dernier, toujours à Sainte-Soline, la mobilisation des anti bassines avait déjà tourné à l'affrontement entre opposants et forces de l'ordre, dans des proportions toutefois moindres aux heurts du 25 mars.

  • Octobre 2022, l'acte 1 des mégabassines

Au total, on y dénombra plus de 100 blessés, une trentaine coté manifestants dont 3 hospitalisés, et 61 côté gendarmes dont 22 sérieusement touchés, selon le ministère de l'Intérieur.

  • Projet de barrage de Sivens, abandonné en 2015

Dans le Tarn, un projet prévoit la création d'un lac de barrage pour créer une réserve d'eau massive, notamment destinée à irriguer des terres agricoles. Le projet se heurte à l'opposition de militants écologistes notamment à cause de la destruction d'une zone humide de 13 hectares où sont présentes une centaine d'espèces protégées.

La zone vouée à être détruite est rapidement occupée par 200 à 300 opposants au projet, une opposition soutenue par la confédération paysanne, Europe Écologie Les Verts, le Parti de gauche ou encore le Nouveau Parti anticapitaliste.

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Après plusieurs recours rejetés par la justice, une grève de la faim d'une cinquantaine de jours suivie par plusieurs opposants, le déboisage de la zone débute en septembre 2014. Dans la foulée un appel est lancé à un vaste rassemblement sur place le 25 octobre.

En prévision, le matériel de chantier est évacué par les autorités, ne reste sur place qu'une cabane de chantier et un générateur électrique équipé de projecteurs, gardés par trois vigiles. Alors que l'ambiance est calme, le matériel est incendié dans la nuit. Les forces de l'ordre, absentes du site, font alors leur retour et la situation dégénère quelques heures plus tard.

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Selon les autorités 2 000 personnes manifestaient pacifiquement quand "100 à 150 anarchistes encagoulés et tout de noir vêtus ont jeté des engins incendiaires" sur les forces de l'ordre. L'affrontement est violent : aux jets de cocktails molotov et de pierres, les gendarmes répliquent avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes.

Selon Mediapart, plus de 700 grenades de tous types dont 42 grenades offensives "OF F1" auraient été tirées. C'est l'une de ces grenades qui atteint un manifestant de 21 ans, Rémi Fraisse, vers 2 heures du matin. Ce botaniste est tué sur le coup par l'explosion.

Selon l'autopsie, Rémi Fraisse est mort de plaies importantes au dos, causées par une explosion de TNT. Dans les jours qui suivent l'annonce du décès, des dizaines de manifestations, contre les violences policières ou en hommage à Rémi Fraisse, sont organisées partout en France. La zone est évacuée en mars 2015, et le projet définitivement abandonné en décembre.

  • Le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, abandonné en 2018

C'est la Zone à Défendre (ZAD) la plus emblématique de ces dernières années en France. Le projet est de bâtir un second aéroport, plus grand, pour desservir l'ouest de la France, à une vingtaine de kilomètres de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes. Initié dans les années 60, le projet est mis sur pause dans les années 70, sous l'effet de la crise pétrolière combiné à l'opposition d'agriculteurs locaux.

Le projet est remis sur le devant de la scène au début des années 2000, et suscite rapidement l'opposition de riverains et d'agriculteurs, qui s'organisent. Des opposants montent dans les arbres destinés à être abattus, organisent des mobilisations et, à partir de 2007, s'installent dans les maisons abandonnées sur la zone du futur aéroport et créent une ZAD, zone à défendre, répartie sur 1 600 hectares.

Le 16 octobre 2012, quelques mois après l'élection de François Hollande, une première opération vise à évacuer la ZAD. 1 500 à 2000 forces de l'ordre sont mobilisées mais c'est un échec complet. L'opération dure plus d'un mois, les affrontements sont quotidiens, projectiles contre lacrymogènes, mais le 17 novembre, des milliers d’opposants déboulent dans la Zad pour réoccuper les lieux, passant à travers champs pour contourner le dispositif de gendarmerie : les cabanes détruites sont reconstruites. Le 23, les gendarmes tentent une nouvelle offensive. En vain. Le lendemain, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, favorable à l'aéroport, stoppe l'opération de gendarmerie.

En avril 2013, les gendarmes quittent la Zad; la route RD281, plus connue sous le nom de route des chicanes et qui passe au coeur de la zone, est annexée par les zadistes, et interdite d’accès. En 2014, environ 200 personnes vivent sur place.

En janvier 2018, Notre-Dame-des-Landes revient sur le devant de l'actualité, le gouvernement annonce renoncer au projet mais à partir du mois d'avril, les autorités débutent l'expulsion de la ZAD, qui se trouve sur des terrains privés.

L'occasion de nouveaux heurts sur place. En avril, 11 000 grenades sont lancées dont 8 000 grenades lacrymogènes et 3 000 grenades assourdissantes. Le 24 mai, un homme a la main arrachée par une grenade GLI-F4 qu'il a ramassé pour la rejeter sur les gendarmes. Selon le ministère de l'Intérieur,106 gendarmes sont blessés lors de l'opération, qui voit le déploiement de véhicules blindés et d'hélicoptères.

Des oppositions à des projets qui ne virent pas toujours à l'affrontement. Durant près de dix ans, une mobilisation à l'installation d'un village Center Parcs à Roybon dans l'Isère a été empêchée par des manifestants présents sur site, contraignant finalement l'entreprise à renoncer à son projet.

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