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Racisme : le débat sur le nom des rues au coeur du second tour des municipales ?

Une plaque explicative installée rue Gramont, à Bordeaux.

Certains candidats au second tour des municipales s’engagent à débaptiser une ou plusieurs rues portant le nom d’esclavagistes dans leur commune s’ils sont élus.

Faut-il renommer les rues et bâtiments publics qui portent le nom d’esclavagistes ? Depuis la mort de George Floyd aux Etats-Unis et le déboulonnage de plusieurs statues d’esclavagistes, la question est relancée et s’invite au second tour des élections municipales, dans plusieurs communes concernées.

Si Emmanuel Macron a écarté l’idée de déboulonner des statues de personnages comme Colbert ou Faidherbe, certains candidats au second tour semblent tentés par l’idée de rebaptiser certaines rues s’ils sont élus.

“Débaptiser une rue dans chaque ville concernée”

Les villes portuaires de la façade Atlantique, où transitaient les bateaux d’esclaves, comportent plusieurs rues portant le nom d’esclavagistes ou de négriers. L’association Mémoire et Partages a envoyé une lettre ouverte au président de la République et aux candidats au second tour de ces villes, comme Bordeaux, Le Havre, La Rochelle, Biarritz et Marseille, pour leur demander s’ils comptaient agir.

“On ne peut pas débaptiser toutes ces rues, il y en a trop. On souhaite que, symboliquement, dans chacune de ces villes, une rue portant le nom d’un esclavagiste soit débaptisée, pour montre qu’on a entendu la colère du monde entier contre le racisme. Et que des plaques explicatives soient installées dans les autres rues pour faire de la pédagogie explicative”, plaide Karfa Diallo, directeur de Mémoire et partage.

“La France a bien débaptisé ses rues Pétain”

Une demande qui permettrait à la France de “répondre à l'écœurement de la jeunesse d'aujourd'hui qui a besoin que des symboles puissent répondre à son exigence d'une société plus démocratique, plus respectueuse des droits humains et notamment de ceux des Noirs”, ajoute Karfa Diallo. “La France a débaptisé ses rues Pétain après la Seconde Guerre mondiale, elle ne peut pas laisser impuni Colbert”, ajoute le directeur de l’association.

Plusieurs candidats sont favorables à débaptiser une ou toutes les rues de la ville où ils sont candidats. À Bordeaux, le candidat du NPA Philippe Poutou, arrivé 4e du premier tour, envisage de renommer les 20 rues concernées dans la ville. De son côté le candidat écologiste Pierre Hurmic, à quasi égalité au premier tour avec le maire actuel, s’est engagé à débaptiser les bâtiments concernés comme les écoles ou gymnases, et souhaite apposer des panneaux explicatifs dans les rues portant le nom d’esclavagistes.

Des plaques installés à Bordeaux

Si le maire actuel et candidat à sa réélection, Nicolas Florian (LR) n’a pas apporté de réponse officielle, la mairie a depuis apposé plusieurs plaques explicatives dans des rues. “Bordeaux préfère la pédagogie mémorielle” au fait de débaptiser des rues, a expliqué à l’AFP Marik Fetouh, adjoint au maire chargé de l’égalité et de la lutte contre la discrimination. Le projet avait été lancé en décembre dernier.

Une opération qui n’a pas convaincu Karfa Diallo, qui dénonce une opération faite “en catimini”. “On ne combat pas le racisme en se cachant. Il faut que cela soit fait au grand jour. C’est une réponse maladroite qui montre que la municipalité n’est pas à l’aise avec le sujet” dénonce-t-il.

Le quartier de la Négresse, à Biarritz

Autre municipalité particulièrement concernée, Biarritz. “La négresse”, c’est le nom d’un quartier de la ville, de la gare, d’une rue et d’une fête dans la municipalité. Comme le rappelle Sud Ouest, la question de débaptiser le quartier agite fréquemment la ville. Parmi les quatre candidats à la mairie, seule Nathalie Motch, arrivée en 3e position au 1er tour, a répondu à l’association et indique envisager une consultation citoyenne pour décider ou non de débaptiser le quartier “La Négresse”.

Parmi les autres villes particulièrement concernées, Nantes, La Rochelle ou encore Le Havre. Dans ces villes, Johanna Rolland, maire de Nantes candidate à sa réélection, Olivier Falorni, arrivé en tête au 1er tour à La Rochelle et Jean-Paul Lecoq , arrivé deuxième au Havre, sont favorables à l’installation de plaques explicatives dans les rues concernées, selon l’association Mémoire et partages.

En revanche, Karfa Diallo indique n’avoir eu aucune réponse d’Edouard Philippe, Premier ministre et candidat à la mairie du Havre. “Cela ne me surprend pas car il a été maire du Havre pendant sept ans et n’a rien fait sur la mémoire de l’esclavage dans la ville”, déplore le directeur de mémoire et partages.