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My «favorite thing» d’Al Jarreau

Le chanteur multigramminé est mort dimanche à 76 ans, quatre jours après avoir annoncé sa retraite.

La trajectoire d’Al Jarreau reste l’affaire d’un malentendu. Pourquoi donc, jusqu’à même l’annonce de sa mort dimanche soir, l’a-t-on éternellement rangé au rayon jazz, une musique qui l’avait certes nourri dans ses jeunes années, mais bien vite quittée pour flirter avec la pop ? Depuis les années 80, le chanteur élevé dans le gospel familial (père pasteur, mère pianiste d’église) s’était converti aux sirènes des charts - plus soap jazzy que soul jazz -, qui lui valurent les louanges du grand public mais les réprobations des adeptes de la blue note, ceux-là même qui avaient cru voir en lui l’un des possibles messies du jazz vocal : une voix capable de parcourir les octaves et d’improviser sur le champ comme peu.

C’était au temps de ses premiers albums pour Warner, sous étiquette Reprise, la firme avec laquelle il fera l’essentiel de sa carrière. A l’époque, le milieu des années 70, il incarne une des voies possibles du soul jazz, pas forcément la plus spirituelle, sans doute l’une des plus techniques. En 1975, We Got By consacre son art de faire swinguer les mots, aussi à l’aise dans le scat que sur le registre crooner. L’influence pastorale est alors encore perceptible dans ses accents toniques, comme sur Could You Believe, extrait de Look At The Rainbow, recueil qui lui vaudra son premier Grammy. Six autres suivront, pour celui qui s’est éteint le jour même de la célèbre remise de prix à Los Angeles, là où il vécut jusqu’à son dernier souffle. Là même, aussi, où il se fit remarquer, cinquante ans plus tôt. A l’époque, il venait d’enregistrer son premier disque publié sur un label de la côte Ouest, Bainbridge, une poignée de standards passés inaperçus - mal entendus !? - dont une version de My Favorite Things, où il démontrait toute la grâce naturelle, sans artefact, de sa voix. Finalement plus quintessentiel. J.De.

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