NBA: Kyrie Irving, non vacciné, devient la coqueluche des antivax

Le meneur de jeu NBA des Brooklyn Nets Kyrie Irving refuse de se faire vacciner contre le Covid. Une décision qui pousse son équipe à le mettre sur la touche, mais qui lui vaut le soutien de nombreuses personnalités conservatrices antivax. (Photo: Photo Reuters de Kevin Jairaj et captures d'écran Twitter)
Le meneur de jeu NBA des Brooklyn Nets Kyrie Irving refuse de se faire vacciner contre le Covid. Une décision qui pousse son équipe à le mettre sur la touche, mais qui lui vaut le soutien de nombreuses personnalités conservatrices antivax. (Photo: Photo Reuters de Kevin Jairaj et captures d'écran Twitter)

ÉTATS-UNIS - Une vague de soutiens pour le moins inattendue. Depuis quelques jours en cette mi-octobre et alors que la saison NBA est sur le point de reprendre, un basketteur fait les gros titres, mais pas vraiment pour ses performances sur les parquets: Kyrie Irving. D’ailleurs, le meneur de jeu des Brooklyn Nets ne met même plus les pieds sur les terrains, et ce pour une raison simple: il a refusé de se faire vacciner contre le Covid-19.

Or dans l’État de New York où évolue son club, les protocoles sanitaires interdisent à un adulte n’ayant pas reçu de vaccin de s’entraîner ou de pratiquer un sport dans un lieu public (même si Irving aurait pu se voir accorder une dérogation pour s’entraîner, les installations de son équipe pouvant être considérées comme une propriété privée). Une décision qui a poussé les Nets à se priver d’un des meilleurs joueurs du monde, suspendant le meneur et faisant part de leur volonté de ne pas prolonger son contrat censé prendre fin au terme de la saison 2022-2023.

Nouvelle égérie des pro-Trump

Si Irving aurait pu jouer à l’extérieur (du moins dans les villes où les règles sanitaires sont moins contraignantes qu’à New York), le club de Brooklyn s’est justifié ainsi: “Nous ne permettrons à aucun membre de notre équipe de n’être disponible que partiellement”, préférant ne pas cautionner l’attitude d’un joueur sélectionné sept fois au All-Star Game et champion NBA en 2016.

Car aux États-Unis, la question de la vaccination des sportifs est devenu un sujet majeur. Alors qu’il se disait au départ sceptique, LeBron James a fini par se faire vacciner et même par appeler ses concitoyens à le faire. Mais la résistance d’environ 5% des joueurs du championnat nord-américain de basket a tout même empêché la NBA de rendre le processus obligatoire pour tous.

Surtout, l’opposition acharnée de Kyrie Irving au vaccin -il a avancé dans un direct Instagram l’argument du libre choix et du droit de disposer de son propre corps, réfutant l’idée selon laquelle il aurait mis qui que soit en danger en refusant de se vacciner- en a fait une figure emblématique pour de nombreuses personnalités antivax, notamment dans les rangs des républicains et conservateurs favorables à Donald Trump.

Ainsi, le fils de l’ancien président, Donald Trump Jr., a publié sur Twitter un message éloquent: “Kyrie a sacrifié beaucoup plus que Colin Kaepernick”. Une comparaison avec le footballeur américain honni par Trump et une partie réactionnaire de l’Amérique pour avoir dénoncé les violences policières et le racisme systémique outre-Atlantique.

“Le visage du courage face à la tyrannie sanitaire”

Dans la même veine, le complotiste Mike Cernovich a salué l’attitude du basketteur en expliquant qu’il était “du même côté que Dieu” et le politologue conservateur Alex Bruesewitz a assuré qu’en préférant perdre 33 millions de dollars de salaire que de recevoir le vaccin (un montant largement exagéré, Kyrie Irving étant uniquement privé de ses revenus liés aux matches à domicile, ce qui représenterait moins de 16 millions de dollars si sa suspension durait jusqu’à la fin de la saison), il entrerait dans l’Histoire comme “un leader” et il deviendrait “le visage du courage face à la tyrannie sanitaire”.

