"Tout n'a pas été fait pour les protéger": la famille d'un des trois gendarmes tués à Saint-Just en 2020 porte plainte

Des gendarmes en faction dans une rue de Saint-Just le 23 décembre 2020  - OLIVIER CHASSIGNOLE © 2019 AFP
Des gendarmes en faction dans une rue de Saint-Just le 23 décembre 2020 - OLIVIER CHASSIGNOLE © 2019 AFP

"C'est un homme qui est très violent, il est armé... Il a des glocks, des fusils d'assaut... Il faut que vos collègues fassent gaffe vraiment, il est armé lourdement... Qu'ils fassent attention, qu'ils fassent très attention, hein..." Les gendarmes qui sont intervenus le 23 décembre 2020 à Saint-Just, dans le Puy-de-Dôme, pour secourir une femme victime de violences conjugales étaient-ils suffisamment informés du danger encouru lors de cette mission?

Cette question, la famille de Cyrille Morel, l'un des trois gendarmes tués lors de cette intervention, se la pose encore. Ce père de famille de deux enfants a trouvé la mort, atteint par cinq balles tirées par Frédérik Limol. Le suspect était retranché à son domicile, où les militaires intervenaient pour secourir sa compagne réfugiée sur le toit. Deux autres gendarmes ont été tués ce soir-là: Arno Mavel, un brigadier de 21 ans et Rémi Dupuis, un adjudant de 37 ans, atteints par trois tirs dont deux mortels.

La gravité des événements "sous-estimée"

L'alerte avait été donnée par les voisins à 20h43. Elle évoque alors un homme "violent", "armé". Lui, policier de métier, indique à ses collègues du centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie, que le suspect est "armé lourdement". Il évoque "un fusil d'assaut", un "Glock 19", un pistolet semi-automatique utilisé par les forces de l'ordre, et "un AR15", un fusil semi-automatique. "Qu'ils fassent attention, qu'ils fassent très attention, hein", conclut le fonctionnaire de police.

Un message qui n'a pas pas été transmis ou trop tardivement aux gendarmes qui interviennent sur place, selon les familles des militaires. Comme l'indique leur avocat à BFMTV.com, confirmant les informations de La Montagne, les proches de Cyrille Morel ont porté plainte contre X pour "homicide involontaire". "Mes clients veulent connaître toute la vérité", détaille Me Gilles-Jean Portejoie.

"À la lecture de la chronologie minute par minute des échanges, des conversations téléphoniques, on se rend compte que tout n'a, semble-t-il, pas été fait par l'autorité militaire pour assurer la sécurité des gendarmes. La gravité des événements en cours a été sous-estimée."

Dans cette plainte, la famille de Cyrille Morel déplore "le manque flagrant d'informations répercutées aux gendarmes engagés initialement". "Nous n'avions pas trop d'informations sur les détails de l'intervention", reconnaît, dans le cadre de l'enquête, une gendarme faisant partie des primo-intervenants. "Dans mon esprit, on ne partait pas sur un usage d'armes sinon nous serions partis plus nombreux et encore plus armés", évoque un autre militaire.

Reconstitution refusée

Les informations sur l'armement du forcené et de sa dangerosité du fait notamment de son expérience de la maîtrise des armes à feu, sont parvenues "tardivement" et de façon "très édulcorée", dénonce encore la plainte. De plus, du fait de cette "absence d'indication", les gendarmes n'étaient semble-t-il pas suffisamment équipés pour faire face à de telles armes.

Arno Mavel a reçu une seule balle, dans la zone inférieure de l'abdomen. Rémi Dupuis a été atteint par trois tirs alors qu'il ne disposait pas d'un équipement lourd. Arrivé avec deux autres collègues pour une mission de reconnaissance à la suite des premiers tirs, il n'avait pas pu s'équiper d'un gilet pare-balles, leur véhicule n'en comptait ce soir-là que deux. Cyrille Morel "ne portait que son équipement de dotation", rappelle encore Me Portejoie.

"Les conversations alarmistes n'ont pas été prises au sérieux, sans parler du matériel défaillant, résume Me Portejoie. Tout n'a pas été fait pour les protéger."

Les familles des trois militaires ne décolèrent pas contre la décision du juge de refuser leur demande de reconstitution. "Ils sont très amers, c'est une décision qu'ils ont très mal vécue", explique l'avocat. D'autant que pour ce triple meurtre, il n'y aura pas de procès. Frédérik Limol avait été retrouvé mort quelques jours après le drame. Il s'était suicidé.

Article original publié sur BFMTV.com