Nîmes : le quartier Pissevin au cœur des questions après la mort d’un enfant de 10 ans sur fond de trafic de drogue
FAITS DIVERS - Fayed, 10 ans, est mort pour avoir été « au mauvais endroit, au mauvais moment ». Il a été tué par balle lundi 21 août au soir à Nîmes, victime collatérale d’un règlement de compte entre des trafiquants de drogues dans le quartier de Pissevin.
Ce dossier est « en lien avec les trafics de stupéfiants », assure la procureure de Nîmes, Cécile Gensac. Dans le quartier les habitants sont atterés au lendemain du drame. Pas plus tard que dimanche dernier, un adolescent de 14 ans avait été blessé par balles non loin de là.
Les règlements de compte sont monnaie courante à Pissevin. En janvier dernier, un homme de 39 ans y avait déjà été abattu dans une fusillade sur fond de trafic de stupéfiants.
Selon des chiffres de l’ex-procureur de Nîmes, Eric Maurel, une quinzaine de règlements de compte avaient fait onze morts à Nîmes entre 2020 et 2021, dont un adolescent de 17 ans. La plupart de ces homicides avaient eu lieu à Pissevin, au Chemin Bas et au Mas de Mingue, trois secteurs périphériques de Nîmes constitués de barres d’immeubles et de tours.
« Les dealers ont pris le pouvoir sur le quartier »
À Pissevin, le taux de pauvreté dépasse les 70 % et le taux de chômage atteint 46 %. Ici « on tiraille, on tire à vue et malheureusement une famille s’est retrouvée en plein milieu de ces tirs, avec un enfant de 10 ans qui est décédé, un enfant du quartier », déplore Raouf Azzouz, directeur du centre social Les Mille Couleurs. Et le militant de dénoncer « l’impunité totale, la vente de la drogue en pleine rue, les canapés, les prix indiqués sur les murs. Les dealers ont pris le pouvoir sur le quartier, le commerce de la drogue est florissant, donc voilà, il va y avoir des règlements de compte entre bandes rivales et la population est au milieu. ) Aujourd’hui l’espace public, il est privatisé par les vendeurs de mort », insiste-t-il.
Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte pour « assassinat en bande organisée », le jeune Fayed se trouvait à l’arrière d’un véhicule pris pour cible aux alentours de 23 h 30. La magistrate a précisé qu’il était « établi » que l’enfant avait « reçu un projectile, une balle probablement, dans une zone visiblement létale ».
Le conducteur, son oncle, âgé de 28 ans, a lui aussi été blessé par balles mais n’est « plus en danger » de mort. Un autre de ses neveux, âgé de sept ans qui se trouvait à l’arrière, est sain et sauf. L’enfant tué et son oncle sont « indéniablement » des victimes collatérales, selon la procureure, qui a dénoncé « une tragédie des plus absolues ». « La famille de la victime n’est absolument associée d’aucune façon, ni avant ni actuellement, dans des faits de nature pénale », elle « a eu pour seul malheur de passer au mauvais endroit au mauvais moment », a-t-elle ajouté.
Arrivée d’une vingtaine de fonctionnaires de police de la CRS 8
De source policière, les tireurs seraient au nombre de quatre. Ils étaient toujours en fuite et recherchés mardi. « Je suis profondément choqué, attristé et révolté par ce nouveau drame », a réagi dans un communiqué le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier, déplorant une situation « invivable », « qui s’envenime de jour en jour ».
« Le quartier, il est trop chaud. Je ne laisse pas les enfants ici et je gare ma voiture plus loin. Il y a trop de délinquants. Bientôt, c’est sûr, je vais déménager, dès que je trouve une maison à côté. Je ne vais pas rester ici », témoigne Hamed Mohamed, un cariste de 36 ans rentrant du travail.
« Le quartier, c’est mauvais. Ils vendent le shit, ici, et à cause de ça ils font n’importe quoi », regrette Ahamada Ibourou, né aux Comores en 1956, en expliquant que des habitants de Pissevin et du quartier voisin de Valdegour « montent et descendent avec des pistolets ». « Moi, j’ai peur. Ils tirent comme des animaux, ce n’est pas bon. À 21 h 00, je ne sors plus dehors », poursuit cet homme de 66 ans, chapeau de paille sur la tête, en se rendant au bureau de poste situé au pied de la cité.
Une vingtaine de fonctionnaires de police de la CRS 8, unité spécialisée dans le maintien de l’ordre en zones urbaines, s’est déployée peu après 15 h 00 dans le quartier. Un renfort policier destiné à « sécuriser » et « pacifier le quartier au maximum » afin que « les habitants retrouvent un tout petit peu de sérénité », a expliqué sur place Anne Valla, directrice départementale adjointe de la sécurité publique du Gard. « Le but, c’est vraiment de reprendre possession du quartier, de montrer aux habitants qu’on est là et qu’on ne laissera pas faire ce qui s’est passé la nuit dernière ».
Plusieurs villes du sud-est de la France dont Marseille, Avignon, Nîmes, dans un arc entre l’Espagne et l’Italie, sont touchées depuis plusieurs années par des assassinats liés au trafic de drogue, une violence qui touche également désormais des victimes collatérales.
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