Même réaction du côté de Ted Cruz, le sénateur du Texas et fervent partisan de Donald Trump (contre qui il concourrait pourtant en 2016 dans le cadre de la primaire du parti républicain). Sur Twitter, ce conservateur virulent a ainsi publié plusieurs messages défendant ardemment la position de Kyrie Irving.

D’abord dans le registre sportif, suggérant à l’équipe texane des Houston Rockets de recruter le meneur, Ted Cruz a ensuite profité de la polémique pour s’en prendre -dans une saillie que n’aurait pas reniée Donald Trump- aux médias. “FERME-LA et OBÉIS! Si des politiciens tyranniques exigent que tu te fasses piquer, alors tu n’as plus aucun droit à une vie privée en matière médicale. Tu n’es qu’un mouton et tu dois le faire”, écrit ainsi Ted Cruz.

“Courage incroyable”

Et d’ajouter un commentaire plus personnel: “C’est répugnant, condescendant et c’est mal. Kyrie fait preuve d’un courage incroyable.”

Même son de cloche chez Candace Owens, militante afro-américaine conservatrice connue pour le lobbyisme pro-Trump qu’elle a mené pendant le mandat du 45e président des États-Unis, notamment en France durant la “Convention de la droite”, ce rassemblement d’extrême droite au cours duquel Éric Zemmour avait tenu des propos très controversés.

Conservateurs united

En référence à plusieurs affaires de violences policières dans lesquelles les forces de l’ordre ont assuré avoir ouvert le feu contre des afro-américains parce qu’ils avaient commis un crime, Candace Owens a expliqué: “Kyrie Irving n’est pas un criminel, donc l’Amérique noire s’en fiche de ce qu’il lui arrive. S’il avait tenté de tuer un policier, violé quelqu’un ou refusé d’être arrêté, alors on aurait exigé qu’il puisse rejouer immédiatement.”

Figure du conservatisme extrême au sein du camp républicain, Jesse Kelly va lui jusqu’à voir dans la suspension de Kyrie Irving la manifestation d’un “système” apeuré face aux “résistants” luttant contre une prétendue oppression. Et d’appeler ses fans à soutenir le basketteur dans sa lutte.

Autant de voix qui d’ordinaire ont davantage tendance à dénoncer les prises de position politiques des joueurs NBA, à l’image du fameux “Shut up and dribble” (“Ferme-la et contente toi de dribbler” en français) lancé par la polémiste de droite Laura Ingraham à LeBron James alors que ce dernier s’exprimait sur différents sujets de société, notamment le racisme systémique aux États-Unis.

Des concessions pour le bien des autres

Mais comme l’ont noté avec ironie de nombreux observateurs de la vie américaine, à l’image par exemple de la journaliste de sport Molly Morrison, “les mêmes gens qui disaient à LeBron ‘Shut up and dribble’ applaudissent désormais Kyrie Irving”. Elle ajoute: “Drôle de voir comment tout cela fonctionne...”

Et pour cause, complètent le podcasteur spécialiste de football américain Rich Eisen et son équipe: ”À l’époque du ‘Shut up and dribble’, les gens qui soutiennent Kyrie Irving aujourd’hui expliquaient que les athlètes n’avaient pas voix au chapitre et qu’ils n’avaient qu’à pratiquer leur sport sans jamais parler de politique.” Et de dresser un parallèle avec les éditorialistes de Fox News qui ne cessent de hurler à la dictature et d’inciter les citoyens à refuser le vaccin alors même qu’eux l’ont reçu pour pouvoir continuer à travailler.

Or si une frange conservatrice de la classe politique et médiatique américaine s’est saisie du cas Irving pour mettre en avant ses idées et son programme, la majeure partie du monde du sport outre-Atlantique invite la population à la responsabilité. En basket, l’une des voix les plus audibles a été celle de Kareem Abdul-Jabbar, le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, qui a déclaré: “Je suis pour la liberté. Nous sommes tous pour la liberté, mais tant que cela ne se fait pas aux dépens des autres et de notre pays. C’est pourquoi nous avons mis en place des ceintures de sécurité, des casques de moto et des assurances: pour protéger les autres même si cela nous impose quelques obligations.”

À voir également sur le HuffPost: Trump sifflé par ses partisans à qui il recommandait de se faire vacciner

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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