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Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines : on en parle ou pas ?

Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines : on en parle ou pas ?  Crédit : Getty
Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines : on en parle ou pas ?

Crédit : Getty

Le 6 février est la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines.

Alors on en parle ou pas ? Aujourd’hui, nous sommes le 6 février. Peu de gens savent à quoi fait référence cette date. Et pourtant… ça continue ! Ça continue encore. Je croyais appartenir à la dernière génération qui subissait cette pratique ancestrale mais je me suis trompée. Elles s’appellent Diarra, Ouleye, Adama, Aïssa, Fatima et d’autres encore et elles m’écrivent. Elles veulent que je les entende alors je les écoute.

Elles me disent toutes qu’elles se sentent seules. Ça aussi ça n’a pas changé. On ne parle pas de nous. Ni les médias, ni les associations féministes. Personne. Ça ne les concerne pas. L’universalisme disparaît. Pourquoi toutes ces personnes détournent-elles leur regard ? Ont-elles honte de ce que nous avons subi ? Sont-elles gênées ? Désormais, moi non plus je n’ose prononcer ce mal qui m’a longtemps rongée de l’extérieur dans un premier temps puis de l’intérieur dans un second temps. J’ai craché ce venin pour ne pas mourir.

Mais désormais on ne veut plus m’entendre. Nous sommes environ 125 000 victimes en France (le chiffre est approximatif il est issu de Santé public France) et dans le monde nous sommes environ 200 millions de filles touchées soit une petite fille subit cette pratique toutes les 4 minutes. Subit quoi ? L’EXCISION, vous pouvez prononcer ce mot, il ne vous fera strictement rien, pour nous, c’est trop tard mais je crois qu’en parlant de cette amputation, on peut sans doute protéger d’autres jeunes filles. Le silence tue !

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Qu’est-ce que l’excision ? L’excision est une amputation. On nous castre comme on le fait pour un animal de compagnie. Tout dépend des régions du monde, chacune a sa spécificité ! Du côté de l’Indonésie, on coupe le capuchon du clitoris, en Afrique de l’Ouest on peut ne couper que le clitoris mais parfois aussi les petites lèvres. En Afrique de l’Est, on retrouve l’infibulation, donc on ampute le clitoris, les petites lèvres, on coud les grandes lèvres et on laisse une petite ouverture pour les urines et les menstruations. Quelle générosité ! Tout ceci est fait sur des bébés, des enfants, à vif et donc sans aucune anesthésie. Alors on en parle ou pas de l’excision ?

Pourquoi nous mutile-t-on ? C’est parce qu’ils ont peur ! Nos corps les effraient et surtout ce petit organe rose qui a pour unique fonction le plaisir. Alors on nous l’arrache en prétextant des raisons irrationnelles. Soit disant cela éviterait les grossesses en dehors du mariage, ou le clitoris empêcherait la pénétration de l’homme ou au moment de l’accouchement le clitoris empêcherait le bébé de passer ! Raisons absurdes me direz-vous ! Mais cette mutilation m’a coûté et elle coûte aujourd’hui à d’autres leur intégrité d’êtres de sexe féminin.

Les conséquences ? Le premier est la mort ! Puis il y en a d’autres : hémorragies, septicémies, énurésie et conséquences psychiques très importantes. Oui, j’oubliais, ce sont nos mères qui nous amènent à l’échafaud ! Elles l’ont subie et nous la font subir en pensant qu’elles le font pour notre bien. Raison pour laquelle je ne supporte plus qu’aucune personne puisse se prévaloir de mon bien. Cela m’a coûté beaucoup trop cher et je le paie encore aujourd’hui. Pendant très longtemps, je me suis sentie à moitié femme car j’avais subi cette mutilation. J’ai dû faire un long travail psychique pour me réapproprier mon corps. La chirurgie réparatrice ? Et bien ce n’est pas magique. Nous ne sommes pas des voitures et donc on ne répare pas un corps comme une voiture. Le vrai travail est psychique, car on doit déconstruire tout ce qu’on nous a mis en tête depuis que nous sommes petites filles. Et pour certaines, la chirurgie ne répond pas à leur état et donc un travail psychique suffit.

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Les mutilations sexuelles faites aux femmes sont une pratique qui se transmet de génération en génération. À la différence près que je suis allée à l’école et cette donnée change complètement la donne. J’ai appris à faire autrement, à remettre en cause et à me frayer un autre chemin. Le 6 février, souvenez-vous de cette date car ça continue encore et encore. Se taire ou détourner le regard c’est participer à cette pratique. Alors, on en parle ou pas de l’excision ?

Halimata Fofana

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