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Municipales 2020 : les ministres peuvent-ils garder leur poste s’ils sont élus ?

Plusieurs ministres ont annoncé leur candidature sur une liste pour les prochaines municipales. Certains visent même la place de maire.
Plusieurs ministres ont annoncé leur candidature sur une liste pour les prochaines municipales. Certains visent même la place de maire.

Plusieurs membres du gouvernement se sont lancés dans la course des municipales, certains en tant que tête de liste, d’autres non. Resteront-ils ministres s’ils sont élus ?

Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, vient d’annoncer, ce 28 janvier dans La Voix du Nord, qu’il était candidat à la mairie de Tourcoing (Nord). Il vient grossir les rangs des membres du gouvernement ayant des ambitions locales. Si Didier Guillaume est le seul autre ministre à s’être déclaré tête de liste pour les élections des 15 et 22 mars prochain - à Biarritz - d’autres se sont lancés dans la course, espérant devenir conseillers municipaux.

Le suspens entretenu

C’est par exemple le cas de Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères), présent sur la liste du maire sortant MoDem de Biarritz. Jean-Baptiste Djebarri, secrétaire d’État aux transports, est numéro 2 de la liste LREM à Limoges. Marc Fesneau, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, est sur une liste dans la commune de Marchenoir, tout comme Marlène Schiappa dans le XIVe arrondissement de Paris ou encore Agnès Pannier-Runacher dans le XVIe.

Quant au Premier ministre, il entretient le suspens, à l’instar de ses collègues Franck Riester et Sébastien Lecornu. Édouard Philippe devrait lever le voile sur une éventuelle candidature au Havre, ce vendredi 31 janvier. “Emmanuel Macron a plutôt incité certains de ses ministres à se présenter aux municipales, ce qui correspondait à un objectif d’implantation locale de la nouvelle majorité”, décrit Pierre Sadran, professeur émérite à Sciences Po Bordeaux.

Édouard Philippe interdit les cumuls

En septembre 2019, le locataire de Matignon avait affirmé que “chaque ministre pourra[it] être candidat” aux municipales mais qu’en cas d’élection, il devrait choisir “s’il veut rester membre du gouvernement” ou prendre ses fonctions de maire. Une règle rappelée par la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, ce 28 janvier.

“Dans la pratique, depuis Lionel Jospin, les présidents et les Premiers ministres ont imposé à leurs ministres de ne pas exercer en même temps un mandat de maire”, nous rappelle le spécialiste en sciences politiques. Mais il n’y a aucune loi sur le sujet. Il y a bien eu une tentative, en avril 2018. Lors de la première version du projet de réforme des institutions, l’incompatibilité entre un poste au sein du gouvernement et un mandat local était inscrite. Mais cette spécificité a disparu dans la version de 2019.

Les différentes lois sur le cumul des mandats - dont la dernière date de 2014 - n’évoquent pas la situation de ministre et de maire… tout simplement parce que la position ministérielle n’est pas un mandat mais une fonction, comme nous le précise Pierre Sadran.

S’il n’existe donc toujours pas d’interdiction légale, “c’est une norme de comportement qui s’applique au nom de l’éthique mais aussi de la disponibilité”, commente le spécialiste. Même s’il y a eu quelques exceptions à la règle, à l’instar de Jacques Dondoux, qui a conservé son mandat municipal à Saint-Agrève lorsqu’il occupait son poste de Secrétaire d’État au Commerce extérieur.

Quelle disponibilité pour la campagne ?

Une nuance peut tout de même être apportée. S’ils se présentent aux municipales sans être têtes de liste et donc sans avoir vocation à devenir maires - comme c’est le cas de la majorité des ministres qui se sont déclarés pour l’instant - “le cumul peut être considéré comme tolérable”, estime le professeur émérite. Dans le cas où un membre du gouvernement serait élu maire, il aura, selon le spécialiste, 30 jours pour choisir quel rôle il conserve. À défaut, le dernier mandat l’emporte.

Bien sûr, qui dit élection dit campagne. Or, selon le porte-feuille ministériel, le temps libre peut varier. Si les directeurs de campagnes peuvent endosser une grosse partie du rôle, l’intérêt d’un ministre à se présenter est de “bénéficier de sa notoriété”.

Mais que pense l’opinion publique de cette double casquette ? Pour Pierre Sadran, elle est divisée sur le sujet. “L’électorat municipal est flatté d’avoir un candidat ministre. Il en attend des bénéfices : une visibilité nationale, des ressources politiques…”, décrit-il. “Et en même temps, il y a l’idée qu’on ne peut pas être au four et au moulin”. Et qu’il est donc difficile de faire campagne tout en gérant un pays.

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