"Naruto": Masashi Kishimoto, le créateur du manga culte, livre les secrets de son œuvre
Le temps d'un week-end, Paris a vécu une "Narutomania" comme elle n'en avait pas connu depuis les années 2000. Masashi Kishimoto, le créateur de Naruto, a rencontré pour la première fois ses fans français à l'occasion de la sortie du spin-off de Boruto – Two Blue Vortex. D'abord lors d'une conférence de presse et d'une dédicace organisées à la Fnac des Ternes, puis lors d'une soirée au Grand Rex.
Masashi Kishimoto, qui était accompagné de Mikio Ikemoto, dessinateur de Boruto et de sa suite Boruto – Two Blue Vortex, a charmé la soixantaine de journalistes et d'influenceurs réunis samedi après-midi.
Le dessinateur, qui se contente désormais de superviser la licence, a d'emblée hasardé quelques mots de français puis a confié son amour pour ce pays, qui le lui rend bien: en 2021, un tome de Naruto se vendait toutes les 30 secondes.
"Je ne me rendais pas compte (du succès de Naruto en France)", a-t-il expliqué l'air sérieux. "J'ai écrit et dessiné ce que j'avais à l'intérieur de moi et le public m'a compris."
Auteurs timides
Publié pour la première fois en France en 2002, Naruto s'y est depuis écoulé à plus de 30 millions d’exemplaires. Et à plus de 250 millions dans le monde entier. Malgré cette popularité, Masashi Kishimoto ne peut pas rencontrer ses fans à visage découvert.
Comme la majorité des mangakas, il ne souhaite pas montrer publiquement son visage. Interdiction donc de le prendre en photo et de le filmer. Lors de l'événement au Grand Rex, dimanche, les fans ont respecté la consigne. Un fait rare tant ce cinéma parisien a souvent été le théâtre de débordements lors des avant-premières d'animés.
Malgré une certaine réserve, Masashi Kishimoto et Mikio Ikemoto assurent le show. Ils se renvoient la balle et se taquinent gentiment. "Sur Naruto, j'étais assistant de M. Kishimoto. Je dessinais principalement les arrière-plans. Pour Boruto, qui est mon manga, ce n'est pas du tout le même travail", indique Mikio Ikemoto. "Je trouve que je me suis amélioré en dessin sur Boruto", ironise Masashi Kishimoto.
"On a cru qu'il allait mourir"
Interrogé sur leur rapport aux personnages de Naruto, le duo a évidemment accentué sa relation maître/élève. Masashi Kishimoto a ainsi révélé se sentir très proche du "côté espiègle et turbulent" de Naruto tandis que Mikio Ikemoto dit bien entendu être "proche" de Boruto, le fils du héros:
"Il a un père remarquable (et) je me sens dans la même situation. En travaillant, j'ai des doutes, mais j'avance, comme Boruto."
Les deux dessinateurs ont poursuivi en livrant les conseils qui ont changé leur carrière. Une manière pour Masashi Kishimoto, qui s'exprime peu en interviews, de se livrer un peu:
"Le premier conseil qui m'a marqué, c'est un conseil de mon premier éditeur attitré. Je suis plutôt du genre à ne pas avoir confiance en moi (...) Et là il m'a écrit une lettre me disant que j'avais du talent. Ces paroles, j'y ai cru. J'ai continué parce que j'ai cru en ces paroles."
Le deuxième conseil à avoir changé sa vie vient de son père. "J'avais déjà commencé à être auteur de manga professionnel. C'était dur. Je me plaignais à lui. Il m'a dit que si je faisais ce que j'aimais, je devais arrêter de me plaindre."
Mikio Ikemoto, de son côté, assure avoir pris comme modèle Masashi Kishimoto lui-même: "Chaque semaine pendant quinze ans, il dessinait. A chaque [chapitre], c'était vraiment très très dur. On a cru qu'il allait mourir. J'ai vu son attitude, son travail. Ça m'a inspiré."
Regrets
Évoquant aussi le succès du mondial du manga et de Naruto, Masashi Kishimoto assure ne pas réfléchir au contenu de ses œuvres en fonction des publics internationaux. "Je n'y fais pas spécialement attention, mais pour l'adaptation animée, j'ai sélectionné un animateur qui pouvait davantage plaire à l'étranger."
"Je savais que Naruto était très aimé à l'étranger et en France et donc pour (dessiner) Boruto, j'ai vraiment en tête l'étranger et la France", complète Mikio Ikemoto.
Au cours de cette rencontre, Masashi Kishimoto et Mikio Ikemoto ont par ailleurs insisté sur la difficulté de faire du manga. "Cest une industrie où il faut faire ce qui n'existe pas", a martelé le créateur de Naruto avant d'aborder un des regrets de son manga: ne pas avoir suffisamment développé le personnage de Sakura Haruno.
"Pour un homme, c'est vrai que pour comprendre l'état d'esprit et le cœur d'une femme, c'est plus difficile", concède Masashi Kishimoto.
"Dessiner un manga, c'est dur"
Alors que de plus en plus mangakas multiplient les pauses pour tenir le rythme très soutenu de prépublication hebdomadaire au Japon, Mikio Ikemoto se réjouit de pouvoir rendre un chapitre de Boruto par mois. "Le rythme hebdomadaire, ce n'est pas normal. J'en serais incapable", assume Mikio Ikemoto. "Je n'ai l'expérience que de l'hebdomadaire, mais le mensuel, ça a l'air plus cool", plussoie Masashi Kishimoto.
"A chaque fois, dessiner un manga, c'est vraiment dur", ajoute encore Mikio Ikemoto. "Mais je vais vraiment essayer de continuer à faire un manga intéressant. Donc je compte sur votre soutien." Avant de repartir les deux hommes, conscients sans doute d'avoir critiqué un peu trop ouvertement l'industrie du manga japonais, se ravisent:
"On ne peut pas toujours dire que c'est dur", insiste Masashi Kishimoto atténuant la portée de ses paroles. "Sinon il n'y aura pas de jeunes auteurs, ça va les décourager. Oui, c'est dur, mais je pense que dans le manga japonais, les nouveaux auteurs, il va y en avoir de plus en plus."
Et d'ajouter en saluant au passage le Weekly Shōnen Jump, le populaire magazine de prépublication de mangas où Naruto a fait son apparition. "Le manga japonais et le Jump vont continuer à se développer. Il y aura aussi des bons animés. C'est un élément important de la culture japonaise et ça va continuer à l'être. Donc merci de continuer à lire des mangas."
Avant de se lever sous les applaudissements des journalistes et des influenceurs, Mikio Ikemoto conclut en tentant de rassurer ses éditeurs présents dans la salle: "J'ai dit que c'était dur mais fondamentalement, j'adore ça. J'en profite. Je dessine avec plaisir. Ne vous inquiétez pas."