"En moyenne qu'une fois par siècle": pourquoi les crues dans le Pas-de-Calais sont "historiques"

Le Pas-de-Calais est sous les eaux. Le service Vigicrues a qualifié les crues qui touchent le département d'"historiques". Les rues de nombreuses communes se sont transformées en torrents, inondant jusqu'à l'intérieur des habitations et provoquant d'importants dégâts.

"On y a le droit tous les ans, mais c'est la première année que c'est aussi haut", raconte Clarisse, habitante de Wimille. Même son de cloche dans la rue voisine, chez Philippe. "Depuis 50 ans que l'on habite ici, on n'a jamais vu ça", détaille-t-il au micro de BFMTV.

"Je connais des gens qui sont nés sur la commune, qui ont 80-85 ans et qui n'ont jamais vu ça", abonde dans le même sens Brigitte Passebosc, maire de Saint-Etienne-au-Mont, commune très touchée par les intempéries.

Records de crues battus

Circulation des trains coupée, écoles fermées, routes inondées et barrées... Les crues ont causé d'importants dégâts. Selon l'organisme de mesure Vigicrues, ce sont les plus fortes jamais connues dans la zone depuis 2002, année durant laquelle des inondations exceptionnelles avaient touché le Pas-de-Calais.

Certains cours d'eau ont même dépassé les épisodes de référence enregistrés. C'est notamment le cas de l'Aa, où des niveaux records ont été recensés. D’après les données de la station de Lumbres-Bléquin, le niveau de ce fleuve côtier est monté à 2,40 m contre 1,31 m lors de la crue de 2002.

La Liane a enregistré un pic de crue de 5,27 m ce lundi. Entre Isques et Notre-Dame-au-Mont, où le lit de la Liane fait habituellement quelques mètres de large, l'eau s'étendait à certains endroits, sur près de 200 mètres de large mardi après-midi.

Des cumuls de pluie exceptionnels

Comment expliquer de tels niveaux de crues? Alors que des tempêtes balaient la France, le nord du pays est frappé par d'incessantes précipitations. Depuis le 18 octobre, il pleut chaque jour sur le département.

Météo-France explique que sur les 20 derniers jours, le cumul de pluie à l’échelle du département atteint les 200 mm, "ce qui représente à peu près trois fois la référence climatologique à cette période de l’année". Cela signifie que 200 litres d'eau se sont abattus par mètre carré sur la zone concernée.

L'institut météorologique précise que de tels cumuls n'ont été observés qu'une seule fois dans le Pas-de-Calais: en décembre 1993 avec 210 mm relevés.

"Sur le Boulonnais et la Flandre intérieure, il a par endroits plu en 6 jours l'équivalent de ce qui tombe en moyenne sur tout un mois de novembre", écrit Météo-France.

Sur le bassin de la Liane, il est ainsi tombé près de 100 mm à Wirwignes quand la normale du mois de novembre est de 120 mm.

Ces précipitations se sont notamment intensifiées au début du mois, lors du passage de la violente tempête Ciarán. Une fois passée la première tempête, une deuxième, Domingos, est arrivée, empêchant la décrue.

Selon Météo-France, sur les quinze derniers jours, certaines stations ont enregistré des cumuls de pluie qui ne se produisent "en moyenne qu’une fois par siècle".

Une région vulnérable

Alors que les champs et les exploitations agricoles ont été particulièrement touchées par ces inondations, la FDSEA62 (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles du Pas-de-Calais) a pointé la nécessité de "rénover et redimensionner" les réseaux hydrauliques du département, qui compte une vaste zone de marais autour de Saint-Omer, "pour faire face aux défis du XXIe siècle".

Le département est particulièrement vulnérable aux inondations. La région entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer est un polder, des hectares gagnés sur la mer et donc se trouvant sous le niveau de la mer.

En outre, le quart nord-est de la France, et principalement les côtes, sont les zones les plus exposées au passage des dépressions et des tempêtes, notamment à l'automne et à l'hiver.

Le dérèglement climatique n'augmente pas le nombre de tempêtes sur le pays mais pourrait en augmenter l'intensité. Plus l'air est chaud, plus il est chargé en eau. Ainsi, les précipitations peuvent être plus importantes et donc le risque de cru plus grand.

De nouvelles intempéries redoutées

Après avoir été placés en vigilance rouge ce mardi, l'Aa et la Liane sont de retour en vigilance jaune aujourd'hui. Seule la Canche, un fleuve côtier, est encore en vigilance orange. La décrue commence lentement ce mercredi.

Toutefois, le répit devrait être de courte durée puisqu'une nouvelle perturbation est attendue dès ce mercredi sur le département, apportant "10 à 20mm" de pluie selon Météo-France. Des averses assez actives devraient ensuite prendre le relais pour la journée de jeudi.

"Ces nouvelles précipitations pourraient ralentir les décrues actuelles voire générer de nouvelles crues sur des bassins déjà saturés et des cours d'eau très réactifs", met en garde Vigicrues.

En déplacement à Saint-Étienne-au-Mont, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé ce mercredi que "les prévisions nous laissent penser que demain, il faudra repasser certains secteurs en vigilance rouge". Il n'y a "pas de perspective de décrue avant vendredi", ajoute-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com